10. Le lac
Après le départ de Kiera, Di ne resta pas dans le jardin. Elle partit en ville, pleurant, à la recherche de son amie. Sa quête fut longue et vaine.
Lorsque Di rentra chez elle, elle trouva une dizaine de voitures agglutinées sur le trottoir : la gendarmerie, les pompiers, la police scientifique,... Elle n'osa pas aller dans le jardin. Elle préféra gagner sa chambre et se hisser sur le toit pour observer le déroulement des opérations. Les pompiers ne purent pas faire grand chose pour le cadavre de son père. Le corps fut évacué.
Les enquêteurs avaient commencé à interroger la mère de Di alors qu'une seconde équipe se chargeait de relever les empreintes sur le lieu du crime. Jamais ils ne trouvèrent celles de Brume, qui étaient tout aussi fictives qu'elle. Les empreintes de Di, en revanche, étaient parfaitement visibles. Aussi les enquêteurs voulurent-ils l'interroger. Ce fut une surprise pour eux de retrouver la jeune fille de la piscine. Di refusa de répondre à plusieurs de leurs questions. Elle prétendit être revenue ici dans l'après-midi car elle n'était pas à l'aise au lycée, mais ne pas avoir croisé son père. Elle dit également qu'il était d'un naturel violent et avait un penchant bien marqué pour l'alcool, ce qui était vrai. Elle se garda de mentionner le fait qu'il la battait. Le qualifiant de dépressif, la jeune fille ajouta qu'il s'était probablement suicidé. Le ton calme et glacial de Di laissait clairement voir qu'elle était indifférente à la mort de son père et cette absence totale de sentiments quand elle évoquait l'événement laissa perplexes les enquêteurs. Di n'était pas au bout de ses peines. Revenant sur ce qu'elle avait dit au tout début, l'un des policiers demanda :
- Et pourquoi ne te sens-tu pas à l'aise au lycée ?
- Je ne sais pas, répondit-elle de son ton mal assuré, les gens ne m'aiment pas beaucoup. Nous ne sommes pas du même monde.
- Et de quel monde es-tu ?
- D'aucun en particulier, c'est une expression. Vous me comprenez bien !
- Étais-tu au lycée ce matin ?
- Non, mentit-elle.
- Connaîtrais-tu une certaine Augusta ?
- Elle était dans ma classe. C'est elle qui a assisté au suicide de Mary à la piscine. C'était une fille plutôt sympathique.
Di avait l'impression de vomir cette dernière phrase. Augusta était tellement sympathique qu'elle avait voulu l'assassiner ! L'enquêteur fronça les sourcils :
- Pourquoi « était » ?
La gorge de Di se noua. Pourquoi n'avait-elle pas fait un peu plus attention au temps qu'elle avait employé ?
- Car elle ne l'est plus, répondit-elle en essayant de paraître naturelle. Augusta ne veux plus m'adresser la parole depuis quelques jours. Elle se comporte vraiment bizarrement. Je crois qu'elle a des problèmes et ne veut pas en parler. Ça doit avoir rapport avec la mort de Mary ; c'était sa meilleure amie après tout.
- Tu ne sais pas ce qui s'est passé ce matin au lycée ?
- Que s'est-il passé ? s'enquit Di, feignant de ne pas savoir de quoi parlait l'homme.
- On a été appelés ce matin car cette jeune fille, Augusta, a été retrouvée morte dans les toilettes du lycée.
- Non ?!
- Égorgée avec la lanière de son sac. Et vu la marque qu'il y avait à son cou, ça m'étonnerait qu'elle ait réussi à faire ça toute seule.
- Mon Dieu ! Qui a pu faire une chose pareille ?!
Di se mit à pleurer. Pour une fois, elle s'avérait être une excellente comédienne. Les enquêteurs ne pouvaient pas se douter qu'elle ne pleurait pas la mort d'Augusta mais que l'évocation de cet événement lui rappelait Brume, et c'était le départ de son amie imaginaire qui la rendait si triste.
Comprenant qu'ils n'apprendraient plus rien de cette mystérieuse adolescente, les enquêteurs écourtèrent l'interrogatoire.
Di passa la soirée enfermée dans sa chambre à pleurer. La semaine qui suivit, elle resta cloîtrée chez elle. Elle n'avait plus faim, ni sommeil. Elle était juste atteinte de cette énorme tristesse qui lui arrachait tout goût à la vie. Elle refusa de remettre les pieds au lycée, de sortir dans la rue, d'adresser la parole à qui que ce soit. Sa mère la laissa faire. Elle se fichait bien de ce que Di deviendrait !
