- Chapitre 39 -
Lundi 19 octobre 2020, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.
Valentina inspectait le dernier paragraphe qu’elle avait marqué dans son cahier lorsque Jim se glissa derrière le bureau accolé au sien. Elle fronça les sourcils et ne le quitta pas des yeux tandis qu’il sortait ses affaires de son sac.
— Que me vaut l’honneur de ta présence ? le railla-t-elle après quelques secondes d’observation. C’est la première fois que tu t’assieds à côté de moi.
Son voisin haussa les épaules avec indifférence, le visage tourné vers la fenêtre. Sa main blessée posée à plat sur la table attira sans tarder l’attention de Valentina.
— Alors, tes doigts ? On t’a pas vu en EPSA ce matin, alors je me doute que c’est assez grave pour que tu rates les cours de sport. (Comme il ne répondait pas, elle poussa un grognement agacé.) Bon, c’est quoi le problème ? Tu évites Ryu depuis tout à l’heure. Et lui, il ose même pas te regarder. Vous vous êtes engueulés ?
Irrité d’avoir été percé à jour, Jim se tourna vers elle pour la cingler du regard. Déterminée à ne pas ciller face à son camarade, Tina releva le menton. Jeremy daignait rarement regarder les gens ; il avait souvent le nez levé vers un repère quelconque. Alors, bien que troublée par les iris dépareillés de son ami, Valentina tint bon jusqu’à ce qu’il claque la langue d’agacement.
— Ce qu’il y a avec Ryu, ça regarde que lui et moi. (Refroidie par le ton de son ami, aussi sec et froid que le vent qui avait sifflé toute la matinée, Tina se renfrogna.) Et ma main… j’ai l’auriculaire et l’annulaire fracturés et une entorse au majeur.
— Ouch. Tu pourras plus faire de doigt d’honneur. (Comme un sourire parvenait à chasser quelques plis des lèvres de Jim, elle enchaîna :) Combien de temps d’arrêt ?
— Au moins deux semaines, marmonna Jeremy en jetant un regard mauvais aux bandages qui éclissaient ses trois doigts blessés ensemble.
Dès le vendredi après-midi, son père avait pu obtenir un rendez-vous à la clinique privée de S.U.I pour lui faire passer une radio. Les résultats étaient arrivés peu de temps après. Un médecin avait refait un bandage propre avant de lui prescrire deux semaines d’arrêt pour l’EPSA.
— Autrement… reprit Valentina d’un air incertain en l’observant de biais, ça va un peu mieux question cours ? Je me rappelle que tu t’en voyais pas mal en début d’année.
Jeremy pinça légèrement les lèvres, les traits tirés par le week-end angoissant qu’il avait passé. Il appréciait Valentina pour sa spontanéité, mais ses questions commençaient à le lasser.
— Bof, j’ai toujours l’impression d’être une merde, avoua-t-il sans détour en tripotant sa gomme. Mon père m’a aidé à faire mes devoirs hier, mais ça suffira jamais pour rattraper tout mon retard.
Valentina perçut sans mal l’irritation croissante de son ami et retourna à la contemplation de sa trousse. Pour une fois qu’elle pouvait parler seule-à-seul avec lui, Jim était de mauvais caractère. À vrai dire, il était rarement rayonnant, mais son humeur sombre était palpable aujourd’hui. À la fois déçue et soulagée, Valentina se demanda brièvement pourquoi il avait fallu que ça tombe sur lui.
— Ton père ? réalisa-t-elle après coup. Je croyais que tu pouvais pas te l’encadrer.
— J’ai jamais dit le contraire, rétorqua Jim avec un rictus narquois. Mais ça m’a bien arrangé de dormir chez lui ce week-end et qu’il m’aide pour mes devoirs.
— À cause de Ryu, comprit Valentina en jetant un coup d’œil furtif à l’intéressé, assis à côté de Mia. Eh, je suis pas folle concernant ma coloc’ et le tien ? Ils craquent carrément l’un pour l’autre, non ?
