- Chapitre 51 -
Dimanche 7 mars 2021, Down-Town, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.
Thalia essuya du doigt la goutte de chocolat fondu qui était tombée sur la table. Son cahier n’était pas passé loin de l’attaque cacaotée.
— Désolé, souffla Ethan en éloignant des affaires de classe le saladier rempli de pâte à gâteau. Tu as besoin d’aide pour tes leçons ?
— Non, ça va, répondit-elle du tac au tac sans regarder son père.
Ethan perdit son léger sourire en déposant sa préparation sur un plan de travail. Il ne pouvait pas espérer échanger naturellement avec sa fille alors qu’ils ne se fréquentaient que depuis quatre mois. Parfois, il oubliait qu’il était un inconnu aux yeux de Thalia. Il se laissait porter par son rire qui ricochait entre les murs de l’appartement. Il se perdait dans les étincelles de ses pupilles curieuses, oubliant les années qu’il avait perdues sans pouvoir les contempler. Il souriait devant sa moue concentrée lorsqu’elle planchait sur ses devoirs ou réfléchissait aux énigmes de ses livres policier pour enfants. Il plongeait à cœur perdu dans le mensonge doucereux de la connaître depuis toujours.
— Tu veux verser la pâte dans le moule ? proposa Ethan à sa fille en se tournant vers elle.
La fillette l’observa quelques secondes sous sa frange brune puis acquiesça. Elle semblait toujours réfléchir avant d’agir lorsqu’ils étaient ensemble. Comme si les questions et les propositions d’Ethan recelaient quelque piège à déjouer.
— Maman a dit qu’elle venait me chercher à dix-huit heures, rappela-t-elle à son père en râclant consciencieusement le saladier de ses dernières traces de pâte.
— Je croyais que tu restais pour le dîner ?
Thalia haussa les épaules en enfournant la cuillère pleine de préparation dans sa bouche. Elle ne se préoccupait des arrangements de ses parents. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle passait un week-end sur deux avec son père.
— Ce sera prêt quand ?
— Dans vingt minutes, répondit Ethan en glissant le moule dans le four. Le gâteau sera peut-être pas aussi bon que celui de maman. Ça et les spaghettis, c’est vraiment sa spécialité.
— Pas grave, le rassura Thalia avec une esquisse de sourire.
Elle était retournée s’asseoir quand la sonnette retentit dans le salon-cuisine. Sourcils froncés, Ethan se dirigea vers l’entrée en lançant à sa fille :
— Tu es sûre que maman a dit dix-huit heures ?
Certaine de l’horaire que Maria lui avait donné deux jours plus tôt, Thalia ne répondit rien. Elle garda les yeux rivés à la portée d’entrée, même si le dos de son père lui cachait la majeure partie de ce qu’il y avait à voir.
Ethan resta un instant pétrifié face à la silhouette plantée devant lui. L’homme, la soixantaine bien entamée, lui adressa un mince sourire désolé avant de souffler de sa voix calme :
— Bonjour, Ethan. Désolé de passer à l’improviste. J’aurais dû te prévenir de ma venue. (Ellis Hunt haussa mollement les épaules.) Mais j’avais trop peur de me défiler. Je me suis dit qu’en ne disant rien, j’aurais encore la chance de faire demi-tour une fois devant ta porte. Mais me voilà.
Le visage d’Ethan retrouva ses fonctions musculaires. Il ferma brièvement les yeux, troublé, puis les rouvrit. L’homme en face de lui avait les mêmes iris ambrés à l’éclat songeur.
— Papa, soupira Ethan en se passant une main dans les cheveux. Reste pas planté là.
Ellis esquissa un sourire soulagé en s’engouffrant dans l’appartement. Il avait craint que son fils le repousse après un an sans se donner de nouvelles. Observateur, Ellis nota les quelques différences qui s’étaient opérées dans la décoration depuis son dernier passage. Il y avait plus de tableaux, de photos, de bibelots. Plus de personnalité, de vie.
Un soulagement mêlé de plaisir et de culpabilité l’envahit.
— Papa, reprit Ethan en s’approchant de la table de la cuisine. Euh…
Thalia contemplait son grand-père la bouche entrouverte. Il avait la silhouette élancée d’Ethan, quoique tassée par les années. Ses cheveux autrefois blonds avaient viré au gris, mais ses sourcils étaient restés dorés. Les pommettes hautes qui marquaient son visage pensif étaient en partie cachées par les montures de ses lunettes.