Souvent, la jeune fille restait seule sur le toit ou dans ce grenier morbide. Elle pensait à Brume. Où était-elle ? Que faisait-elle ? Mais Brume ne revenait pas.
Lorsqu'elle était perchée sur les tuiles, elle regardait les nuages et les laissait venir à elle, comme lui avait appris Kiera, pour leur conter ses tourments. La nuit, elle regardait passer les étoiles filantes, souhaitant le retour de Brume. Elle s'amusait à avancer en équilibre le long de la gouttière. Elle manqua plusieurs fois de tomber, mais cela la laissait indifférente.
Quand elle arpentait de long en large le grenier, donnant de violents coups de pied dans les tas de poussière, il arriva plusieurs fois à Di de se baisser pour attraper un éclat de verre tranchant et se l'enfoncer dans la peau afin de verser son sang à l'endroit où Kiera et son père avaient déjà versé le leur. Elle ne savait pas trop depuis combien de temps ces morceaux de verre étaient là ni ce dans quoi ils avaient traîné. Au pire, se disait-elle, elle attraperait le tétanos. Et alors ?
Alors qu'elle tournait en rond dans cette pièce sous les combles, Di saisit le cadre où figurait la photographie de Kiera enfant. Elle la regarda et hurla, s'adressant à son amie disparue :
- Je croyais qu'on était inséparables ! Qu'est-ce que tu fiches, Brume ?! Je ne peux pas vivre sans toi ; sans toi je ne peux plus rien !
Di avait l'impression de pourrir, de s'éteindre. Elle se sentait si seule, si mal depuis le départ de Brume. Elle tomba à terre au milieu de vieilles marques de sang, laissant les larmes se déverser par milliers de ses yeux, sans parvenir à contrôler sa douleur. Elle empoigna un de ces fameux bouts de verre et, alors que ses yeux crachaient cet océan amer, alors qu'elle s'énervait seule, désespérée, elle cogna violemment son poing au sol, serrant toujours l'éclat tranchant. Le verre cogna lui aussi le sol s'enfonçant alors dans la paume de sa main. Di serra les dents. Ravalant un flot de larmes, elle se redressa, retournant sa paume de main vers elle. Elle retira le morceau de verre de l'entaille. La plaie dans le creux de sa main était assez profonde. En plus des pleurs qui noyaient son visage, Di voyait maintenant un étrange fleuve rouge vif se répandre le long de son bras. Elle s'essuya la figure avec son poignet, étalant les larmes et y mêlant son sang. Le mélange de ses pleurs et de milliards de globules rouges sur l'énorme hématome de teinte indigo qu'elle avait à la joue depuis la gifle de son père offraient un contraste magnifique.
Di inspirait et expirait bruyamment et rapidement, serrant la mâchoire. Elle gonfla la poitrine et poussa un hurlement, délicieux alliage de tristesse, de souffrance, de rage et de détresse, qui de sa puissance retentit dans toute la campagne environnante. Achevant son cri, Di se laissa tomber au sol, versant encore sang et larmes sur le plancher, se mordant la lèvre inférieure, fermant les yeux, la respiration entrecoupée de sanglots, recroquevillée sur elle-même. Elle saisit ses jambes par dessous et ramena ses genoux contre sa poitrine. Elle appuya la joue contre le sol, ses cheveux dans la poussière. Sa vie ne rimait décidément plus à rien.
Il faisait sombre et froid dehors. La nuit enveloppait déjà la ville. Di remontait la rue en direction de la lande. Elle sauta par dessus la barrière et se mit à courir à travers la lande, comme pour fuir le passé, le monde, comme poursuivie par les vieux monstres de son enfance. L'herbe était humide, il avait beaucoup plu cette semaine encore. Di gravit les collines en toute hâte. Elle entendit un cri d'oiseau nocturne et un énorme hibou passa au-dessus d'elle, manquant de frôler ses cheveux. L'animal volait gracieusement. Le ciel était dégagé cette nuit et on voyait nettement les étoiles. L'oiseau semblait pouvoir les toucher, semblait être leur gardien, seul maître des cieux en cette nuit si douce. Le hibou était déjà haut et loin dans le ciel. Di déploya ses bras, regardant en l'air, sans cesser de courir. Elle pouvait maintenant suivre le gracieux animal à travers ce ciel étoilé, parcourir avec lui mille galaxies inconnues. Elle volait. Elle prenait de l'altitude, gravissant les collines et fonçait ensuite vers le sol, en dévalant les pentes.
