I. Le cadre
C'était tout à fait coutume gamin : rêver. Dans le jardin souvent. Dans la salle à manger aussi. Dans la cuisine tout autant que dans le salon. Un peu partout en fait… À la bonne époque où j’avais encore un trampoline et tout un tas de gadgets. Et tout un tas de joués. Ou peut-être celle où j’étais encore ignorant. Rien que ça. À voir…
L’autre jour, j’y songeai au point de m’en tarrauder l’esprit, comme jamais il ne m’arrivait de le faire. Je recherchai au fond de la chambre de mon frère, dans un bric-à-brac amassé, un ancien CD. Ça faisait bien longtemps que personne n’y eut mis les pieds. Depuis qu’il partit en étude supérieure, bien loin de la maison familiale. La chambre était en désordre. Véritablement. Comme il l’eut laissé d’ailleurs ; pas très étonnant. Mais un désordre nostalgique. De souvenirs. Un désordre entrainé par le bon temps et tapissé par la poussière. Cela allait bien faire trois ou quatre mois que nous l’oublions, cette chambre.
Et c’est toujours un peu étrange de rentrer dans ce genre d’endroit. J’eus l’impression, d’abord, de bousculer tout un univers calme et reposé. Je ne m’y sentis pas à ma place, dans un silence que je brusquai. Ma mère, elle, n’était pas du même avis. Elle s’en foutait. Portant plus d’attention au ménage que nous devions passer plutôt qu’à l’atmosphère que la pièce renfermait :
- Il aurait pu faire un effort ! S’offusquait-elle dans la chambre tout en retournant le bazar dans tous les sens. Toute cette poussière me donne mal aux yeux ! Pas toi ?
- Ci, répondai-je sans le penser.
- Il me manque plus qu’à passer un coup d’aspirateur !
- C’est pas qu’un coup qu’il faut, répliquai-je…
Nous commençâmes à fouiller dans ses étagères entre les livres et les babioles. Dans ses placards entre ses souvenirs de voyages et jeux vidéos. Nous toussions tout-de-même pendant ces longues minutes. Mais survivions. En revanche, pas moyen de trouver le CD.
- T’es sûr qu’il est là, Fantin ?
- Oui, sûr et certain…
- T’as pas cherché autre part dans la maison ?! Puisqu’à mon avis, il n’est pas ici… Ou sans doute dans le tiroir de sa table de chevet à droite de son lit. T’as regardé déjà ?
- Non pas encore, je pensais que tu l’avais fait. Je vais jetter un coup d’oeil.
Je le tirai donc. Y vis seulement trois petites feuilles blanches, cristallisées, dans un amas de poussière qui les rendait grisâtres à la vue. À la surface du tiroir, une petite araigné eut construit son royaume de soies. Il était complexe et admirable. Cela eut fait au moins un mois qu’il fut fignolé. Je voulus refermer le tiroir, mais impossible. Je voulu plutôt savoir ce qu’il y avait sur ces trois petites cartes. Alors ma curiosité y plongea la main dedans. Elle y cassa les fils et les fondations de l’étrange royaume. Et en extirpa une des feuilles. La retourna. Et dévoila une photo. Prise au polaroïd certainement.
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