Chapitre 4

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Ils descendirent un escalier étroit et se retrouvèrent face à une immense salle profonde et splendide. De grands lustres en cristal étaient suspendus au plafond et de magnifiques tapisseries anciennes illustrant des scènes de guerre ou des fêtes décoraient les murs. Deux longues tables étaient dressées sur un plancher lisse et craquant. Sur ces tables étaient placés des petits plats qui avaient l'air succulents. Thomas s'assit près d'Antoine et de tous ses autres camarades dont il n'avait pas encore eu le temps de faire connaissance. Un jeune de son âge aux cheveux bruns et frisés et aux yeux verts vint se mettre en face de lui et lui demanda :

– Tu t'appelles Thomas, c'est ça ?

– Oui, dit-il un peu timide.

– Moi c'est Romain. Viens, je vais te faire la présentation de tous ceux que tu vas côtoyer dorénavant.

– Alors pour commencer, voici Hugo, c'est mon frère, dit-il en désignant un garçon qui devait avoir une douzaine d'années et qui ressemblait énormément à Romain. Il est plus jeune que nous et un peu timide, mais tu devrais pouvoir t'entendre avec lui. Ici, c'est Kevin, en montrant un jeune blond aux yeux bleus qui lui fit un petit signe de la main en le voyant. Il a notre âge, est drôle et sympathique, et fait beaucoup de blagues. Moi je l'aime bien. Et voici Nicolas et Arthur, d'autres adolescents de notre âge. Ils levèrent la main en signe de salut puis revinrent s'asseoir. Pour le reste, je suppose que tu as déjà pu faire la connaissance d'Elvis et d'Antoine. Il y a bien d'autres adultes et quelques autres jeunes, mais tu auras tout ton temps pour les rencontrer plus tard. Allez viens, allons s'asseoir !

Thomas prit place à côté de ses nouveaux camarades. Il se servit une grosse platée de purée, car la faim le dévorait depuis plusieurs jours.

– Alors, raconte-nous, lança Romain, d'où viens-tu ?

Le nouvel arrivant regarda autour de lui. Tous le fixaient du regard, attendant son récit, avides. Alors Thomas commença. Il parla de sa vie d'avant, puis du jour où tout avait basculé, où il avait dû rester enfermé dans sa chambre. Il parla de ses parents et de ce qu'ils étaient devenus avec un pincement au cœur, puis de sa fuite, tout comme il l'avait fait en face d'Elvis. Même si raconter son périple lui procurait une pointe de tristesse et d'amertume, il se rendit compte à la fin que cela lui faisait du bien de se confier. Cela le débarrassait d'une grande douleur qu'il portait sur le cœur.

– Très intrigant, répondit Romain dès qu'il eut terminé. C'est incroyable comme chacune de nos histoires est différente. Moi, mes parents ont essayé de se révolter contre ce système. Maintenant, ils font partie de ceux qui nous traquent. Depuis, je meurs d'envie de tuer Show, pour le punir. Aucun de nous n'a la chance d'avoir de parents, les personnes chargées de les remplacer sont tous des membres de l'ADCS, et ils font leur boulot à merveille. Tu vas voir, ils sont très compréhensifs et s'occuperont bien de toi.

Ces paroles firent du bien à Thomas. Finalement, peut-être qu'il valait mieux qu'il reste ici, qu'il ne tente pas de fuguer ? Peut-être qu'Elvis et les autres ne lui voulaient que du bien, qu'ils n'essayaient pas de le manipuler ?

La discussion avait repris entre les nouveaux amis du garçon, mais celui-ci ne tentait pas de s'y mêler. Il ne savait que faire et que penser de ce lieu à la fois inquiétant et rassurant. Fallait-il qu'il accorde un peu de sa confiance à ces gens, ou valait-il mieux qu'il retrouve sa vie nomade, à se cacher et à fouiller dans les placards pour ne trouver qu'un semblant de nourriture moisie ? Ici, au moins, il pouvait manger correctement.

Après avoir salué rapidement ses amis, il se précipita jusqu'au dortoir, fatigué et désemparé. Une grosse pile de vêtements usés et déchirés l'attendait sur son lit. Il posa la pile par terre, et sans même prendre le temps de se déshabiller, se glissa sous la couette.

Malgré la fatigue qui le tenaillait, il s'empêchait de dormir. D'un côté, il ne voulait pas avoir à retrouver sa vie clandestine, et ici, il avait la chance d'avoir une nourriture suffisante et saine, et le confort d'un lit douillet pour le réchauffer la nuit. Mais de l'autre, il ne souhaitait pas du tout avoir à vivre le restant de sa vie enfermé dans ces bâtiments oppressants, n'ayant pour seul lieu de réconfort qu'un petit jardin carré. Il préférait largement pouvoir courir à sa guise partout dans la ville. Si l'on en croyait le récit d'Elvis, de nombreux Automates surveillaient la ville, et l'adolescent avait eu de la chance de ne pas tomber sur un de ces robots lors de son périple à travers la ville. Le Refuge lui offrait donc une certaine sécurité, non négligeable. Une autre chose qui le poussait à s'enfuir était ses parents. Même si leur dernière rencontre n'avait pas été très amusante, ils lui manquaient. Il voulait les revoir une dernière fois. Ils l'avaient nourri, bercé de longues années durant, il ne pouvait se permettre de les oublier complètement et de passer à autre chose.

De ce qu'il en avait perçu, le Refuge n'était pas si bien gardé qu'on aurait pu le croire. Même si la grande porte en bois était sûrement fermée à clé, il n'aurait pas de mal à trouver une issue, à travers une fenêtre condamnée par exemple. Ses camarades étaient couchés et dormaient à présent, il aurait donc  moins de chance de se faire remarquer. C'était maintenant ou jamais. Il devait prendre une décision.

Ses émotions prirent le dessus sur sa raison. Il sortit discrètement de son lit. Tandis qu'il marchait sur la pointe des pieds vers la porte du dortoir, il entendit une voix :

– Ne fais pas ça. Il va falloir les oublier, tes parents.

Thomas fit volte-face et vit Antoine, debout, à quelques mètres de lui. Pendant quelques secondes, ils se contentèrent de se regarder, puis le fuyard dit :

– Comment savais-tu que j'allais vouloir sortir ?

– C'est Elvis qui m'a dit de veiller, presque tous les nouveaux qui arrivent ici tentent d'en sortir. Mais on est beaucoup mieux au chaud dans cette maison que dehors, avec les Automates qui guettent le moindre bruit. Moi aussi, j'ai essayé de fuguer, je te comprends. On ne sait pas ce qui nous arrive, on ne comprend pas ce qu'on fait là, mais il faut rester. Tu vas t'y habituer, ne t'inquiète pas. Et on va tout faire pour que tu te sentes à l'aise dans notre groupe. Tu verras, après une semaine, tu t'y plairas et tu oublieras complètement ta vie d'avant. Allez viens, je vais te raccompagner à ton lit.

Antoine posa sa main pleine de réconfort sur le dos du jeune tourmenté, puis ils marchèrent silencieusement à travers les rangées de lits.

Dès qu'ils furent arrivés à la couchette de Thomas, celui-ci s'enfuit sous les draps, et Antoine s'éloigna en lui souhaitant bonne nuit.

Il avait appris deux choses ce soir-là. Tout d'abord, il ne s'enfuirait plus jamais d'ici, il s'en fit la promesse. Et deuxièmement, Antoine était définitivement devenu son meilleur ami, il en était sûr à présent. Peu à peu, la fatigue l'envahit et il se laissa tomber dans les bras de Morphée.

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