Alors que Tina rougissait subtilement à cause de son propre pincement au cœur, Jim blêmit en empoignant sa trousse. Il n’osait pas regarder par-dessus son épaule. Dans le brouhaha de l’avant-cours, il distinguait sans mal l’intonation claire de son ami. La façon dont sa voix se modulait tantôt avec encouragement tantôt avec application tandis qu’il expliquait quelque chose à autrui.
— Jim ?
L’interpellé s’extirpa difficilement du souvenir d’une salle d’auscultation et de lèvres fantômes, interdites, sur les siennes. Valentina le fixait d’un air soucieux, sa bouche pliée par le désarroi. Ses iris à la couleur indescriptible s’étaient assombris.
— Ça va ? T’es devenu tout blanc.
Jeremy s’efforça à sourire. Tina eut un mouvement de recul face à la grimace qui tordit le visage de son voisin. Définitivement, il y avait un tas de choses qu’elle ne comprenait pas à son propos. Comme cette manie de prétendre que tout allait bien alors que, visiblement, c’était loin d’être le cas. Sans compter que Jeremy n’était pas très doué pour masquer ses sentiments.
— C’est rien, murmura-t-il en baissant la tête. J’ai juste repensé à un truc. Mais… mais t’as peut-être raison. Pour Mia. Et… et Ryu.
Face aux hésitations manifestes de son ami, Valentina ne sut choisir entre rire et lui serrer le bras. Pourquoi semblait-il si gêné d’évoquer une possible relation entre leurs partenaires respectifs ? Lorsqu’une réponse lui sauta à la tête, la jeune fille déglutit péniblement.
— Tu… t’es intéressé par Mia ?
La question de son amie plongea Jim dans un profond silence. Puis, alors qu’il n’aurait pas cru possible d’en émettre un avant d’avoir retrouvé sa famille, Jeremy lâcha un brusque éclat de rire. Soulagé, il se passa une main sur le visage puis secoua la tête en observant sa voisine.
— Mia est sympa, mais… non, je m’en fous. Pas d’elle, hein ! Je veux dire… de tout ça, de sortir avec des filles. (Jim souffla ce qu’il savait être la stricte vérité :) Ça me passe complètement au-dessus de la tête. Ma priorité, c’est de revoir ma sœur et ma mère.
— Je comprends, chuchota en retour Valentina du même ton sincère, pourtant éraillé.
Au moins, elle pouvait rayer un élément de sa liste personnelle des questions en suspens. Jeremy n’avait pas la moindre attention de s’intéresser à son cas – ni à celui de qui que ce soit d’autre. Elle s’en sentait étrangement soulagée malgré la pointe de déception au fond de sa tête.
À l’intercours, Jeremy jeta un bref coup d’œil à l’écran de son téléphone. Maintenant qu’il avait ajouté quelques contacts, il espérait recevoir un message de temps à autre. Mais son père et Mike devaient travailler sur l’opération de sauvetage de sa mère et sa sœur, Alex était toujours aussi silencieux et Dimitri ne se souciait pas spécialement de lui. Le cœur serré, l’adolescent consulta ses notes, où il avait inscrit le numéro d’Edward Sybaris. Il n’avait pas encore eu l’opportunité de composer les chiffres. Non seulement il était incertain des mots qu’il allait employer, mais son père ne l’aurait jamais laissé appeler. Ethan avait hébergé son fils le temps du week-end et l’avait veillé d’assez près pour qu’il n’ait pu saisir une occasion de passer un coup de fil.
En réalité, Jim avait été bien assez accaparé par l’appartement d’Ethan et par Ethan lui-même pour penser à son oncle. Ses parents habitaient ce logement lorsqu’il était né, mais Jeremy ne conservait des souvenirs que de la maison qui avait brûlée. Il n’était pas resté assez longtemps dans l’appartement pour que les murs de son ancienne chambre réveillent quelque chose en lui. Il y avait pourtant trouvé de vieux jouets à moitié roussis et quelques photos miraculeusement sauves. Ethan avait affiché une mine tristement sombre en découvrant son fils assis sur le lit de la chambre d’amis – l’ancienne chambre de Jim – un cliché corné entre les doigts. Ils n’avaient pas pu sauver grand-chose de l’incendie et les rares photos provenaient en partie des proches qui avaient accepté de leur en redonner. Bien plus ému qu’il ne l’avait laissé paraître, Jim avait observé et détaillé la dizaine de clichés que son père lui avait apportée. Ses parents ensemble, plus jeunes, complices, Thalia et lui maladroitement enlacés, des amis qui les prenaient dans leurs bras, des photos du jardin avec leurs jouets d’enfant éparpillés, de la famille au complet… Même s’il avait été soulagé de découvrir des preuves de sa vie d’avant, Jeremy s’était aussi senti dépouillé. À présent, qu’avait-il ? Une mère et une sœur disparues, un père resurgi du passé et un ami qui n’était peut-être plus un ami. Il était resté morose une bonne partie de la journée et seules les frites maison que son père avait préparées le soir lui avaient redonné le moral.
