163 - en main propre
Je taille mon crayon. Il en est déjà à la moitié. En fait, je n’arrive pas à me limiter à une seule lettre par jour. Certaines ont la même date. Ma belle Isa a la sienne, c’était la deuxième, je devais l’écrire après celle pour Greta, logique, la mère puis la fille. Je l’ai cachée dans son coffre personnel de Sœur Océane au Couvent. Elle la trouvera un jour. Ou pas. Peu importe. Les mots sont là, quelque part, ils flottent dans l’air, je les ai juste attrapés pour les coucher sur le papier. Ma quatrième lettre, je ne vais pas la poster non plus. La Gare est trop grande. Chez ses parents, sa mère Gaby la lirait, on la connaît. Et hors de question de la mettre dans la boîte aux lettres de Sorcière Maëlle avec qui elle vit. Brigitte. Localisée sur mon dark. Au Tennis Club de Laguna City. Quand on y entre on ne fait pas la différence avec celui de Sylvania, sauf qu’il y fait plus chaud ici. J’entends le rire de Bri, elle a l’air de s’amuser ? Avec qui elle joue ? Elle crie :
- Tu triches ! T’as pas le droit de te téléporter à l’autre bout du terrain !
Avec Énola. C’est bien. Au moins elle est là, avec nous. Et pas ailleurs. Je lui tends l’enveloppe beige avec simplement trois lettres écrites dessus : B.R.I.
- So ? You are a writer now ?
- Pas comme tu le crois. Pas comme on le croit.
- Ça fait beaucoup de croix. Tu devrais rester avec nous. On est des locales, non ?
- Je me sens plus près du Pôle Nord comme Isa se sent plus près du Pôle Sud, même si ce n’est pas de notre nature, ni à elle et ni à moi. À nous deux on est le chaînon entre les deux pôles.
- Ainsi soient-elles. Mais un jour il se cassera. Il est déjà fragile.
- Non, Bri. Isa et moi, nous sommes liées, pour toujours...
- Et à jamais, oui, on sait. Je voulais juste vérifier, avant de lire ta lettre.
- Tu n’es pas obligée de la lire. Je dirais même qu’elle n’est pas vraiment faite pour ça. Il fallait juste qu’elle existe, que ça sorte de moi. Greta ne l’a pas lue non plus, la sienne.
La partie est finie. Je les accompagne sous la douche pour quelques caresses coquines avant de bruncher au Club House où Isa nous rejoint. On les laisse parler boulot et je me rapproche de la zone intime de Énola :
- J’ai une lettre aussi pour toi. Dans mon cœur. Si tu restes, je vais la faire ressortir par mon esprit pour l’accoucher sur le papier.
Sous la table, nos pieds caresses nos jambes. C’est doux comme nos regards interdits. C’est elle qui est en train d’écrire sa lettre par l’excitation qu’elle suscite en moi.
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