Derrière l'un des petits reliefs de la lande, se trouvait un vieux mur de pierres. Di, sans se stopper, se mit en tête de marcher le long du muret. Il s'était affaissé avec le temps et les ruines formaient comme un étroit escalier. Commençant à le gravir, Di devait se trouver à trois mètres de hauteur. Mais elle grimpa bien vite à quatre, cinq, six mètres du sol, ne regardant qu'en l'air, ne cessant de courir. Il aurait été simple de perdre l'équilibre. Mais dans sa transe étrange, Di ne pouvait pas tomber. Elle n'était pas une jeune fille courant sur un mur délabré, elle était un oiseau, capitaine du ciel, et elle volait les ailes déployées, en parfaite harmonie avec l'air qui l'entourait, défiant les lois de la pesanteur.
L'adolescente atteignait le bout du muret, le hibou avait presque disparu à l'horizon. Ne regardant toujours qu'en l'air, Di ne courut bientôt plus que dans le vide, à six mètres du sol. Cela ne dura qu'une fraction de seconde, une fraction de seconde où elle fut plus libre que jamais, le monde réel lui avait totalement échappé. Elle se crispa, rentra le menton, plia les jambes, tendit les mains vers le sol. Elle avait atterri. Presque miraculeusement, Di ne s'était même pas fait mal. Elle était retombée accroupie, le bout des doigts au sol, le menton contre la poitrine, comme si elle avait calculé chaque détail pour ne pas se blesser en atterrissant. Mais non, elle se fichait complètement d'avoir mal ; elle avait assez mal au cœur comme ça ! Plus aucune douleur ne pouvait lui faire d'effet. Cette acrobatie n'avait à aucun moment été planifiée, c'était de la pure improvisation. Après tout, quel oiseau n'aurait pas été capable de se poser sur ses pattes ?
À peine relevée, Di avait reprit sa course folle. Elle courait dans les hautes herbes, les fleurs, parmi des centaines de petits mammifères et amphibiens. Elle entendait distinctement le coassement des grenouilles. Elle aperçut un lièvre passer à toute allure ; à peine l'avait-elle remarqué qu'il avait déjà filé.
Di se trouva bientôt devant une pente rocheuse, longée par un petit chemin de terre. Le sentier était envahi de mauvaises herbes. Heureusement, la lune était pleine et, avec ce ciel dégagé, sa lumière éclairait parfaitement bien la lande. L'adolescente emprunta le sentier, courant un peu moins vite. Elle déboucha alors dans une cuvette entre les collines, au milieu de laquelle s'étendait le fameux lac. Il n'avait pas été très dur à Di de deviner qu'il se trouverait ici. La végétation était très dense : les herbes hautes et les petits buissons nombreux. Di dut lever les genoux bien hauts pour pouvoir se frayer un passage. Tout était humide et froid cette nuit. Elle ne tarda pas à atteindre la rive boueuse du lac. L'eau était trouble et stagnante. Une vieille barque trônait au milieu de l'eau. Di se baissa pour défaire les lacets de ses chaussures. Elle les retira, ainsi que ses chaussettes. Elle prit une profonde inspiration, fermant les yeux. Elle regarda encore en l'air, elle aimait décidément la sensation de liberté que l'on peut avoir en regardant le ciel ! Puis elle regarda le lac, poings serrés. Elle entra son pied gauche dans l'eau et laissa suivre tout son corps. L'eau du lac était glaciale et la jeune fille fut prise de violents frissons. Elle nagea pour se réchauffer, avec acharnement. Ses vêtements mouillés se collaient à sa peau, rendant ses mouvements plus pénibles. Elle se dirigeait vers la petite barque de bois. Elle sentait peu à peu ses os se geler, comme si l'eau ensevelissait tout son corps. Même si elle commençait à grelotter, cette sensation de fraîcheur la faisait se sentir nettement moins pourrie. Elle arriva devant la barque. L'embarcation tanguait au rythme des mouvements de l'eau, poussée par le vent. Di s'agrippa au bord du bateau de fortune et appuya de toutes ses forces pour se hisser dedans, mais cela fit pencher la barque dangereusement vers elle. Elle résolut donc de passer sa jambe d'abord. Toujours agrippée au rebord, elle se pencha en arrière pour glisser sa jambe dans l'embarcation. La barque pencha de nouveau mais Di eut tout juste le temps de bondir à l'intérieur pour la remettre droite.
