Un bateau au rythme des flots

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Le premier mois se passa sans la moindre encombre. Elle passait son temps soit à aider l’équipage ou bien à s’amuser avec son nouveau compagnon, elle aidait l’équipage quand il avait des tâches qu’elle pouvait supporter même s’il n’était pas toujours d’accord. Les marins ne connaissaient pas ses origines donc elle était ici comme une inconnue mais malgré tout elle faisait partie de la haute société donc personne n’osait jamais lui confier les tâches de bas étages. Ce jour-là, nous étions le douze janvier 1899.

- Donnez-moi ça je vous prie ! Je ne vais pas me blesser voyons !

Elle récupéra l’ustensile qui servait à éplucher les légumes et commença à s’afférer pour le prochain repas.

- Mais mademoiselle, pourquoi vous efforcez vous ? Nous pouvons le faire nous-même que diable, nous travaillons pour ça sur ce rafiot.

La cuisinière la regardait incrédule, sa voix douce mais brusque cherchait des réponses. Pourquoi cette jeune femme voulait les aider ? Elle ne faisait pas partie de ce monde, ça ne se voyait rien qu’à ses habits.

- Pourquoi n’allez donc vous pas écrire à votre famille à la place ? Vous vous ennuyez sur le bateau.

- Aucunement, j’aime juste savoir que hors de chez moi je puisse participer au labeur pour gagner mon pain, n’est-ce pas normal ?

- Je ne sais pas si c’est une bonne raison.

- En ce qui concerne les lettres, je préfère les envoyer et les écrire en arrivant. Pour le moment c’est inutile, je ne fais rien de spécial et Zlune est encore trop jeune, je ne voudrais pas le forcer de trop pour le moment.

La cuisinière s’appelait Maria, elle était légèrement plus âgée que Rina, elle devait avoir une petite vingtaine d’années et elle n’était pas très grande. L’uniforme du navire était perpétuellement sur elle, elle était toujours vêtue d’une robe bleu ciel, d’un tablier et d’un calot blanc pour camoufler ses cheveux bruns. Ses manières simplistes faisaient bien rire Rina qui avait l’habitude des manières plus distinguées mais ça rendait leurs conversations plus légères et moins conventionnelles. Depuis le début du voyage elle essayait de prendre des traits de langage qu’avait Rina, selon elle ça lui permettrait d’évoluer dans la société ainsi. Au début cela avait gêné la jeune femme mais elle s’y était rapidement fait alors elle ne relevait plus, parfois des mots venant de ses patois lui échappait mais Rina en souriait discrètement pour ne pas la froisser, en vérité ça l’amusait et la fascinait beaucoup.

- D’accord je vois, où se trouve votre piaf… oiseau à présent ?

- Zlune ? Oh il doit s’amuser avec l’oiseau multicolore du capitaine.

- C’est un magnifique oiseau. N’avez-vous donc personne dans votre vie ?

- C’est un cadeau de mon frère aîné pour mon départ, en ce qui concerne ma vie privée et pour la question de savoir si je suis seule ou non je vous retourne un questionnement. Serais-je obligé d’avoir quelqu’un ?

- Pourquoi partez-vous si loin de votre foyer, mademoiselle ? Vous n’en parlez jamais. La plupart du temps, les personnes de votre genre sont mariés jeunes de nos jours, donc je pensais que vous seriez déjà mariée avec un bambin dans vos jupons.

Pour le coup elle marquait un point, elle ne pouvait en parler car elle voudrait sans doute connaître son nom. Kizune était assez populaire chez elle et son nom pourrait ne pas lui être inconnu., le mieux était certainement d’éviter de répondre à cette question en montrant une once de gêne.

- Je ne le peut, sa Majesté l’impératrice m’a demandé de garder pour moi le plus d’informations personnelles pour des raisons de sécurité. Partir ainsi demande certaines mesures, je suis certaine que vous pouvez me comprendre.

- L’impératrice en personne ?

- Oui, si je souhaitais partir je devais avoir son accord, rares sont les individus qui peuvent traverser la frontière à leur guise.

