60
Le temps était radieux. La cérémonie avait été célébrée le matin même et à présent tous les invités évoluaient dans les jardins où se poursuivait la réception. La demeure impériale avait été entièrement redécorée pour l’occasion.
Elle marchait un peu au hasard entre les invités, observant le décor féérique qui l’entourait. Elle avait revêtu pour l’occasion une magnifique robe dans les tons rose parme et blanc. Ses cheveux étaient arrangés de façon compliquée et la parure d’or qu’elle portait rehaussait sa beauté naturelle. Elle alla s’assoir sur un banc pour se reposer un peu. Elle repéra son frère et leur ami qui discutaient un peu plus loin. Tōru avait décidé de rester au palais avec sa sœur tandis que Sei préférait réintégrer l’Académie Impériale pour terminer ses études. Il partirait dans quelques jours mais elle espérait pouvoir le revoir bientôt. Tout en promenant son regard sur la foule elle vit de l’autre côté l’Empereur et l’Impératrice, un peu à l’écart, affichant leur bonheur parfait. Elle sourit. Les jeunes mariés semblaient dans un autre monde où il n’y aurait qu’eux deux, ne pouvant détacher le regard l’un de l’autre. Elle se prit à rêver un instant, lorsqu’elle serait adulte… Elle cessa là sa réflexion. Elle devenait romantique. Elle remarqua quelqu’un qui venait vers elle, et, avec un sourire, lui fit signe de prendre place à côté d’elle. Il s’assit, puis pendant quelques instants tous deux cherchèrent quoi dire. Leurs âmes entrèrent en contact.
Es-tu finalement heureuse ? demanda-t-il.
Elle acquiesça en silence.
Je suis désolé pour ce qui s’est passé, ajouta-t-il, et je regrette ce que j’ai fait.
« Ce n’est pas toi qui as tué mes parents. » dit-elle.
Je n’en demeure pas moins coupable. Même si je n’étais pas directement présent, je suis sûr que j’aurais pu faire quelque chose. J’aurais dû. Mais je suis resté à attendre à l’extérieur sans intervenir. Je me suis comporté comme un automate.
« Tu avais des ordres. J’aurais probablement agi de la même façon à ta place. Et je me rappelle très clairement ce que j’ai lu dans tes yeux ce jour-là. Quand nous nous sommes croisés, ton regard exprimait l’incompréhension et, déjà, le regret ; pas la soif de sang. »
Si seulement rien de tout cela n’était arrivé.
« Le passé est derrière nous. »
Et que ferai-je la prochaine fois ? Je suivrai les ordres. Je tuerai.
« Desya… »
Il vit la tristesse dans ses yeux et détourna le regard.
Sakura…
Il hésita.
Comment arrives-tu à ne plus me considérer comme un ennemi ? poursuivit-il.
Elle lui prit la main. Un instant, il eut le réflexe de la retirer, mais il la laissa faire. Il la regarda à nouveau. Elle remarqua que quelque chose avait changé dans ses yeux. Une sorte d’hésitation, comme une demande. Après un temps, il matérialisa une rose dans son autre main et la lui présenta. Ses joues s’empourprèrent alors qu’elle comprenait. Il lutta contre sa timidité naturelle et lui demanda :
Sakura, malgré ce qui a été, accepteras-tu de prendre cette rose ?
Elle était quelque peu déconcertée, prise au dépourvu. Elle se remémora les dernières semaines, le temps passé avec lui, ces petits moments d’existence partagée. Ses sentiments envers lui avaient évolué, passant de la défiance à l’amitié, puis... Elle pensa aux conséquences de sa décision. Une seconde s’écoula, suivie d’une autre. Mais pas un instant elle ne songea à la réaction des autres. Elle prit une inspiration, et approcha la main de la fleur. Quand ses doigts touchèrent ceux de Desya, les pétales frissonnèrent. Les deux jeunes gens se regardèrent, à la fois surpris, gênés, et heureux. Sakura esquissa un sourire et prit la parole :
« J’ai toujours rêvé d’une déclaration poétique, je crois que tu as touché ma corde sensible. »
Légèrement plus détendu, il parut amusé et plaisanta :
Et moi qui craignais d’être trop romanesque...
Un temps passa.
« Et maintenant ? »
Eh bien…
« Iras-tu jusqu’au bout de ce que tu as entrepris ? » le taquina-t-elle.
Ce fut au tour du jeune homme de rougir. À nouveau, il s’arma de courage, et l’embrassa. Il ne savait pas vraiment à quoi s’attendre, et découvrit une douceur telle qu’il n’en avait jamais connue. Une part de lui se demandait ce qu’il était en train de faire, tandis que l’autre était certaine que c’était le meilleur choix de sa vie. Sakura, quant à elle, fut surprise par la saveur de ses lèvres. Un contact agréable, une note chaude qui se répandait en elle, lui procurant un indéniable bien-être. Lui qui demeurait si souvent en retrait révélait un autre aspect de sa personnalité. Elle sentait en lui une force insoupçonnée, ainsi qu’une passion qui n’attendait qu’elle pour s’épanouir. Finalement, ils s’écartèrent un peu l’un de l’autre, encore étonnés par ce qu’ils venaient de vivre. Leurs regards se fuyaient, mais en même temps ils avaient peine à détacher les yeux l’un de l’autre. Il lui mit la rose dans les cheveux. Elle sourit.
Mais à cet instant, ils aperçurent trois personnes qui venaient vers eux. Gavriil et Sergey arboraient la même expression amusée, et même Pavel s’autorisait un léger sourire. Les trois Chasseurs les rejoignirent.
« Sommes-nous de trop ? » plaisanta Gavriil en arrivant.
Desya et Sakura rougirent.
« C’est-à-dire que… commença Sakura.
- Il faut croire qu’aujourd’hui est un grand jour pour beaucoup de monde. » sourit Sergey.
Idiot. répondit Desya.
Mais à présent, même la jeune fille et lui s’amusaient de la situation.
« Je me demande quelle va être la réaction de Nikita. » reprit Pavel dans le même jeu.
S’il te plaît, laisse-nous être heureux encore un peu. Après, nous verrons ce qui arrivera. soupira le jeune Chasseur.
Annotations
Versions