Se penchant vers l'eau, elle put y contempler le reflet de la lune, si lumineuse, si majestueuse. Se penchant un peu plus, elle put y voir son propre reflet. Les vaguelettes qui secouaient le lac le rendaient trouble. Di pensa que son reflet dans l'eau était tout aussi trouble que son petit esprit. Elle se redressa et s'assit au milieu de la barque. Recroquevillant ses jambes contre sa poitrine, elle se laissa tomber sur le côté, allongée. Ses habits trempés, Di mourait de froid. De plus, le vent se levait et fouettait violemment la surface du lac ainsi que le dessus de la barque. Elle tremblait tellement que l'embarcation en tremblait aussi. Malgré le froid, Di finit par clore ses paupières et s'endormit au milieu de t'étendue d'eau.
Lorsqu'elle se réveilla, ses joues étaient glaciales, ses muscles endoloris. Elle avait du mal à ouvrir les paupières. Il était désagréable de respirer un air aussi froid, mais qu'aurait-elle pu espérer d'autre après une nuit si éprouvante ? Le soleil ne s'était pas encore levé. Di se pencha au-dessus de l'eau. La lune ayant disparue, son reflet s'était effacé et la trace qui en restait ne ressemblait qu'à une masse informe de ton grisâtre. Di regarda le ciel nuageux. Il faisait un temps de chien !
La barque n'avait pas changé de place depuis la veille. Di remarqua alors qu'une corde y était accrochée. Elle tira de toutes ses forces dessus. L'embarcation tangua un peu plus, penchant vers l'eau. Di se jeta du côté opposé sans lâcher sa prise, afin de rétablir une charge équitable de chaque côté. Elle parvint finalement à remonter la corde au bout de laquelle était attaché un gros poids, destiné à maintenir la barque à l'arrêt et éviter qu'elle ne soit emportée par le vent ou le courant, le lac étant tout de même de taille importante.
Un large sourire envahit le visage de Di lorsqu'elle découvrit le poids. Tout allait être bien plus simple que ce qu'elle avait prévu ! Elle voulait avoir toutes les chances de réussir. Elle dénoua la corde de la barque et fit un largue nœud à l'extrémité démunie de poids. Elle passa sa tête dans le nœud. Elle s'approcha du bord de la barque, tenant le poids dans la main. Elle tremblait. Elle regarda le lac d'un air songeur. Non, elle avait pris sa décision ! Di jeta le poids dans l'eau. Effrayée, ne laissant pas la corde se serrer d'avantage autour de son cou, elle sauta elle aussi dans l'eau glacée.
Le choc de son corps à plat contre la surface du lac fut des plus douloureux. Mais Di n'eut pas le temps de s'attarder sur cette souffrance. Déjà le poids entraînait son corps vers le fond. La jeune fille avait tant de mal à tenir ses paupières ouvertes. L'eau sale noyait ses beaux yeux turquoise. Elle n'avait pas inspiré beaucoup d'air avant de se jeter dans le lac, aussi son rythme cardiaque commençait-il à se ralentir. Di voyait de plus en plus trouble, et ce n'était pas seulement dû à l'eau.
Le poids vint lentement s'écraser dans le sable au fond du lac. Di se laissait tomber à sa suite. Elle devait se trouver à un bon cinq mètres de profondeur à présent. Elle voyait les alentours se couvrir de taches noires, perdait peu à peu connaissance. Il lui semblait entendre une voix au loin qui l'appelait...
- Die !
Sans doute était-ce une voix venue de l'au-delà. Di se sentait de plus en plus sereine. Elle sentait la mort, douce et calme, qui dansait gracieusement autour d'elle. Personne ne viendrait jamais chercher son corps ici. Se sentant enfin prête à partir, elle usa du peu de forces qu'il lui restaient pour serrer le nœud autour de son cou. Elle eut terriblement mal au crâne, mal au cœur. Elle n'avait plus suffisamment de souffle. Di sentit une main se saisir de son avant bras, la tirer. Était-ce la mort qui venait la chercher ?
Des bras l'enlacèrent tendrement, par dessous la poitrine et l'emportèrent vers le haut. L'un des deux bras la lâcha un instant pour desserrer le nœud autour de son cou et la libérer de la corde, qui tomba avec son poids, au fond du lac, tandis que Di se faisait entraîner vers la surface de l'eau.
