Chapitre 5
Quand il se réveilla, il sentit la chaleur du soleil effleurer sa peau ce qui lui procura un bonheur intense. Il se frotta les paupières, s'étira puis ouvrit la fenêtre pour sentir un vent léger caresser son visage. Le soleil pointait son nez derrière les grands immeubles. Le ciel était teinté d'une lueur orangée. Quelques oiseaux montraient leur chant mélodieux à leurs congénères. La ville, vidée de ses bruits parasites, respirait la douceur et la sérénité. Cela surprit Thomas qui, la veille encore, avait trouvé ce lieu étrange et effrayant.
Il ne repensait même plus à sa tentative de fugue, ce souvenir lui semblait lointain, et il se trouvait ridicule d'avoir essayé. Finalement, il était beaucoup mieux avec ses nouveaux amis, à rire et s'amuser, qu'avec ses parents avec qui il n'aurait même pas pu dialoguer. Il referma la fenêtre et descendit dans la grande salle pour prendre son petit déjeuner. Il s'était sans doute réveillé tard car tout le monde était déjà levé, certains avaient même fini de manger.
- C'est à cette heure-ci que tu te lèves ? ironisa Kevin en l'invitant à s’installer à table.
Il n'y avait pas beaucoup de choix, et le jeune homme se rappela avec une pointe d'amertume les bols garnis de céréales dont il raffolait lorsqu’il habitait avec ses parents. Mais c'était tout de même mieux que les vieux aliments qui lui servaient à compenser le creux présent dans son estomac, lors de sa cavalcade dans la ville. Il se dirigea vers la table du buffet. Su un panneau était inscrit "deux plats maximum par personne". Il était clair que le Refuge tentait comme il le pouvait de restreindre les ressources, très limitées. Il se servit un œuf dur et une tartine de confiture, qu'il dévora très rapidement. Malgré le repas très complet de la veille, il ne s'était toujours pas remis de la faim qui l'avait tenaillé quelques jours avant. Une fois la dernière miette engloutie, il rejoignit ses amis et ils s’installèrent dans la salle de jeux.
Ils parlèrent de leurs goûts et de leurs passions. Mais Thomas prenait rarement la parole, il riait lorsque Kevin sortait une blague, mais n'osait prendre part à la conversation. Dans ce lieu et avec ces personnes qu'il ne connaissait pas encore pleinement, sa timidité se renforçait. Romain se rendit compte de sa demi-présence, et le questionna:
- Et toi, quels sont tes passions ?
Une boule se forma dans la gorge de Thomas. Mais il combattit sa timidité et parla de son goût prononcé pour la lecture et le piano, et pour ses nombreuses autres passions, la voix légèrement chevrotante. Ses amis l'écoutaient avec enthousiasme.
Après quelque échanges, Elvis vint les voir pour leur demander s'ils pouvaient l’aider à la récolte dans le jardin. Ils acceptèrent en soupirant. Une pelle à la main, Thomas était le seul à apprécier ce travail. Cela l'occupait, et il pouvait réfléchir tranquillement, ayant pour seule distraction les plaintes de Kevin. Comme l'avait précisé Antoine, les autres adolescents étaient accueillants et sympathiques. Mais il n'avait pas encore entièrement confiance en l'ADCS. Et rester derrière ces murs, à récolter des salades ou à rester dans une salle à discuter, ce n'était pas ce qui l'attirait le plus. Il soupira, puis remarqua la présence d'Antoine près de lui, des poireaux entre les bras.
- Je sais que c'est encore difficile pour l'instant, que tu as l'impression que tu n'as pas ta place ici, dit-il de sa voix réconfortante. Tu vas voir, il n'y en a plus pour longtemps, et quand on en aura fini avec tout ça, l'ADCS et le Refuge vont nous manquer.
Et il repartit déposer ses poireaux dans une brouette. C'était incroyable le pouvoir qu'avait Antoine pour réchauffer le cœur de Thomas lorsqu'il était triste. « C'est à cela que l'on reconnaît les bons amis, aux soins qu'ils t'apportent lorsque tu es malheureux. » lui avait souvent répété sa mère.
