Chapitre 2
Gabie hésite un moment et finalement décide d’ouvrir la portière de la voiture. Elle monte en laissant échapper un soupir las. Le professeur lui fait un clin d’œil malsain et prend le chemin de leur hôtel habituel au Bois-Verna. La jeune fille collait son regard à la portière, faisant de son mieux pour éviter l'homme à ses côtés.
- Comment a été ta journée mon ange ? dit le professeur en une ultime tentative pour créer un semblant de conversation.
- Pas mal. Répond sèchement Gabie.
- Allons ! Ne sois pas si rabat-joie. J’ai passé la semaine à penser à toi. Tu ne peux même pas imaginer combien ton odeur me manquait.
- Je n’en doute pas ; tu en as témoigné devant toute la classe. Tu sais que je ne serais jamais en retard à aucun de tes cours. Si ceci ne suffisait pas pour une considération, tu aurais pu m’éviter cette scène en pensant à mon odeur.
Le professeur ne relève pas l’attaque. Ils arrivent devant l’hôtel moins de cinq minutes après. Le bâtiment ressemble plutôt à un vieux motel avec sa façade délabrée qui demande, depuis des années, une bonne réparation. Plusieurs véhicules étaient garés sur le petit parking. L’entrée était éclairée par une simple ampoule nue qui crachait une lumière faible et oscillante. À la première salle (bar-réception-restaurant), un seul jeune homme desservait.
- La chambre habituelle, demande le professeur.
- Ah désolé, elle est déjà occupée. Mais il y a une autre au premier qui lui est identique.
Pourquoi hésiter ? se demande le professeur. Elles doivent toutes être identiques, dans un tel bâtiment.
- D’accord, monte-moi une Guinness. Tu veux quoi chérie ? dit-il en direction de Gabie. ----- - Comme d’habitude ?
- Comme d’habitude, répond timidement la jeune fille, son sac serré contre son torse.
Le standardiste-barman les conduit à ladite chambre et s’empresse de redescendre exécuter les commandes. C’est en sueur qu’il remonte avec les boissons quelques minutes après. Le professeur le remercie et lui donne un billet. Gabie, toujours silencieuse, dépose son sac sur l’unique chaise et consulte son Smartphone. Elle découvre un petit message de Jeff, son amoureux, et sourit.
- Tu veux bien partager ta joie avec moi ? lance le professeur
- Ce n’est rien. C’est Jeff qui m’a envoyé un sms pour me demander si je suis bien arrivé chez moi.
- Ah ! Gentil de sa part ! Et si tu t’occupais de moi maintenant ? propose le professeur en prenant une nouvelle gorgée de sa bière.
La jeune femme se lève et se précipite vers la salle de bain. Elle enlève les épingles qui retenaient ses cheveux et se déshabille complètement. Le miroir en dessus du lavabo, cassé en deux, lui renvoyait une double image. Comme la jeune fille à double jeu qu’elle est. D’une part, son fiancé se ronge les doigts pour savoir si son parcours était sans danger, et d’autre part son professeur l’attend derrière ce mur pour une partie de jambe en l’air en plus. D’une part, elle a de grandes ambitions et rêve de boucler l’université pour s’assurer une vie à l’abri du besoin ; d’autre part elle se fait objet sexuel pour un homme aux bras longs ; son pont vers la situation qu’elle se souhaite. Elle refuse d’accepter qu’elle est la même personne dans tous les cas de figure. Elle ne laissera pas tomber ses projections et pour ça il faut qu’elle garde cet homme marié, haut fonctionnaire, honorable enseignant à l’Université d’Etat sous la main. Même pas ! Sous les ongles qu’elle le gardera. Comprendra qui pourra. Elle mesure ses sourires, rajuste ses sous-vêtements, ébouriffe ses cheveux et sort trouver le vieil homme. Il était nu, étendu sur le lit, à attendre Gabie. Sa bouteille est vide, au pied du lit. Il détaille Gaby de la tête aux pieds comme un fauve devant sa proie. Il prend son temps pour apprécier les rondeurs de son étudiante dont les seins pointaient comme deux canons dans une forteresse. Professeur Sauveur éteint la cigarette qu'il grillait avec un air pervers dans un cendrier qui était sur la table de chevet tout en la fixant. Gabie s’approche, remontant son buste ferme, s’arquant pour offrir une démarche qu’elle se veut aguichante. Et ça marche ! Le professeur réagit au jeu. Un jeu qu’elle décide de mener au pire. Pour le « punir » de l’affront devant tous ces camarades, elle se dit qu’elle le fera souffrir d’une longue attente.
Ce qui fut dit fut fait ! Il était minuit passé quand le professeur Sauveur revint sur terre.
- Mon Dieu ! Ma femme va me mettre la tête au pieu !
- Tu me déposes rapidement et tu files ? demande Gabie d’une voix qu’elle voulait discourtoise.
Mal à l’aise, le professeur essaie de trouver une excuse valable pour se rendre au plus vite au domicile conjugal.
- Je n’aurai pas le temps, mon amour.
- Quoi ? C’est une blague ? Tu as vu l’heure ?
- Je n’aurai vraiment pas le temps de te déposer à Carrefour-Feuilles ; ma maison est à l’autre bout de la ville… Essaie de comprendre ; ma femme va me faire une scène dont elle seule a le secret.
- Qu’est-ce que je suis sensée comprendre ? Comment je fais, moi, pour rentrer ?
- Je vais te donner de l’argent et tu pourras payer un taxi-moto. Dit le professeur en fouillant dans sa bourse.
Il en tire cinq billets de mille gourdes à leur état neuf. Gabie les prend et dit :
- Et pour mon devoir ?
- Je l’avais complètement oublié. Passe le déposer à mon bureau demain. Je n’ai pas le temps, maintenant. Bonne nuit, hein ?
Il parlait encore quand il filait par les escaliers, vérifiant si tous ses boutons sont convenablement fermés. Dehors, sa voiture ronronne fièrement avant de laisser le parking mal famé.
Le jeune homme de la réception monte à cet instant. Le professeur n’avait pas fermé derrière lui.
- Vous prenez deux heures de plus, madame ? demanda-t-il poliment.
- Non. Je vais partir. Je prends juste une douche et je descends.
Cependant, elle ne bougeait pas. Elle suivait les bruits de la rue. Aucune moto ne passa pendant la demi-heure qu’elle passa clouée sur le lit.
Elle essaie de se rappeler vainement comment toute cette histoire a commencé avec le professeur. La première remarque équivoque, le premier rendez-vous, la première fois qu’ils se sont rendus dans ce minable motel… Elle pousse un long soupir. Le professeur devient de plus en plus envahissant. D'autant plus que depuis quelques temps, il lui exige des relations sans protection. Et si un jour elle tombe enceinte? Cette pensée la fait frissonner. Ses yeux, tout d’un coup, la piquaient et les larmes commençaient à les remplir. Elle les chasse du revers de sa main, se lève et fonce droit vers la salle de bain. Il lui faut une bonne douche avant de ficher le champ de ce maudit bâtiment. Cependant, face au miroir cette fois, le double reflet lui parle autrement. Une partie voulait continuer le jeu et une autre en avait marre de se vendre pour si peu. À bien juger la situation, le professeur ne lui a clairement rien promis, jusque-là. De toute façon, que vaudrait une promesse de la bouche de cet homme ? N’avait-il pas promis, juré devant Dieu et les hommes, de rester fidèle à sa femme ?
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