Les premières cicatrices
Il y a des douleurs qu’on ne ressent qu’après coup, quand l’adrénaline s’est dissipée et que l’esprit commence à comprendre ce que le cœur a perdu. Les premiers jours sans lui étaient un tourbillon. Je me surprenais à l’appeler par habitude, à chercher sa silhouette dans chaque pièce, à tendre l’oreille pour un son, un signe de sa présence. Rien. Seulement le silence, lourd et oppressant, un écho constant de son absence.
Je ne savais pas encore que c’était là que les cicatrices commencent à se former. Pas sur la peau, mais dans l’âme, dans les recoins que personne ne voit.
Je me suis jeté à corps perdu dans la routine, comme si travailler, ranger, nettoyer pouvaient recoller les morceaux de moi-même. Mais chaque tâche banale devenait un rappel cruel. Trier les affaires qu’il avait laissés derrière – un pull oublié, une bague sur le rebord de l’évier – était un supplice. Tout semblait chargé d’un poids invisible, comme si chaque objet portait en lui une histoire, une mémoire qu’il refusait de lâcher.
Un jour, je suis tombé sur un mot qu’il m’avait écrit des mois auparavant. Il était là, coincé entre les pages d’un vieux livre que nous avions lu ensemble. Ses mots étaient tendres, pleins d’espoir, comme si rien ne pouvait nous séparer. « Je t’aimerai toujours. » , « Je serai toujours là pour toi. » ,« Je ne t’abandonnerai pas même quand la vie sera difficile. »
Ces phrases m’ont brisées. Pas parce qu’elles n’étaient plus vraies, mais parce que j’avais cru en leur éternité. Il
avait écrit cela avec sincérité, j’en étais sûre. Mais quelque part en chemin, nous perdions ce fil, et je ne savais plus si c’était lui ou moi qui l’avait lâché en premier.
Les jours se sont enchaînés, chacun un peu plus vide que le précédent. Je commençais à comprendre que ce n’était pas seulement l’amour qui me manquait, mais une partie de mon identité. Avec lui, j’avais été quelqu’un : un partenaire, une confidente, une moitié d’un tout. Sans lui, j’étais un puzzle incomplet, une image floue qui peinait à se redessiner.
Et puis, il y a eu ce petit matin où le poids de tout ce que je perdais devenait insupportable. Je me levée du lit entourée de ses souvenirs qui semblaient me narguer, et j’ai laissé les larmes couler. Ce n’étaient pas de simples pleurs, mais un déluge, une tempête qui emportait tout sur son passage.
Tout comme la nuit qui conseille, j’ai posé ces deux questions à mon cœur :
« Vivre comme ça te plaît ? »
« Si tu le veux pas moi, cette souffrance ne devient-elle pas insupportable pour toi ? »
mais la réponse à laquelle j’aurais pu m’accrocher n’était jamais venue.
Au lieu d’elle je me suis heurté à un mur, le silence d’une question posée à la solitude.
Je crois que c’est là que j’ai réalisé que je devais m’en aller et commencer à cicatriser. Pas parce que la douleur faisait tout sauf disparaître, mais juste parce que je venais enfin d’accepté de la regarder en face. J’ai compris que la douleur ne se fuit pas. Elle s’affronte, elle s’apprivoise, jusqu’à ce qu’elle devienne supportable.
Ce matin-là, j’ai fait une promesse à moi-même : ne pas laisser la dépression définir qui je suis. Si les cicatrices devaient rester, elles seraient les marques d’une survivante, pas d’une victime.
Ce chapitre explore la douleur immédiate et les premières étapes de la guérison intérieure.
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