13. Une vie de délinquance

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Le repas terminé, Eddy avait emmené Di et Kiera en ville afin de leur faire visiter. Elle leur avait montré quelques bonnes adresses et leur avait fait part de quelques tactiques dont elle usait généralement pour subvenir à divers besoins de son petit clan. Vol, escroquerie, trafic,... Eddy ne connaissait rien de tel pour enrichir une bande d'adolescents à la rue. Elle tenta d'enseigner un peu de sa précieuse science en la matière aux nouvelles recrues. Di n'avait pas un grand talent de délinquante mais son air mal assuré donnait une certaine impression d'innocence et les gérants de différents magasins la laissèrent passer en caisse sans contrôler ce qu'elle pouvait cacher dans ses poches. Pour Kiera, l'exercice était un jeu d'enfant. Son invisibilité faisait d'elle une parfaite voleuse. Elle n'avait qu'à se servir et faire attention à bien cacher ce qu'elle prenait dans ses vêtements ou bien le serrer dans ses mains. Kiera se découvrit bientôt un autre talent. Eddy leur avait fait part d'une de ses excellentes idées. Elle aurait beaucoup aimé pouvoir voler les portefeuilles de quelques passants fortunés, ce qui ne manquait pas dans les riches banlieues de la ville bordées de magnifiques pavillons. Seulement, Eddy était d'une grande taille et attirait facilement l'attention. Elle ne pouvait fourrer sa main dans la poche ou le sac d'un passant sans être immédiatement remarquée. Kiera n'avait aucun problème de ce côté puisque personne ne pouvait la percevoir. Elle n'eut qu'à faire l'effort de faire des gestes en douceur. À la fin de l'après-midi, les trois jeunes filles ramenaient déjà un beau butin à l'usine.

En rentrant, elles croisèrent Josh sur un petit terrain de sport avec quelques autres garçons apparemment peu fréquentables. Eddy expliqua à Di et Kiera que le jeune homme se battait souvent avec des garçons du quartier et trouvait toujours le temps de leur voler un vêtement, de l'argent, ou un objet qui traînait par hasard dans leurs poches. Quand ce qu'il trouvait ne semblait pas utile à la petite bande, Josh trouvait le moyen de le revendre. Eddy disait qu'elle n'aimait pas trop les personnes avec qui Josh faisait son petit commerce, mais au moins ça payait plutôt bien.

Alors que la nuit tombait et que le noir engloutissait la ville, Stephen proposa à Di de l'emmener voir sa manière de gagner un peu d'argent. La jeune fille accepta et Kiera se joignit à eux. Stephen conduisit les deux adolescentes dans un bar mal famé. Le barman semblait totalement saoul, des stripteaseuses se trémoussaient sur une scène, des hommes aux regards meurtriers s'enfilaient des verres d'alcools forts, d'autres déjà pleins comme des barriques enlevaient leurs habits devant les jeunes filles à moitié nues qui dansaient, des femmes portant plus de maquillages que de vêtements erraient un peu partout, les cheveux et les dents en mauvais état et pour la plupart adeptes de la prostitution. Di n'aimait pas ce monde nocturne et infâme. Stephen ne semblait pas gêné par tout ce qui se passait ici. Il déclara à Di qu'on finissait avec le temps par s'en accommoder et y être indifférent. La petite brune ne lâchait toujours pas la main glaciale de Brume qui lui procurait cette sensation si rassurante, lui redonnant un peu de confiance en elle. Stephen se montra bientôt en pleine action. Avec l'intelligence qu'il avait, ces millions de calculs qui se bousculaient dans sa tête, le mystérieux ballet des stratèges qui l'habitait, il n'avait eu aucun mal à se faire une place dans le monde des jeux d'argent. Il misait et misait des sommes exubérantes devant des adversaires qui auraient pu le casser en deux, mais ce qui comptait n'était pas la force mais le jeu. Derrière l'apparence sérieuse et les traits légèrement efféminés de Stephen, se cachait un bluffeur hors paire. En une soirée, il accumula gains sur gains une ou deux centaines de livres. Di et Kiera le regardaient, admiratrices. Elle le voyait réfléchir, on avait l'impression que son cerveau analysait toutes les situations en même temps d'une manière si précise et organisée; elles ne pouvaient qu'en rester bouche bée. Elles ne tardèrent pas à remarquer que Stephen avait déjà une certaine réputation. Du haut de ses dix-huit ans, le garçon en savait même plus sur le jeu que la plupart des crapules qui venaient ici chaque soir depuis plus de quarante ans. On aurait pu croire que ses traits fins et sa masse corporelle peu imposante lui porteraient préjudice, mais par son intelligence et son talent il était parvenu à se faire respecter.