- Est-elle belle ? On raconte que sa majesté est d’une grande beauté ! Je n’ai jamais pu la voir autrement que sur des portraits et encore ! Je suis pratiquement sans cesse sur ce rafiot alors je n’ai pas vraiment l’occasion d’en voir !

- Oh oui elle est d’une grande beauté et d’une intelligence remarquable, je ne suis pas étonné que le pays se porte si bien.

- J’aimerais tant la rencontrer.

- Un jour, peut-être en aurez-vous l’opportunité qui sait ?

- Je ne sais pas réellement, vous savez, pourquoi est-ce que ça m'arriverait ?

- Vous êtes merveilleuse Maria, si vous vous en donnez les moyens, vous pourrez faire ce que vous souhaitez de votre vie. L’impératrice n’est pas si inaccessible que vous ne le pensez, cependant en ce moment elle est très débordée et elle ne peut faire autant de réunions avec tout le monde comme elle le souhaiterait.

- Je vous remercie mademoiselle, passons à la cuisson à présent.

Les pommettes de la jeune femme avaient rougi tandis qu’elle tentait de changer de sujet en prenant les légumes qui se trouvaient devant Rina pour les mettre dans un récipient pour les laver.
L’eau froide coulait abondamment sur les pommes de terre et les carottes qui venaient tout juste d’être terminées quand un grésillement se fit entendre dans la cabine suivit d’une voix robotisée.

- Mademoiselle Grintofk vous êtes demandée dans la cabine du capitaine, je vous prie.

D’un geste commun, les deux jeunes femmes s’étaient regardés, sourcils froncés, se demandant bien en quoi cet entretien servirait.

- Allez-y, ça doit être important si le capitaine vous demande.

- Je vais voir ça, bon courage et à plus tard Maria.

- À plus tard mademoiselle.

En allant trouver la cabine Rina avait failli se perdre, le bateau était vraiment grand mais surtout désert. Pour l’occasion il n’y avait personne, l’Impératrice avait dit qu’à son retour des personnes pourraient monter mais que pour l'aller il était préférable qu’elle soit seule. En arrivant devant la cabine elle toqua à la porte métallique du capitaine. Elle attendit sagement qu’on l’invite à entrer pour ne pas déranger s’il était en pleine activité. Quelques secondes passèrent avant qu’elle ne toque de nouveau, personne ne répondait à son appel, elle ne savait si elle devait abandonner ou entrer avec prudence. Elle abaissa sa main sur la poignée pour ouvrir suffisamment pour que seule sa tête puisse s’introduire dans la pièce.

- Capitaine ?

Seul un bruit frotté lui répondit au fond de la cabine ce qui l’interpella, cette fois-ci elle passa son corps entier pour regarder avec plus d’attention. En vérité, sa curiosité la poussait à entrer même si elle avait une grande appréhension. Le bruit recommença une nouvelle fois, qu'était-ce ? Ses pas tapaient sur le sol métallique avec prudence, elle ne savait pas ce qui se passait mais elle commençait à être sévèrement alarmée. Ses mains tremblaient et sa respiration se saccadait, cet équipage avait-il découvert son vrai visage ? Rien que cette pensée lui donnait la nausée, mais c’était impossible, elle avait tout fait pour ne pas se faire démasquer, elle n’avait parlé de son projet à personne ici. Ses pensées se bousculaient au fur et à mesure qu’elle avançait à pas de loups dans la cabine. Un bruit de verre retentit avec fracas dans la cabine sans qu’elle puisse déterminer sa provenance, seul son cri étouffé par ses mains tremblantes faisait écho à l’incident.

- Mademoiselle, c’est vous ?

- Pardon ?

- Ce n’est que moi, n’avez crainte.

Le capitaine avait la face rouge et semblait sortir d’une salle de bain, des effluves de parfums chatouillaient le nez de Rina de façon désagréable. Il était assez petit et avait un bon embonpoint assez conséquent qu’il s’efforçait de dissimuler alors que pourtant c’était le cadet des préoccupations de la jeune femme.

- J’avoue avoir été surprise. Que me voulez-vous capitaine ?

Son cœur battait à tout rompre, autant par son imagination débordante que par la surprise qu’elle venait de subir.