— Bonjour, souffla-t-il en dénouant l’écharpe bleu marine autour de son cou. Thalia ? Comme tu ressembles à ta maman.
La fillette perdit son masque suspicieux pour sourire franchement. Il n’y avait que les proches de sa famille pour savoir auquel de ses deux parents elle ressemblait le plus.
— La dernière fois que je t’ai vue, embraya Ellis en la couvant d’un regard stupéfait, tu avais que quelques mois. Tu dois avoir… neuf ans, bientôt dix, c’est bien ça ?
— Dans deux mois, j’ai dix ans, confirma la fillette d’une voix gonflée par la fierté que lui inspirait d’entrer dans sa deuxième décennie.
Ethan était agréablement étonné de la facilité avec laquelle l’homme avait amorcé la discussion avec la fillette. Il n’avait jamais été un père particulièrement doué avec Edward et lui – il fallait dire qu’en apprenant leur existence quinze ans après leur naissance, il y avait eu de quoi être dérouté.
— Eh bien, murmura Ellis en tendant la main à sa petite-fille, je suis ravi de faire ta connaissance, Thalia.
Intimidée par la formalité du geste, elle ne se laissa pourtant pas démonter et serra de ses petits doigts la paume calleuse de son grand-père.
— Ça sent bon, fit remarquer Ellis en parcourant la cuisine à la recherche de l’origine des effluves chaudes qui embaumaient la pièce.
— On a fait un gâteau, expliqua Ethan en se laissant tomber sur une chaise. Tu restes pour le goûter ? Ça… ça me ferait plaisir. Et tu pourrais discuter avec Thalia.
Ellis accepta avec un sourire franc. Lui qui habitait bien au nord, dans l’Oregon, il s’était rendu à Modros avec l’espoir que son fils accepterait de le recevoir quelques heures. Il avait aussi prévu de boire un coup avec d’anciens collègues, mais Ethan avait été sa priorité dès le début.
Le gâteau au chocolat était bien entamé. Thalia avait des miettes collées jusque dans les cheveux. Ellis les enlevait une par une en s’esclaffant.
— Tu sais ce que tu aimerais faire, plus tard ? souffla-t-il à sa petite fille entre deux bouchées de cake.
Le regard de Thalia se fit plus sérieux. Ellis resta un instant décontenancé devant son air grave. Ses propres fils avaient-ils eu ces plis amers, trop adultes sur leurs traits juvéniles, des décennies plus tôt ?
— Je veux devenir médecin, affirma-t-elle en rassemblant à l’aide de sa cuillère quelques miettes dans son assiette. Quand on était petit, Jemmy est resté super longtemps à l’hôpital. Il est triste et énervé quand on en parle. Je veux devenir médecin pour que plus personne soit triste. Je veux aider les gens.
Muet de stupeur, de bonheur, Ellis la contempla avec admiration.
— J’étais médecin, moi aussi, révéla-t-il alors à sa petite-fille avec un sourire complice.
Les yeux de la fillette manquèrent sortir de leurs orbites alors qu’elle se penchait promptement au-dessus de la table. Émerveillée, elle dévisagea son grand-père sans oser reprendre la parole.
— J’étais psychiatre, précisa Ellis en posant son menton sur sa main. Tu sais, la médecin de l’esprit ? J’ai travaillé pour la A.A, la Ghost Society puis j’ai préféré m’éloigner de ces sociétés. J’ai terminé ma carrière à l’hôpital.
Thalia ne savait même pas quoi dire. Son cœur se ruait contre ses côtes, ses joues avaient rosi sous la montée d’excitation. Alors elle se mit à inonder son grand-père de questions : son parcours, ses études, son intérêt pour la médecine, les patients qu’il avait aidés.
Ethan s’éclipsa discrètement pendant leur conversation. Il était évidemment ravi que son père et sa fille parviennent à échanger si spontanément. En même temps… cet instant familial lui rappelait trop cruellement l’absence de Maria et de leur fils. Ils auraient dû fêter les quatorze ans de Jeremy quatre jours plus tôt. À la place, Ethan s’était terré toute la journée près de la machine à café de la A.A, ingurgitant des tasses et des tasses de la boisson amère qu’il n’avait jamais appréciée. Il avait espéré que le café lui embrouille les émotions, qu’elle lui éclaircisse l’esprit de pensées logiques. Elle n’avait fait que le rendre nerveux et malade pendant des heures.
