226 - suicide
Je n’ai plus besoin de faire l’effort de démissionner, j’ai été virée de ma propre histoire et j’en rigole tout haut. Je n’ai même pas envie de suivre et de savoir ce qui se passe vraiment. Peut-être qu’un jour il y aura une annexe qui raconte leurs histoires où j’apparais de temps en temps comme un personnage secondaire. Mais pour l’instant je suis à l’abri dans le cocon 48 où je suis la femme de ma Mary dans notre histoire à nous, privée, intime, où elle apprend à me faire jouir et moi à la laisser tranquille. Alors je sors sur la terrasse et je m’accroche à la rambarde pour regarder l’océan en face et son immensité perdue dans l’espace et dans le temps. Je ferme les yeux et je prie, de ne pas être interrompue, je me demande si je vais les ouvrir à nouveau un jour. Est-ce que ça en vaut la peine ? J’incline ma tête sous le poids de mon spleen, je m’accroche à la barre froide, mon seul repère, que j’enjambe en aveugle et je me retourne, dos au vide. J’ouvre mes mains en grand, je mets mes bras en croix et je me penche en arrière pour tomber en expirant tout l’air de mes poumons. Un grand choc, le bruit de l’eau, j’avais oubliée la piscine. Je coule et mon dos touche le fond. Je n’ai plus aucune envie et je m’éteins petit à petit, le cœur, l’esprit et l’âme. Mais on me tire vers la surface et on me ramène sur le bord. J’ouvre les yeux. Elle est si belle, Little Katioucha Marie-Lenn. Elle souffle dans ma bouche et rempli mes poumons. Sa vie entre en moi et me redémarre. Quand j’étais au fond, mon corps n’a même pas eu le réflexe d’inspirer le Grand Bleu, je ne me suis pas noyée.
- Paloma ! Paloma ?
- C’est rien Mary. C’est juste une pulsion. C’est reparti pour un tour. J’avais besoin de faire reset. Tu m’as sauvée, encore une fois. D’abord mon âme, ensuite mon corps. Je suis à toi corps et âme. Comment tu as su ?
- J’ai été prévenue. Par mon ventre. Elle a bougé. J’ai tout de suite voulu te le dire. Je t’ai cherchée et j’ai entendu le grand splash. Anaëlle a besoin de nous deux. Je ne vais pas y arriver seule. Alors le prochain reset, tu pourras le faire quand elle n’aura plus besoin de nous, d’accord ?
- Okay.
Et elle me redresse pour m’étreindre. Je m’accroche à elle. Elle est chaude. Lily arrive avec une serviette, Édith l’aide, Jess reste à l’écart, il y a de l’eau dans son regard qui brille plus encore, tout en couleurs, arc-en-yeux. J’inspire leur amour et j’expire ma peine. J’ai sommeil, besoin de dormir, récupérer. Pourquoi elles sont si inquiètes ?
- Les hôpitaux sont hors service. Il n’y a plus de réa. Pas de secours non plus. On n’est plus si immortelles que ça. C’est l’apocalypse.
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