Je me réveille, c’est le matin et encore une fois : que s’est-il passé hier ? Concentrons-nous… Rien ne me vient. Je crois que je me suis réconciliée avec Isa. Elle est là. Elle ronfle. Le soleil se lève. J’avais disparu. Pendant plusieurs jours. Avec Greta. Je crois que c’est tout. De quoi sera fait aujourd’hui ? Je sens comme quelque-chose de nouveau dans l’horizon bleu. Nous sommes maintenant dans un Royaume avec une Reine, un changement redouté par beaucoup mais pas par moi. Je n’ai pas peur du changement. Mais je retourne me réfugier dans la chaleur de ma belle pour explorer ses trous de mémoire à elle aussi. On ne se lève que pour le brunch. Et quand elle part à l’OPS je me retrouve seule avec mon dark qui m’a l’air fou, possédé, hanté, il en chauffe d’alertes sataniques et d’alarmes. Je passe trop de temps à tout bloquer. Lâchez-moi, toutes ! Oubliez-moi. Oublier. Mes souvenirs à court terme. Je dois consulter. À Sylvania, elles ne travaillent plus à la Clinique Centrale. Ni Adé. Ni Hilde. Adé est à l’Office à Sainte-Claire, une Messe pour la Reine. Hilde est au fond de sa péniche, elle est déjà en train de préparer sa soupe :

• C’est dommage pour Kate. Elle avait une belle carrière de médecin. holistique en plus, comme moi, ou presque. Je vais essayer de récupérer son poste à l’Hôpital. Tu peux peut-être m’appuyer sur ce coup ?
• C’est comme si c’était fait. Mais en échange, il faut que tu m’aides. Chaque matin je me réveille en ne sachant pas ce qui s’est passé la veille.
• Ma pauvre petite Paloma, c’est pas de mon ressort. C’est plus pour Adé. Elle doit rentrer bientôt, on joue aux cartes à l’heure du thé.
• Et pourquoi je suis devenue si belle ?
• Là aussi, c’est l’Invisible qui rentre. Sinon, tu as des vrais problèmes ?
• Mon couple bat de l’aile.
• On en est toutes là. Il te faut des tiges stimulantes.
• Je suis harcelée par mon dark.
• Le jour où il s’éteint, c’est que tu ne comptes plus.

Et à chacune de mes plaintes, elle trouve une solution. Jusqu’au retour de Adé qui elle aussi me donne la clef de mon problème :

• C’est parce que tu n’écris plus les rapports. Mais c’est pas la peine de les reprendre. Tu as juste à écrire, ce que tu veux, à qui tu veux, tous les jours, garder contact avec les mots, physiquement, charnellement, avec un crayon sur du papier. C’est une sorte d’exorcisme, de conjuration, de cérémonie quotidienne comme l’était l’annexe. Prends d’abord ce feutre et écris-moi dessus, je suis ta première page.