Jim avait dû reconnaître que son père était devenu un vrai cordon bleu. Ethan lui avait soufflé, avec un mélange d’amusement et de dépit, que sa vie de célibataire l’avait aidé dans cette voie. Jeremy n’avait pas osé l’interroger sur ce dernier point. Il avait conscience que son père était encore assez jeune pour fonder une famille, qu’il avait un charme indéniable et un caractère plutôt facile. Il avait aussi conscience qu’Ethan avait l’air d’avoir subi quelques épreuves difficiles qui avaient érodé son envie de trouver un nouveau foyer. À défaut d’une nouvelle vie, l’homme avait réemménagé dans son ancien appartement et y avait reconstruit ses repères au fil des années. Le mobilier n’était pas du dernier cri, la décoration beaucoup moins chaleureuse et personnelle que chez Maria et un drôle de silence planait dans le trois-pièces, mais Jim n’avait pas eu trop de mal à se faire à ce nouvel environnement. Peut-être l’odeur des affaires de son père, redevenue familière, et les photos de leur famille avaient-elles aidé.
Même si le week-end avait été une partition de silences embarrassés, de non-dits étouffés et de sourires crispés, père et fils étaient parvenus à échanger quelques instants de complicité. Ils avaient ri des plats souvent ratés de Maria, maugréé à propos de l’humour piquant de Michael, échangé autour du rock, un genre musical qu’ils appréciaient tous les deux, débattu de l’opération concernant Thalia et sa mère et discuté à propos de l’École. Jim était parvenu, à force de soupirs, bredouillements et grognements, à reconnaître qu’il était prêt à faire plus d’efforts concernant les cours à quelques conditions. La première étant qu’il retrouve sa famille, la seconde qu’on lui permette de rattraper son retard scolaire afin d’être plus à l’aise. Ethan avait été soulagé de constater que son fils ne faisait pas complètement preuve de mauvaise volonté. Il avait aussi été décontenancé par les poids qu’il se trimballait par rapport à ses camarades. Retard scolaire, certes, mais aussi un cruel manque de confiance en lui, un dénigrement constant, venu de l’intérieur ou de l’extérieur à cause de certains Réguliers. Jeremy lui avait tout avoué, peut-être parce que le tout débordait et ne pouvait plus être contenu. Dépassé par les maux qui alourdissaient Jim un peu plus chaque jour, son père n’avait su trouver de réponse immédiate. Il n’était pas du genre à souffler des promesses idiotes ou à se lancer dans de grands discours. D’un air soucieux, il avait préféré observer le visage à la fois fermé et ouvert de son fils, espérant y déceler des indices sur ce que Jim attendait de lui. Même s’il n’avait pas trouvé grand-chose – ils étaient aussi éperdus l’un que l’autre – Ethan s’était senti utile et légitime pour la première fois depuis… depuis un moment.
Quant à Jim, même s’il avait encore du mal à être à l’aise en présence de l’homme, il se sentait capable de s’ouvrir un peu plus, d’avouer un peu mieux ce qui le taraudait et d’écouter ce qu’on lui disait. Même s’il avait été furieux d’apprendre aussi tard tout ce que son entourage lui avait caché pendant des années, Jim n’oubliait pas que c’était son père lui-même qui lui en avait révélé beaucoup. Il pressentait qu’Ethan était aussi mortifié que lui à propos de certains secrets dans lesquels avait grandi Jeremy et cette maladroite complicité les avait amenés à se confier plus sereinement.
