Symphonie
Sitôt Claire sortit de la salle, je m’empresse de chiper le reste de son gâteau. Hélène me lance un regard sévère auquel je riposte par des yeux de fan malade. Elle soupire et préfère abandonner ce combat qu’elle sait être perdu d’avance.
Alors que j’achève mon acte vil sans la moindre honte, j’entends un bruit caractéristique émaner de l’étage.
[ Elle prend un bain ? ]
Hélène hausse des épaules, fait un sourire en se levant lentement. Elle se rapproche de moi, écarte les bras avec pour objectif de m’emprisonner au creux de ces derniers. Du moins c’est comme ça que je le vois.
[ Qu’est-ce que tu fais ? ]
- Je me contente de te faire un câlin, répond-elle à voix basse.
Effectivement, elle m’enserre amoureusement. Je m’agrippe à elle, me laisse embrasser dans le cou, mordiller l’oreille et autres galéjades.
- Je vais te manger toute crue !..
Elle me cherche, visiblement joueuse. Je m’apprête à lui donner satisfaction lorsque mon regard s’attarde sur un détail. Oh, sûrement rien d’important, mais… Le tiroir à couverts à entrebâillé. Les vieux d’Hélène sont pourtant très méticuleux. Je sens de chaudes lèvres s’emparer de ma nuque, fouiller sous le vêtement. Je la repousse doucement, l’esprit trop perturbé pour penser à ça. Je mime d’appuyer sur un buzzer d’une main devant moi.
[ Attend ]
- Qu’est-ce qu’il y encore ? Boudeuse.
Je lui montre le tiroir en me relevant. Nous nous en approchons toutes deux, elle grommelle sur ma prétendue folie et moi… j’espère n’être que paranoïaque. Je scrute l’intérieur du meuble, caressant fourchettes et couteaux les uns après les autres. Je ne détecte rien de spécial, mais Hélène se met soudainement à fouiller plus en détail.
- Tiens ? La grand-mère a viré mon vieil Opinel ? Ma figure devient subitement blafarde. Quoi ?!
Je lui adresse à peine un regard, fonce à l’étage en avalant quatre par quatre les marches de l’escalier. Hélène me suit avec un temps de retard. Une fois en haut, je m’écrase presque contre la porte de la salle de bain. Je tente de l’ouvrir, elle est fermée à clé ! L’eau a arrêté de couler. Non non non !
Jamais une telle panique ne m’a comprimé la poitrine. J’oriente mon corps de façon à défoncer la porte. Je m’y prends mal, je me blesse plus qu’autre chose.
- Ecarte-toi ! Un bras me pousse sur le côté. Je vois Hélène armer un coup de pied, et frapper de toutes ses forces !
Un coup ! Le bois se fendille
Deux coups ! Le pied d’Hélène est en sang
Trois coups ! La porte tremble violemment
Quatre coups ! Un sinistre craquement résonne. Sa cheville vient de se casser, mais l’obstacle s’incline et chute vers l’intérieur de la pièce
Hélène pousse un cri de douleur en perdant son équilibre. Je ne la rattrape pas, je m’élance dans la pièce alors qu’elle s’effondre contre le plancher.
Il fait sombre dans la pièce. Il me faut quelques secondes pour correctement distinguer les formes. Mon cœur bat si fort que ma jugulaire me fait mal. Je n’y tiens plus, je tente de l’appeler !
- Cllaaaaééèèèèèèèrrrrrrrrrrrrrrrrrr !!!
Ma voix est rauque, immonde. Elle me vrille la gorge. Rien. Aucune réponse. J’avance en me cognant contre le lavabo, je m’approche de la baignoire dans laquelle je vois une masse. C’est forcément elle ! Je glisse sur quelque chose d’humide, tombe à genoux. Une odeur ferreuse agresse aussitôt mes narines.
Du sang.
Non non NON !!! Je tends mes bras, attrape une forme… une tête. C’est Claire !
- CLAAAAAAAAAEEEEEEEEEEEEEERRRRRRRRRRRrrrrr !!!!..
La lumière illumine la scène. Hélène vient d’appuyer sur l’interrupteur après s’être relevée en s’appuyant contre le mur. Je suis couverte de sang… mon amie serrée au creux de mes bras. Elle est si blanche, si froide ! L’eau du bain est rouge de sang, pourtant je ne vois aucune blessure. Seul son buste habillé et ses genoux dépassent de l’eau. Je plaque ma tête contre son front, continue de pousser des cris s’apparentant à son nom.
Je la sens bouger ! Elle entrouvre les yeux, remue vaguement un bras en murmurant quelque chose. Je dois coller mon oreille à ses lèvres pour recueillir son dernier souffle.
- J’arrive…
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