Chapitre 3

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Il y eut à nouveau un long silence qui laissa Thomas perplexe, puis Elvis lui proposa de lui faire la visite du Refuge. Thomas comprit que c'était cet endroit qu'ils nommaient ainsi. Ils reprirent le long couloir, repassèrent devant les regards inquiets des hommes et des femmes en veste blanche. Ils se retrouvèrent alors devant une porte, que Elvis ouvrit.

L'adolescent découvrit alors un jardin, caché par les bâtiments qui l'entouraient. Un coin était destiné au potager où y poussaient toutes sortes de fruits et légumes. Quelques personnes s'attelaient à labourer et à arroser les salades, les choux, les carottes et les nombreuses autres plantes. À côté, des poules et des lapins trépignaient dans leur enclos en fixant des yeux le potager, se demandant quand ils pourront avoir accès à toute cette nourriture. À un autre endroit, quelques arbres étaient rassemblés pour former un verger. En ce doux soir d'automne, leurs feuilles vacillaient dangereusement avant de se détacher de leurs branches pour rejoindre le tapis soyeux qui se formait sur le sol.

Cet endroit faisait rappeler à Thomas les longues journées qu'il avait passées à la campagne, chez sa grand-mère. Pourquoi n'était-il pas encore chez elle, à profiter des vastes forêts et du chant des oiseaux ? Pourquoi se retrouvait-il avec des gens dont il ne connaissait rien de leurs intentions ? Il se sentait mal à l'aise dans ce petit jardin entouré de murs, malgré la sérénité qui y régnait. Mais pour l'instant, il devait se taire. Ils s'engagèrent sur un petit chemin fait de planches de bois qui faisait le tour du carré de verdure.

– Comme nous n'avons pas accès à la nourriture, nous devons créer nos propres ressources, afin de nous procurer à manger, lui expliqua Elvis. Cela nous demande beaucoup de travail, et nous empêche de lutter pleinement contre Show. Nous devons aussi être indépendants en électricité et en eau. Pour cela, nous avons placé des panneaux solaires sur le toit du bâtiment, et nous filtrons l'eau de pluie. Bien sûr, cela ne suffit pas, et nous devons aussi récolter l'eau de la Seine, qui se trouve non loin de là.

Thomas ne l'écoutait qu'à moitié. Il était inquiet, et son cerveau était en pleine réflexion sur un plan pour s'évader de ces lieux. Puis il continua :

– Ce jardin, bien qu'il serve principalement à nous apporter de la nourriture, permet aussi aux gens de revoir un peu les rayons du Soleil. C'est difficile de ne plus pouvoir profiter de l'air extérieur quand on doit rester enfermés et que l'on n'a pas le droit de faire un pas dehors. Nous nommons ce lieu le Patio.

En effet, deux adultes étaient assis sur un banc, profitant du soleil qui éclairait leurs visages. Ils leur dirent bonjour d'un signe de tête lorsqu'ils passèrent devant eux. Thomas leva les yeux au ciel. Il avait pris une teinte orangée. C'est vrai qu'il a des vertus bienfaisantes, et que nous en avons besoin pour vivre.

En plus de devoir être au quotidien avec des personnes qui lui semblaient venues d'un autre monde, il devra rester enfermé dans ce lieu maudit. Cela ne faisait qu'amplifier la résignation de l'adolescent à s'y échapper.

Après avoir traversé le Patio, ils remontèrent un escalier pour se retrouver dans une grande salle. Des lits superposés en fer rouillé étaient placés un peu partout dans la pièce.

– C'est le dortoir, tu peux choisir ton lit entre tous ceux du fond, lui dit Elvis. Réfléchis bien, ce sera ta place jusqu'à la fin de ton séjour ici.

– Et quand s'arrêtera ce... séjour ?

– Lorsqu'on aura tué Show.

Thomas s'assit sur le lit du bas situé près de la fenêtre.

– Je n'ai pas de pyjama ni de tenue de rechange.

– Ne t'inquiète pas pour ça, on trouvera bien de vieux vêtements à te prêter. Viens, je vais te présenter à tes nouveaux copains.

Cela rassura un peu l'adolescent de savoir qu'il ne serait pas seul dans cette prison et qu'il pourra occuper le temps avec des personnes de son âge, s'il ne parvenait pas à s'enfuir. Elvis ouvrit la porte du fond. Un grand tumulte régnait derrière. Il stoppa lorsque Thomas et le chef de l'ADCS entrèrent.

– Je vous présente votre nouveau camarade, il s'appelle Thomas.