Mais Jeremy ne se leurrait pas : c’était en partie une mascarade. Si tout se passait comme il le prévoyait, il n’aurait plus à se soucier de son père pour un moment.
Ryusuke n’avait pas croisé le regard de son ami de la journée. Ses pupilles vives et farouches lui manquaient déjà, tout comme sa voix aux intonations ondulantes et son caractère acéré. Mia avait presque réussi à lui faire oublier l’indifférence glaçante de son compagnon. La jeune fille lui avait parlé des cours, de sa famille, avait entamé un débat sur l’écologie avant de revenir à des sujets plus anodins en constatant l’humeur abattue de son camarade. Si Ryu avait répondu à chaque interrogation, relancé chaque affirmation, le cœur n’y était pas. Son cœur était encore vers Jeremy, vers une infinité de questions sans réponses, vers un trou noir d’émotions incomprises.
Ryu lui avait jeté quelques coups d’œil discrets, persuadé que Jim le massacrerait du regard s’il avait le malheur de croiser le sien. Si son besoin d’être rassuré le poussait à chercher le contact, la raison de Ryu lui interdisait de l’approcher. Et toute son âme hurlait de douleur à le voir si distant, tant bien physiquement que mentalement. Même si Ryusuke n’était pas assis à côté de Jim, il avait deviné que les pensées de son ami étaient loin, loin de la salle de classe. Songeait-il à sa mère, à sa sœur ? À son parrain, à son père ? Ou à Ryu ? À ce qui s’était passé – ou pas passé ?
L’esprit entassé par un tas d’interrogations sans réponse, Ryusuke fut incapable de se concentrer pendant les trois heures de cours qui s’étaient succédées. Lorsque la sonnerie libéra enfin leur classe, l’adolescent suivit Mia et sa partenaire avec autant de volonté qu’un fantôme enchaîné. Les yeux dans le vague, il remarqua au dernier moment que Jim approchait de la porte en même temps que lui. Leurs épaules se frôlèrent, mais ni l’autre ni l’autre ne se risqua à tourner la tête. Ils prirent deux directions opposées après avoir franchi le seuil et s’éloignèrent promptement. Ryu s’arrêta pourtant au bout de quelques mètres, étouffé par la distance qui s’accumulait. Il ne pouvait pas continuer comme ça. Ils ne pouvaient pas. Quitte à se faire plus de mal, ils devaient discuter.
— Jerem…
La voix de Ryusuke se dissipa au milieu du brouhaha, des exclamations et des rires. Il ne voyait déjà plus son ami dans le couloir envahi d’adolescents. Le cœur au bord des lèvres, il se résolut à faire demi-tour et retrouva Valentina et son amie quelques mètres plus loin. Les filles le couvèrent d’un regard inquiet, auquel Ryusuke répondit par un petit sourire.
Le même sourire qui avait dissimulé la mort de son oncle.
Les toilettes ne semblaient pas idéales pour contacter l’homme qui détenait sa mère et sa sœur, mais Jim ne pouvait se résoudre à retourner dans sa chambre. Il y croiserait Ryu et…
C’est mort ! lui asséna son esprit avec fermeté tandis qu’il s’asseyait sur la cuvette fermée et extirpait son portable de sa poche.
Son cœur battait si fort que ses mains en tremblaient. Il parvint tout de même à composer le numéro, les discussions lointaines des élèves dans le couloir en fond sonore. Enclencher l’appel envoya une nouvelle dose de venin angoissé dans son corps. La bouche sèche, Jim écouta la tonalité qui se mettait en place. Une onde glacée lui parcourut la poitrine tandis que la sonnerie se répétait en boucle. Le souffle coupé par la panique qui escaladait ses os un par un, Jeremy resta une seconde pétrifié lorsqu’une voix d’homme retentit enfin :
— Allô ?
La respiration de l’adolescent se débloqua quand l’adrénaline se mit à fuser dans ses veines. Mêmes leurs voix se ressemblaient.
— Vous êtes bien Edward Sybaris ? souffla Jim d’un ton qu’il voulut le plus clair possible.
— C’est bien moi. À qui ai-je l’honneur ?