Une heure plus tard, les adolescents rangèrent le matériel puis eurent droit à quelques minutes de repos. Mais au lieu de s'asseoir avec les autres jeunes, Thomas préféra se poser à l'écart, sur un autre banc. À cette heure où le soleil était le plus haut dans le ciel, il pouvait tout de même l'apercevoir malgré les grands murs qui l'entouraient. Ses rayons diffusaient leur chaleur apaisante et le jeune homme s’en imprégnait comme d’un bain de lumière.
Les nouveaux amis de Thomas le rejoignirent peu de temps après. Antoine lui annonça :
- Viens, tu vas pouvoir assister à ton premier cours !
- Parce qu’il y a des cours ? questionna-t-il.
- Oui, enfin, si l’on peut appeler cela des cours, ce ne sont pas du tout des cours de français ou de mathématiques, et ça peut parfois devenir de bonnes parties de rigolades ! Aujourd’hui, tu as de la chance, ça va être une séance de tir, nous avons attendu ça pendant une semaine !
Thomas était à la fois enthousiasmé par l’idée qu’il allait se servir d’une arme, néanmoins, une vague d’appréhension s’empara de lui lorsqu’il apprit la nouvelle. Il n’avait jamais touché une seule fois ce genre d’objets et le fait de devoir en manipuler lui provoquait la plus grande frayeur.
- Ne t’inquiète pas, le rassura Antoine qui aperçut sa crainte, tout se passera très bien.
Après avoir gravi un escalier, ils se retrouvèrent dans une longue salle qui devait être à l’origine un laboratoire au vu des nombreux petits carreaux blancs qui emplissaient les murs et le sol. De grandes planches de bois en contreplaqué avaient été entreposés afin de former des couloirs de tir. Au fond siégeaient des cibles. Certaines étaient rondes, d’autres étaient découpées dans du polystyrène de façon à ce que cela ressemble à des silhouettes humaines. Elvis les attendait en souriant. Sur des crochets étaient soutenues par leurs lanières toutes sortes d’armes, allant du simple revolver à la kalachnikov. Les camarades de Thomas, qui devaient être habitués à ce genre de cours, en attrapèrent tout de suite chacun une et se placèrent face aux cibles, placées à une dizaine de mètres. Lorsque les premiers tirèrent, l’adolescent fut surpris de leur niveau. La plupart des balles finissaient leur course soit au niveau de la tête du mannequin, soit au niveau du cœur. « Jamais je n’arriverai à un tel niveau », se dit Thomas. Elvis s’approcha de lui, un pistolet à la main. L’adolescent frémit lorsque ses yeux se posèrent sur l’objet.
- Ne t’inquiète pas, lui dit Elvis, celui-là est chargé à blanc, c’est juste pour t’entraîner à tenir correctement une arme.
Il l’accompagna devant un couloir au fond duquel se trouvait une cible ronde, puis lui expliqua la manière de placer ses mains sur l’arme et la posture à adopter. Il lui tendit une paire de luettes et un casque, qu’il plaça sur sa tête, puis le pistolet. Celui-ci frémit au contact froid de l’acier. Il tenta de reproduire à la perfection les gestes précis d’Elvis, puis posa son index sur la détente et effectua une légère pression, les mains tremblantes. La détonation et le recul le surprirent si bien qu’il en perdit l’équilibre. Après quelques essais avec des balles à blanc, Elvis ramena un autre pistolet chargé de vraies balles. Il se concentra et tira trois fois, laissant derrière lui trois petits trous au centre de la cible. Puis il tendit l’objet à Thomas qui tenta d’imiter l’expérience. Il souffla un bon coup, ferma un œil et tira. Mais le recul, beaucoup plus fort que sur l’arme chargée à blanc, lui fit perdre le contrôle de la situation et il manqua complètement son tir, la balle se fichant dans le plafond. Une grande douleur déchira son épaule, mais il se retint de crier
Thomas regarda le chef de l’ADCS, le visage rempli de honte.
- Continue, l’encouragea Elvis.
Il tira une deuxième balle, et cette fois-ci, réussit à gérer le recul. Le projectile atteint le mur d’en face, deux mètres à côté de la cible. Thomas fut fier de lui. Après une vingtaine de tentatives, une première balle atteint le bord de la cible, alors qu’ils allaient s’arrêter. Content, Thomas reposa l’arme pour rejoindre ses camarades.
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