Elle reste dans le couloir, sidérée, devant les logos terriens. Je la rejoins.

• You have this one too ?
• Roscosmos. Da. Sharon, I have to tell you that nobody here really knows what happenned. Maybe you will return in your world, in your time, some day. You have to keep hope.
• You are a sort of … you know, I believe in god and I know too that it’s over, my life. Do you have kids ?
• Yes, a boy. Antoine. I miss him, he is far from me now. You have to be courageous.
• I have, I had a boy too. Scott. And a girl. Caroline. She knew. She didn’t want me to go to space. She was afraid, it was dangerous, she was right.

Je lui prends la main, elle me regarde. Je l’amène dans mon bureau et je ferme les portes. On s’assoit sur le canapé, je lui sers un verre d’eau et je me mets en position d’écoute. J’attends qu’elle soit prête. Je suis là, pour elle. Elle commence à parler. Longtemps. Je réponds succinctement à ses questions quand elle en a. À la fin de notre entretien, je lui confie une mission, pour lui occuper l’esprit.

• Welcome to planet 4, Sharon. For now, you have a mission : learn French.

Je la laisse aux autres, pour la suite de son protocole et je ressors par le hall principal. Mon nom est inscrit en bas du grand tableau des directeurs de l’Agence. En lettres d’or : Paloma LENN, GC28, MS-XVI, O4 et mon portrait en tenue avec mes 5 médailles et mes 3 distinctions. Ma promotion 28 du Grand Chelem est indiquée en premier. Je réalise que ce n’est pas le résultat qui compte. Ce qu’on retient, c’est si on l’a fait ou pas. Même si je les ai raté, j’ai fait toutes les épreuves. Je suis GC28. Je comprends maintenant la phrase de l’instructeur à la présentation en amphi : « Vous ne réaliserez que bien plus tard ce qui vous arrive aujourd’hui. » Juste être sélectionnée pour faire le tour des écoles et des institutions, juste ça, c’est déjà une victoire sur l’avenir, un atout pour devenir quelqu’une, et ça je l’ai fait avant d’être la fille de Abigaëlle, l’antéchrist de la Terre. J’ai d’abord tracé mon destin avant de subir ma lignée. C’est parfois une chance de ne pas connaître ses parents, de ne pas savoir qui on est au départ. Ainsi, je suis Paloma, GC28, mère de Antoine, et ma rencontre avec Isa Love a fait le reste. Je lui doit tout le reste. Et elle est encore là, avec moi, ou plutôt c’est moi qui suit chez elle, dans la 43, avec sa mère à côté qui veille avec Victoria dont je suis aussi une obsession. Un super casting, une dream team qui maintenant s’intéresse à l’anonyme Jules, une banale locale comme Énola, en moins discrète.