- Rien de spécial, je voulais simplement savoir comment se déroulait votre pérégrination en notre compagnie. Trouvez-vous cela agréable au possible ?

- Je… oui bien entendu. Je me plaît bien ici, c’est très agréable. Vous ai-je montrer le contraire ?

Tandis que la voix paraissait dénuée de tonnerre, il haussait la voix pour camoufler l’agitation dans la pièce voisine d’où il venait.

- Non bien sûr je voulais me renseigner.

- Pardonnez-moi monsieur, mais puis-je vous poser une question ?

Rina l’arrêta d’un geste de la main avant de les joindre sur le devant de sa robe.

- Je… Je vous en prie.

- Que se passe-t-il dans cette salle ? Je trouve votre question étonnante capitaine, Maria me la fait remarquer, que si vous me demandiez de venir ce n’était certainement pour une raison aussi futile.

Elle indiqua cette dernière d’un geste de la tête avant de planter ses yeux dans les siens. Le rouge monta encore davantage aux joues du capitaine du bateau.

- J’avoue avoir été surprise de tout le raffut qu’il s’y passait mais vous teniez à me voir alors j’ai fait au plus vite.

- Ce n’est rien, j’ai juste fait tomber un flacon de parfum, de plus je souhaitais réellement vous voir seulement pour cela. Vos rapports avec l’Impératrice sont importants pour nous.

- Oh d’accord, m’en voilà rassuré, si ce n’est que purement intéressé, puis-je prendre congé ? Vous m’en voyez navré mais j’avoue que les effluves corsées donnent un mal de tête impossible à contenir.

- Je vous en prie mademoiselle, faites, faites. Au plaisir de vous revoir.

- De même capitaine.

Le regard de celui-ci s’était fait fuyant et il semblait horriblement gêné, ne comprenant pas au début, les pièces du puzzle s’étaient mises rapidement en place quand elle le vit pousser un sous-vêtement féminin du bout du talon à l'abri des regards. Elle pensa avec un grand amusement qu’il ne pensait pas qu’elle viendrait aussi vite le voir, elle gloussa en refermant la porte de la cabine, elle le garderait pour elle pour ne pas l’embarrasser même si ça l’amusait beaucoup de le voir dans un tel état.

- Mon Dieu, s’inquiéter pour si peu.

D’un pas tranquille elle partit du côté du pont pour retrouver son compagnon de voyage, elle était rassurée à présent, apparemment il ne savait rien. Elle s’était empressée de partir mais lui aussi avait, paraissait-il, besoin d’être seul ou du moins, en bonne compagnie.
Cependant, tandis qu’elle s’en allait le cœur léger vers le pont principal, l'agitation dans la cabine avait repris son cours, mais pas comme l’avait songé Rina. Un pistolet de poche était pointé sur le capitaine depuis la cabine suspectée par la jeune femme. C’était un pistolet de poche à deux canons, il mesurait environ quinze centimètres pour un calibre de sept millimètres. Il possédait un levier basculant sur le dessus et une crosse en ébène et des gravures sur toutes les faces mécaniques.

- Parfait, elle soupçonnera facilement l’envie farouche et pressante d’un marin qui ne peut assouvir ses plaisirs en son foyer que quelques fois par an. C’est parfait, vraiment parfait.

- Qu’est-ce que vous me voulez ? Comment êtes-vous monté sur mon bateau ?

- Normalement c’est moi qui pose les questions mais je veux bien répondre pour cette fois. Je suis monté à mon aise grâce à un autre bateau qui a vogué et qui m’a déposé durant votre dernière escale et en ce qui concerne ce que je vous veux, comment dire ?

L’homme semblait réfléchir activement sans fléchir son arme de sa cible potentielle.

- Nous arriverons dans peu de temps à bon port alors personne ne doit savoir que je suis là, je ne plaisante pas. Si vous ne voulez pas avoir une balle entre les deux yeux, faites attention. Je descendrai ensuite sans poser le moindre problème.

- C’est un peu trop simple.

L’intrus bougea légèrement sa main ce qui fit blêmir le capitaine de plusieurs teintes.

- D’accord, d'accord, je ferai ce que vous voudrez !

- Parfait, nous allons pouvoir nous entendre.

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