La nuit était déjà bien avancée quand Stephen proposa aux filles de rentrer. Avant de retourner à l'usine, il les fit passer par une bouche de métro. Dans ces souterrains presque déserts à minuit moins dix, ils retrouvèrent Hilary. La jeune fille tentait de vendre quelques bijoux qu'elle créait avec des matériaux trouvés aux passagers pressés du métro. Sa recette de la soirée n'était pas mauvaise, finalement. Ayant trouvé Hilary, les quatre adolescents reprirent la route et rentrèrent se coucher, heureux de leur travail.

Di et Kiera débarquaient tout juste dans ce monde. Elles étaient impressionnées par l'organisation mise en place par la petite bande de délinquants. Chacun avait quelque chose à faire et parvenait à ramener de l'argent pour le clan. Puis, elles remarquèrent, personne ne gardait rien pour lui : la petite bande mettait les richesses en commun dans un coffre et tous se faisaient confiance. Di espérait qu'elle allait pouvoir être utile. Kiera, déjà certaine de son don pour s'approprier ce qu'elle voulait, se demandait plutôt comment l'étrange petit clan pourrait l'aider à retrouver la vie. Serrées l'une contre l'autre, les deux jeunes filles ne tardèrent pas à s'endormir.

Kiera sentit Die se redressait à côté d'elle.

- Brume, appela-t-elle.

Kiera ouvrit les yeux.

- Que ce passe-t-il ?

- Viens voir par ici.

Di était déjà debout. Brume se débarrassa péniblement de son drap et se leva, les muscles engourdis, intriguée. Di l'entraina en dehors de la pièce principale.

- Où va-t-on ? interrogea Kiera.

- Tu verras.

Les yeux de Di pétillaient. Elles marchaient de plus en plus vite, Di entraînant son amie à travers un long couloir mal entretenu. Elles arrivèrent devant une lourde porte. Di la poussa, elle n'était même pas fermée à clé. Elles débouchèrent alors sur une plateforme à l'air libre d'à peine deux mètres carrés. Contre le mur de l'usine était fixée une échelle. Di commença son ascension. Brume, tout excitée par cette étrange escapade nocturne, la suivit sans broncher. Et elles se retrouvèrent bientôt sur le toit de l'usine. Di saisit la main de Kiera. Elles s'assirent au bord du toit. Elles voyaient la ville sous leurs yeux, elles semblaient être au-dessus de tout. Les lumières des réverbères les empêchaient de voir beaucoup d'étoiles mais la pleine lune offrait un spectacle assez joli. Leurs doigts se croisaient, se caressaient. Elles tournèrent la tête, se retrouvant nez à nez. Mutuellement, comme si il n'y avait eut qu'une seule commande pour leurs deux corps, elles tombèrent dans les bras l'une de l'autre, s'étreignant. Leurs lèvres se frôlèrent, se croisèrent. Die aimait sentir le visage glacé de Brume contre elle, sa peau si douce, ses lèvres si légères. Kiera, au contraire, appréciait la chaleur que dégageait son amie, ses cheveux emmêlés qui tombait sur son visage, son étreinte douillette, ainsi que le surprenant goût sucré de ses baisers. Chacune était passionnée par l'autre; parfois elles semblaient ne former qu'un seul être. Brume entrouvrit un peu plus ses lèvres. Un peu grossièrement, Di tenta d'y introduire sa langue. La rouquine eut un léger mouvement de recul puis, voyant que sa petite amie était embarrassée, elle répondit à son avance en collant sa langue contre celle de Die de manière plus sensuelle. Leurs lèvres ne furent bientôt plus seules à s'entrelacer.