Sa tête émergea, elle toussa, recrachant la vase qu'elle avait avalée. Elle n'arrivait pas à ouvrir les yeux, tentant tant bien que mal de reprendre son souffle. Un instant, elle se demanda ce qui se passait. Mais elle ne prit pas le temps de s'attarder sur la question. Elle sentit bientôt de la boue sous sa nuque. Elle avait gagné la rive. La prenant par dessous les épaules, les deux mains l'entraînèrent délicatement dans l'herbe. Puis, venant appuyer dans son dos, ces mêmes mains la firent s'asseoir.
Sans parvenir à ouvrir les yeux, Di continuait de vider ses poumons de toute l'eau qu'elle avait ingurgitée. Elle cligna des paupières, enfin elle percevait la lumière du jour. L'eau s'évacua peu à peu de ses yeux. Elle tourna la tête.
- Qu'est-ce qui...
Elle ne termina pas sa question. À côté d'elle, l'air désolé, Kiera poussa un soupir de soulagement et se jeta à son cou. Di, si heureuse de la retrouver, se blottit contre son amie sans plus chercher à comprendre. La voix tremblante, Brume demanda :
- Qu'est-ce qui t'as pris, bon sang ?
Di leva la tête vers elle.
- Toi.
- Moi ?
- Où étais-tu tout ce temps ?
- Dans la lande. Je voulais que tu m'oublies. Mais moi je ne parviens pas à t'oublier. Et quand je t'ai vue cette nuit je n'ai pas pu m'empêcher de te suivre jusqu'ici. Mais pourquoi tu as fait cela ? Tu sais que tu aurais pu mourir ?
- Si je le sais ? C'était bien le but !
- Pas toi, Die.
- Si, moi. Ce n'est pas pour rien que tu m'appelles Die.
- Tu vas réussir à me dégoûter totalement de mon mauvais jeu de mots.
- Non, je l'aime moi. Je t'aime, Kiera ! Et même si tu t'en vas je ne t'oublierai jamais. Je ne suis plus rien sans toi, je n'ai plus envie de vivre sans toi.
- Tu as vu ce que j'ai fait à Augusta, à ton père ? Je suis monstrueuse, Die. Je ne vaux pas la peine que tu te fasses du mal.
- Si tu leur as fait cela, c'était juste pour me défendre, parce que... peut-être parce que tu tiens à moi.
- Évidemment que je tiens à toi ! Je ferais n'importe quoi pour toi.
- Et ça, ça n'a rien de monstrueux.
- Pourquoi tu as toujours réponse à tout, dis-moi ?
- Parce que je suis égoïste, et je veux que tu restes avec moi.
- Tu sais que j'adore ton égoïsme ?
- Je l'apprends. Mais, dis-moi, tu... tu es venue me chercher dans l'eau ?
- Oui.
- Comment tu as fait ? Je croyais que tu ne savais pas nager.
- Je le croyais également.
- Tu as peur de l'eau, tu m'as dit.
- Effectivement. Mais j'ai eu bien plus peur pour toi. Si tu meurs Di, ça sert à quoi que je sois là ?
- Et si tu pars alors, à quoi ça sert ?
- Je pensais que tu pourrais m'oublier facilement. Je pensais que tu t'en fichais de moi, au fond.
- Comment tu as pu penser ça ?
- Je ne sais pas. Je n'ai pas trop l'habitude qu'on fasse attention à moi.
- Et bien prends-la ! Il va falloir te faire à l'idée que je ne te lâcherai jamais.
- Excuse-moi d'être partie comme ça, Die. J'avais si honte de moi, je me sentais pitoyable. Je regrette de t'avoir laissée et de t'avoir fait du mal.
- Tu es excusée. Tu veux te faire pardonner ?
- C'est tout ce que je demande.
- D'accord, alors emmène-moi loin, très loin d'ici.
- Partir de chez toi ?
- Ma mère ne le remarquera même pas, alors partons. Je ne remettrai pas les pieds chez moi, ni au lycée. Je veux quitter cette ville.
Brume regarda à l'horizon. Elle murmura :
- Ma mère avait raison.
- Quoi ?
- Le lever du soleil sur ces eaux troubles est magnifique !
Di regarda le soleil se lever au-dessus du lac. C'était une chose si simple, si splendide. À cet instant, elle était juste heureuse.
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