Similaires, mais… pas complètement les mêmes. Le timbre de son père, bien que mélancolique, était moins dur et moqueur.
— Jeremy Wayne, répondit celui-ci d’un ton ferme malgré la trouille qui lui mordait les tripes. J’aimerais passer un marché avec vous.
Il y eut un silence de quelques secondes. Puis un souffle amusé. Enfin, Edward Sybaris l’invita à préciser la nature de sa demande.
— J’ai vu le message que vous avez envoyé, expliqua-t-il en agrippant son portable comme pour se donner contenance. Vous voulez échanger ma mère et Thalia contre moi, hein ?
— C’est exact, répondit son oncle avec un amusement non masqué dans la voix. Pour être honnête, je ne pensais pas que ce serait toi qui m’appellerais. J’attendais un appel de ton père.
Un mélange de colère, de peine et de résignation gagna la poitrine de l’adolescent. Il s’affaissa sur la cuvette, pris d’un millier de doutes, mais les mots franchirent quand même ses lèvres :
— Mon père acceptera jamais votre marché. Il veut récupérer ma mère et Thalia sans m’échanger. (Après avoir dégluti péniblement, Jim marmonna d’un ton étouffé, douloureux :) Je sais que c’est impossible.
Il entendit vaguement Edward soupirer dans le micro. Puis d’une voix étonnamment calme, presque sereine, l’homme reprit la discussion.
— Tu es sûrement plus lucide et réaliste qu’Ethan sur ce point. Je suis plutôt curieux de savoir d’où te vient cette résignation.
Jim ne répondit pas, l’esprit comme le corps bien trop engourdis et concentrés sur les paroles de l’homme.
— Enfin, peu importe. Je vais quand même organiser l’échange selon mes propres directives, pour être certain que tu ne me tends pas un piège dont tu serais l’appât.
— C’est pas un piège ! s’exclama Jeremy d’un air révolté. Je veux vraiment…. sauver ma mère et ma sœur.
— Peu importe ce que tu veux, le rabroua sèchement Edward. Je te rappelle ce soir pour te donner plus d’informations sur l’échange. Je pense qu’on procédera de manière à ne pas s’exposer mutuellement.
Jim sentait la panique revenir au grand galop. Il ne comprenait pas grand-chose au jargon technique de son oncle. Il était même persuadé qu’Edward ferait tout pour l’entuber.
— Comment je fais pour savoir que vous mentez pas ? grommela Jim d’une voix nerveuse. Comme je peux être sûr que vous allez laisser ma mère et ma sœur repartir sans problème ?
L’homme rit doucement, comme si l’adolescent lui avait posé une question idiote à laquelle il savait lui-même répondre. Jeremy resta muet, irrité par le dédain silencieux d’Edward. Il soupira en constatant que Jim ne céderait pas sur ce dernier point.
— OK, tu as besoin d’être rassuré, je comprends. On va procéder ainsi : tu as le droit de prévenir une personne de confiance qui te rejoindra à Modros le jour où on fera l’échange. Il faudra évidemment qu’elle ne soit pas au courant de l’opération, mais elle sera là pour accueillir Maria et Thalia quand elles arriveront.
— Elles arriveront comment ?
— En train. Je vais me débrouiller pour trouver des horaires qui coïncident. Au moment où Thalia et ta mère débarqueront à la gare, tu monteras dans le train en compagnie de l’un de mes agents. La personne que tu auras choisie pourra repartir tranquillement avec ta famille tandis que tu nous rejoindras.
Crispé, l’adolescent ne répondit pas tout de suite. La procédure lui semblait plutôt correcte. Encore fallait-il qu’il se débrouille pour garder tout cela secret et pour trouver une « personne de confiance ».
Il restait toutefois une interrogation d’envergure à laquelle Jim n’avait pas la moindre piste d’explication. La gorge nouée, il la souffla à la seule personne qui en avait la réponse :
— Pourquoi vous voulez que je vienne avec vous ? Qu’est-ce que vous attendez de moi ?
Un nouveau rire discret, à la limite de la moquerie, lui picota les oreilles.
— Ça, mon garçon, tu ne le sauras que lorsque tu seras à mes côtés.
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