- Nos virées nocturnes sur le toit me manquaient, déclara Di lorsque leurs bouches s'éloignèrent.

Kiera laissa tomber sa tête sur la poitrine de la petite brune.

- Je t'aime, Di.

Die la regarda d'un air tendre, passant sa main dans ses cheveux roux et lui embrassant délicatement le front. Kiera laissa tomber ses paupières, elle se sentait si sereine en compagnie de Di.

- Moi aussi, Brume, murmura cette dernière.

Un large sourire se dessina sur le visage de Kiera. Elle agrippa la main de Di, la serrant fort dans la sienne.

Di fut réveillée par l'appel de son nom. Elle reconnut alors la voix d'Eddy. Ouvrant difficilement ses paupières, elle s'aperçut qu'elle s'était endormie sur le toit. Kiera, pelotonnée contre elle, n'était pas encore réveillée. Di déposa un baiser dans sa nuque. Tournant la tête, la rouquine s'étira et ouvrit les yeux à son tour.

- On nous appelle ?

- Eddy m'appelle, oui. On s'est endormies ici !

- J'ai bien dormi, moi. Près de toi, je dors toujours bien.

- Moi aussi j'ai bien dormi. Ne t'inquiète pas, tu ne seras plus jamais loin de moi, maintenant. Je ne veux pas.

- Si on descendait, Eddy va probablement s'inquiéter pour nous.

Di acquiesça et elles descendirent l'échelle pour regagner la plateforme. Di courut dehors, devant l'usine. Eddy était là, finissant sa cigarette matinale.

- Où étais-tu ? demanda-t-elle à Di.

- Sur le toit, on a passé la nuit là-haut Kiera et moi.

- Sur le toit ? Comment êtes-vous montées là-haut ?

- Une vieille échelle sur le côté du bâtiment. Il faut vraiment voir la ville de là la nuit, c'est magnifique !

- Très peu pour moi, j'ai le vertige. Monter et dormir là-haut, je me disais bien que vous n'aviez pas froid aux yeux.

- Non, c'est vrai.

- Bon, je vais remonter, les autres m'attendent pour répéter.

- Pour répéter ? Que répétez-vous ?

- Quand j'habitais dans ma famille d'accueil j'avais une guitare. Je l'ai conservée mais je ne savais pas en jouer. Quand j'ai rencontré Stephen, il en jouait dans les bars et il m'a appris. Alors je me suis mise à écrire des chansons et on a monté un petit projet ensemble. Hilary trouvait l'idée sympa et elle s'est fabriqué une sorte de batterie avec des vieux bidons, le son est assez spécial mais ça rend vraiment bien ! Josh n'aime pas la musique, il va traîner sur le terrain de basket pendant qu'on répète. Ça vous dirait de venir écouter un petit morceau de ce qu'on a fait ?

- Bien sûr.

- On répète dans une petite pièce au fond du couloir; j'y ai découvert une prise encore fonctionnelle pour l'ampli de ma guitare électrique. Suivez-moi.

Di et Kiera suivirent Eddy dans l'usine jusqu'à la fameuse petite salle. Hilary était installée devant ses bidons métalliques, de vieilles baguettes en main. Stephen avait déjà commencé à gratter quelques notes sur les cordes de sa guitare folk. Eddy brancha le fil sur l'ampli. Elle donna un grand coup des bouts de ses doigts dans les cordes de sa guitare qui vibrèrent, projetant un son d'une puissance magnifique. Le petit groupe commença à jouer. Le rythme était très rock, très entrainant. Cette joyeuse mélodie enchantait les oreilles de Di. Elle aimait la musique et regretta de n'avoir aucun talent à apporter à ses amis.

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