Lettre 4
" Corbeau,
Le moral est au plus bas.
Hier, j'ai cru que ma déprime été passée. Mais là voilà de retour. Elle se hisse en moi comme la scélérate qu'elle est. Elle m'use, me traque. Je me demande où je vais ? Qu'est-ce que je cherche ? La reconnaissance ? De qui ?
Je ne sais plus rien et je me sens tomber dans le gouffre. Je ne sais pas si la chute est vertigineuse. Je suis comme figé dans le temps, dans une position des plus inconfortables.
J'aime écrire. Que dis-je, je suis un fou qui se pendrait pour la conquérir. Avez-vous souvent croisé des chats cinglés ? Je crois que je le suis. (ou peut-être suis-je en manque de réponses).
Avant de vous écrire, j'ai lu quelques lignes d'un auteur qui m'a touché le coeur. L'âme en fait. J'ai discuté un peu avec lui. Et j'en sors avec un mal de chien encré dans le thorax. Je me sens faible, pathétique, médiocre.
Cet Ours a tant de talents, comment a-t-il pu vivre dans la misère qu'il m'a narré ? Si lui a échoué avec de si belles phrases, des sujets si touchants, tendres et violents, comment puis-je y croire ?
Rien n'est simple, tout se gagne ? Mais à quel moment ? Où me mènent mes récits, que vers plus de chagrins ? Où suis-je supposé regarder pour ne pas m'enliser dans des sables mouvants ?
Mon estomac se tord, mes larmes coulent. Je me sens impuissant dès lors que mes yeux quittent mes lignes. Qui sont ceux qui me jugent ? Sur quoi se basent les maisons d'éditions ? Qu'est-ce qui les gênent ? Mon questionnement reste un supplice.
Mes confidences et mes remerciements envers l'ange Haraël ne me portent plus depuis quelques jours. Je ne vois plus une seule tourterelle (signe que je marche sur la bonne route).
Corbeau, la confusion trouble ma raison. Je n'arrive plus à penser comme il faut. Mais y a-t-il une façon particulière pour penser ?
Je voudrais lâcher prise une fois. Cependant, il m'est impossible de faire cela. Écrire, c'est devenu moi. Mon cerveau, mon coeur, mes organes, mes nerfs, mes veines... À ce stade, ce n'est plus une addiction. C'est une malédiction... (cela pourrait être une bénédiction, si...je n'avais pas la sensation de passer à côté de ma vie.) Mais quelque part, si l'écriture n'était pas venue à moi, est-ce que j'aurais pu un jour vous rencontrer ?
Je suis un survivant. Un chat qui s'accroche aux branches d'un arbre sec, prêt à tomber en poussière. Un drame à moi tout seul. Si j'étais un roman, je rendrais chèvre tous les lecteurs qui me liraient.
Pourquoi s'accroche-t-on ? Pour briller malgré l'obscurité qui gagne notre être ? Car arrêtons-nous de nous leurrer : on veut toujours plus...Plus loin... Nous désirons atteindre notre but. Et chez un auteur le but premier, est de réussir à toucher les coeurs et surtout... celle d'u comité de lecture. Il m'afflige de lire, partout où je pose mon regard : " je fais cela pour mon plaisir personnel".
Serte, nous le faisons tous pour apaiser des tensions... Mais après ?
Écrire c'est d'abord pour soi ! N'est-ce pas ce que vous me direz ?
À un moment donné, ce soi ne devient-il pas les autres ? Je n'écris plus pour moi, mais pour les autres. Je ne parle plus de moi, mais des gens que je perçois dans la rue.
Ma fantaisie est peut-être trop fantaisiste...
Une phrase mal dite, une émotion trop forte, une vie bancale peut rendre vulnérable n'importe quel chat noir.
Bien à vous, votre ami Nocmyst."
Annotations
Versions