Ethan était avachi sur le bord de son lit, contemplant la ville par la large fenêtre qui occupait un pan de mur. Autrefois, Maria et lui se pressaient en hiver contre la vitre pour y tracer des dessins immatures dans la buée de leur souffle mêlé. Il observait alors le reflet de la femme, ses yeux vifs et rieurs, son sourire à fossettes. Autrefois, ils étaient si jeunes. Amoureux.
— Ethan ?
Tiré de ses souvenirs doux-amers, il frotta son visage en reniflant avec exaspération. Il se sentait souvent mélancolique lors des périodes d’anniversaires et de fêtes. Il les avait trop souvent passées seul pour s’en empêcher.
Constatant son expression fermée, lointaine, Ellis poussa la porte pour leur offrir un peu d’intimité et rejoignit son fils sur son lit. Même après tant d’années, il se sentait gauche en sa présence. Il aurait soixante-dix ans l’année prochaine, mais Ethan restait une énigme entière à ses yeux. Peut-être la dernière au monde qu’il avait encore envie de résoudre.
— Je suis désolé pour Jeremy, chuchota-t-il dans le silence maussade de la pièce. Thalia m’a expliqué. Edward… Pourquoi Edward t’a-t-il fait ça ? Alexia t’a fait suffisamment souffrir pour que ton frère s’y mette aussi.
— J’aimerais savoir, papa, grinça Ethan en agrippant sa couette dans son poing pour ne pas frapper les murs de rage désespérée. Je pense pas qu’Edward ait fait venir Jeremy à lui par pure volonté de cruauté. Il avait Maria et Thalia sous le bras, il aurait pu me faire souffrir avec elles.
Consterné par les manigances qui agitaient encore les Sybaris, Ellis pinça les lèvres.
— Quand Edward a rejoint votre mère, il y a des années… Je… j’aurais dû venir. Essayer de le convaincre de renoncer, moi aussi.
— Arrête, lui intima doucement Ethan en secouant la tête. Si Ed ne m’a pas écouté moi, son jumeau, personne ne pouvait lui faire entendre raison. Il était tellement… désespéré de se faire aimer, accepter, que… qu’il a préféré le pardon pitoyable et factice de notre mère que les possibilités que la A.A pouvait lui offrir.
— Je suis quand même désolé, insista Ellis en posant maladroitement une main sur l’épaule de son fils. J’ai été absent pour Edward, quand il avait besoin de repères et d’une famille. Et j’ai été absent pour toi aussi, Ethan.
Rictus blessé aux lèvres, Ethan se leva et se colla contre la fenêtre, les yeux baissés sur la ville.
— Ça sert à rien de ressasser. Je suis hypocrite en disant ça, mais… je sais que ça sert à rien. (Il pressa le front contre la fenêtre froide, la poitrine tout aussi gelée.) Je sais que ça sert à rien et je devrais pas dire ça, mais… j’aurais aimé lui dire. J’aurais dû lui dire. J’ai pas eu le temps – ou le courage.
Étonné, Ellis se redressa pour rejoindre son fils devant la fenêtre. Le reflet d’Ethan dans la vitre était plongé dans l’ombre.
— De quoi tu parles ?
— De Jem, murmura Ethan en redressant le cou pour observer avec rancœur les familles qui se baladaient dans le square en contrebas. J’aurais dû lui dire que je l’aime, qu’il compte pour moi. Ça fait huit ans, presque neuf, que j’aurais dû. Et je l’ai pas fait.
Ellis resta un moment silencieux. Lui aussi aurait dû. Lui avait-il déjà dit, d’ailleurs ?
— Il le sait, finit-il par déclarer en agrippant doucement le bras de son fils. Jeremy sait que tu l’aimes.
— Non, il ne sait pas, répliqua brusquement Ethan en jetant un regard étincelant de douleur et de regrets à son père. Comment peut-il savoir après huit ans passés loin de moi ?
Comment puis-je savoir ? ajouta-t-il mentalement en dévisageant Ellis, éperdu.
— Je suis désolé, répéta son père en laissant retomber son bras.
Le silence les enveloppa tous deux d’un linceul de remords et de honte.
Le Dr Adams ouvrit l’unique fenêtre de son cabinet d’auscultation et s’y pencha. Il allait bientôt faire nuit. Son dernier rendez-vous de la journée pouvait bien attendre qu’il termine sa pause cigarette. Épuisé, William frotta ses joues mal rasées, inspira de nouvelles bouffées de nicotine puis écrasa son mégot dans le cendrier posé au bord de la fenêtre. C’était seulement le début de la semaine et il se sentait déjà las.