Il y eut un court silence puis la foule reprit peu à peu son agitation. La salle était grande, de nombreux adolescents et enfants étaient rassemblés en petits groupes et discutaient en riant. L'ambiance était conviviale. Certains étaient plus âgés que Thomas, d'autres plus jeunes.

Au centre de la pièce, un adolescent acclamait son petit frère, qui venait de terminer un puzzle.

Le nouveau venu s'approcha d'eux, les mains tremblotantes. Le grand frère, qui semblait avoir l'âge de Thomas, arborait des yeux bleus et des cheveux blonds qui ressemblaient à ceux d'Elvis. Outre sa chevelure blonde bien coiffée et ses doux yeux azur, son visage allongé, ses lèvres pâles écartées en un sourire, ses sourcils bien dessinés et son petit nez retroussé rendaient son visage lumineux et attachant. Son petit frère lui ressemblait comme deux gouttes d'eau : hormis la taille et la forme de la tête qui était plus ronde chez l'enfant, rien ne les différenciait.

– Salut, bredouilla Thomas.

– Salut !, dit le garçon, moi, c'est Antoine. Allez, dis bonjour au grand garçon, Lucien.

– Bonjour, répéta l'enfant.

– Je m'appelle Thomas. Je viens d'arriver, et si tu veux bien que je reste avec toi, juste au début...

– Bien sûr !

Après un silence gênant, le nouveau demanda :

– Elvis, c'est ton père ?

– Non, c'est mon oncle, mon père et ma mère sont morts il y a bien longtemps.

– Désolé, je...

– Non, ce n'est pas grave, s'empressa-t-il de dire, ils ont été tués par Show, et sont morts héroïquement, ils ont été torturés et n'ont pas dit un seul secret de l'ADCS. Je leur ai fait la promesse de garder Lucien en vie.

Il posa son regard sur son petit frère, qui ne cessait de regarder Thomas comme s'il n'avait rien à faire là.

– Les miens sont des lâches, ils se sont laissés faire par Show et sont devenus de vraies bêtes sauvages.

Il s'en suivit une courte pause, puis Thomas reprit :

– Et tu viens d'où ? Tu es là depuis quand ?

– Mon père était le chef de l'ADCS du coup, ma maison natale, c'est ici. Quand il est mort, il a décidé de léguer sa place à Elvis.

Thomas remarqua alors un badge sur la poitrine du jeune homme. Le même que celui que portait Elvis.

– Que signifie la colombe qui est derrière le nuage, sur le badge ? dit-il en désignant la poitrine d'Antoine.

– C'est l'emblème de l'ADCS. En fait, la colombe est censée percer le gros nuage noir ; le nuage, c'est Show, et la colombe, qui représente la liberté, c'est nous. Sauf que c'est Elvis qui l'a fait, et il ne veut pas admettre qu'il ne sait pas dessiner...

Thomas pouffa de rire.

– Le mien est un faux cependant, reprit-il, je ne fais pas vraiment partie de l'ADCS, seuls les adultes ont le droit d'en faire partie. Je dois encore attendre deux ans avant de pouvoir prendre des décisions et me battre contre Show.

Thomas commençait à être de plus en plus à l'aise avec son nouveau camarade, qui se voulait apaisant et rassurant. Il l'aimait bien. Maintenant, sa principale motivation était d'en savoir plus sur ce monde affreux, et non de s'enfuir.

– Je peux te poser quelques questions, il y a des choses que je n'ai pas bien comprises à propos du Refuge et de Show, demanda-t-il.

– Bien sûr !

– À quoi servent les grands écrans, dans le hall ?

– Les membres de l'ADCS ont réussi à capter les programmes de plusieurs Chaises Virtuelles. Ils les inspectent à la recherche d'une faille ou de quelque chose qui pourrait prouver que celui-ci n'est pas parfait et contient des erreurs. Ils font cela aussi pour en apprendre un peu plus sur la façon dont Show s'y est pris pour programmer cette tuerie.

– Et comment fait-il pour réaliser les programmes de toutes les personnes qui utilisent la Chaise Virtuelle ?

– Ce sont en fait des autoprogrammes, Show a créé des petits morceaux de programmes qui, en fonction des pensées de l'utilisateur, s'assemblent différemment comme un puzzle.

Soudain, une sonnerie retentit.

Toutes les personnes de la salle se précipitèrent alors vers la porte.

– C'est la sonnerie qui indique l'heure du repas, lui expliqua Antoine tout en se précipitant à son tour. Thomas se leva et suivit son nouvel ami.

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