Les Yu ont reçu la nouvelle plus froidement encore. Ils se sont chamaillés, ne cessant que lorsque le moins petit d’entre eux a eu giflé son opposant le plus acerbe.

— Ils parlent enfin ma langue, m’a chuchoté Cokra avec un sourire sardonique.

— Les dieux elu et damo sont cruels, passifs et indifférents, a clamé l’aïeule aussitôt traduite par Haölillyo. Quand ils s’étaient attardés suffisamment longtemps pour nous remarquer, ils nous ont regardés avec détachement. Ceux qui dépassent leur ennui et persistent à nous étudier s’amusent certainement de nos afflictions, car ils ne les combattent pas. Les erreurs, les dieux aberrants, échangent leur divinité pour une existence mortelle. Mais toutes les tribus sous tous les cieux de toutes les régions d’Essea le savent : les dieux mortels répandent la souffrance et la mort.

J’étais sur le point de faire remarquer son raccourci immérité, mais elle a tendu les bras vers le ciel et continué sa péroraison :

— La tribu de No n’aidera pas le sorcier elu et les non-personnes qui l’accompagnent à trouver le semblable de Marake, qui mena l’armée des ombres ; de Perama, qui soufflait la mort ; d’Amero, qui disait le chaos ; de Somara, qui volait les âmes ; d’Aina, qui riait des Anciens ; de Suama, qui tua le père ; d’Ossa, qui déroba la terre ; de Meu, qui trompa l’aîné ; et de Kachaha, le jaloux.

Elle a pointé un doigt vers sa tribu, qui a répété chacun de ses mots en canon.

— En vos cœurs maintenant, demandez aux Pères d’empêcher les dieux impies de fouler leur terre, la terre yuma, la terre de No. Demandez-leur de protéger leurs Enfants qui pleurent les crimes des dieux mortels. Demandez-leur de nous guider et de nous mener aux gloires passées.

Ils ont émis des cris éloignés des espèces qu’ils essayaient peut-être d’imiter, et secoué rythmiquement leurs vêtements et coiffures étranges. Cokra les a observés avec une expression jusqu’alors réservée aux victimes de ses farces.

— Je crois qu’on les a cassés.