L’Oiseau prend racine
Caei à Kaz et Lautèg
[Illisible]ième message
[Illisible] retrouver Kaz [illisible] à Kwashil. Ça vous [illisible] ? [Illisible] recru[illisible] alliance et [illisible]. [Illisible] écriture, mais [illisible] habitude avec [phrases illisibles] vieux rouleaux.
J’ai scruté ta lettre un long moment, espérant qu’elle me révèle son contenu à force de patience, ou par crainte de mon regard insistant. Mais rien. Lautèg avait déduit qu’elle devait me transmettre ton message et que tu comptais sur nous pour forger une alliance entre Kwashil et, supposions-nous, Yudælla.
Il ne se trouvait pas d’émissaires kwashil en la Cité cependant, et les quelques troqueurs n’oseraient parler au nom de leur clan. Lautèg, un sourire en coin, a fait remarquer qu’une visite au « berceau » s’imposait ; j’étais indécis. Je me souvenais t’avoir proposé de servir de liaison avec Kwashil, mais Voelumthə ne manquerait pas de me congédier pour de bon si j’avais l’audace de m’absenter de nouveau. Et saisissions-nous vraiment la nature de ta requête ?
J’étais enfin parvenu à me construire un nid au milieu des Ælvn. Petit à petit, grâce à Royan, grâce à toi, grâce aux Llëmnoa et à mon propre labeur, j’avais gravi les échelons tandis que le secteur dai dépérissait. Plutôt que de fréquenter un secteur fantôme, je passais le plus clair de mon temps en compagnie de rouleaux ou d’Ælvn. On m’avait gratifié de mes quartiers, une faveur sans égal pour un Dai. Sans Voelumthə, ces privilèges me seraient enlevés.
Il me restait tant à apprendre, tant de textes encore inexplorés, inaccessibles au prochain impair. Je brûlais de demander conseil à quelqu’un, mais, hormis Lautèg à qui Kwashil manquait terriblement, il ne restait personne. J’ai alors réalisé le silence démesuré qui enveloppait la Cité sans les cris, rires et bruits outrageux des Dai pour en remplir les vastes salles. Nous étions devenus aussi rares que les Yu. Je me suis soudain senti très seul.
J’ai nourri le pacik puis te l’ai renvoyé en explicitant mes plans. Ainsi, si je t’avais mal comprise nous pourrions, espérais-je, rectifier le qui pro quo avant ses conséquences indésirables. À vrai dire, je voyais mal ce que Kwashil pouvait apporter à l’alliance, mais ma visite ne prétendait pas à de si nobles motivations : maintenant que j’avais des ailes, il me fallait des racines.
J’ai cessé mes travaux de copie et de traduction pour lire autant de rouleaux que possible avant d’adresser mes adieux aux archives. Ma mémoire s’était améliorée au point que je ne doutais pas d’emporter avec moi tous les récits et comptes-rendus étudiés. Mieux valait mettre à profit le temps restant.
Le jour convenu, Lautèg m’a retrouvé dans mes quartiers. Excités comme des poussins, nous avons quitté la Cité sans prendre la peine d’en franchir les portes.
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