Une femme à l’air endormi patientait seule dans la salle d’attente. Ses cheveux châtain indisciplinés étaient maladroitement retenus par une pince. Même la tête baissée, Will la reconnut sans mal. Le goût de fumée dans sa bouche vira à la cendre.
— Maria.
Son visage s’était émacié et ses yeux enfoncés. Le dessin de ses lèvres était tordu par un pli las.
— Désolé pour l’attente, murmura Will en l’invitant à se lever. Si j’avais su…
Il laissa sa phrase en suspens, mais Maria lui fit comprendre d’un petit hochement de tête qu’elle avait saisi l’attention.
— Tu as attrapé la cochonnerie qui traîne dans l’air en ce moment ? s’enquit-il après avoir fermé la porte.
— Non. C’est juste pour une visite de contrôle.
William acquiesça tandis que sa patiente s’installait en face de son bureau.
— Tu fumes toujours.
C’était une affirmation. Gêné, William s’éclaircit la gorge en cherchant le dossier dématérialisé de la femme dans sa base de données. Il ouvrait les fenêtres pour fumer et aspergeait son cabinet de désodorisant, mais ça ne suffisait pas à masquer complètement l’odeur de tabac.
— Oui, le comble du médecin, tu connais la suite.
— Eh oui.
Un drôle de silence s’installa. Will faisait fréquemment des aller-retour entre l’écran de son ordinateur et le visage tiré de Maria.
— Ta mère m’a dit pour Jeremy.
Les épaules de la femme se tendirent sous son manteau. Une ombre vint s’ajouter à celles qui polluaient déjà l’éclat de ses yeux.
— Vous êtes si proches ?
— On se croise à la clinique de S.U.I de temps à autre, expliqua Will en haussant les épaules. Je la traite pour son asthme chronique. On discute pendant les rendez-vous.
— Vous discutez, répéta Maria avec un sourire torve. Ma mère doit plus parler avec toi qu’avec sa propre fille.
L’air sombre, Will l’observa un moment de ses yeux bleu foncé avant de soupirer.
— Tu es en froid avec ta mère depuis des années, j’y suis pour rien.
— Je sais, Will, marmonna Maria en dénouant son écharpe pour la déposer sur ses genoux.
Il scruta brièvement le creux de sa gorge avant de se redresser.
— Tu peux aller t’asseoir sur le lit.
— Je me déshabille ?
— Juste les chaussures et ton manteau.
Sans un mot, Maria s’exécuta, le regard toujours loin. Elle ne remarqua pas l’insistance avec laquelle William l’observait. Elle ne l’avait jamais vraiment remarqué – ou avait fait mine de rien.
— J’espère que vous trouverez un moyen de sauver ton fils, murmura-t-il d’un ton pensif en triant ses outils.
Elle ne répondit rien, la mâchoire tremblante. L’angoisse quotidienne avait sérieusement érodé ses réserves mentales et fracassé ses habitudes. Ses nuits ne la reposant plus, elle avait dû arrêter son travail de fleuriste et passait des heures à pleurer dans les bras de Mike. Elle ne voulait plus s’appuyer tant sur son ami. Mais sans l’argent de son job, impossible de payer un loyer.
— Tends le bras, lui intima Will d’une voix posée en approchant du lit.
Maria cligna des yeux, les ferma puis obéit. Elle sentit l’odeur de tabac froid imprégnée à la blouse de Will et grimaça. Même si ce n’était pas le même effluve, la moindre senteur de fumée lui tirait un rictus de dégoût. La fumée lui rappelait le feu. Et le feu avait brûlé sa vie des années auparavant.
— Comment va Thalia ? s’enquit le médecin en enroulant un tensiomètre autour de son bras.
— C’est difficile pour elle, chuchota la femme en rouvrant les paupières. C’est déjà dur pour nous, alors pour une enfant… Je m’en veux tellement. De pas pouvoir lui offrir un environnement stable et sain. Un quotidien sans mauvaises surprises. De lui mentir si souvent.
Une moue sincèrement peinée gagna les traits de Will. Médecin traitant des Wayne depuis toujours, il avait vu grandir les enfants et les avait soignés en de multiples occasions. Il officiait à son propre cabinet à domicile la moitié du temps et Maria avait pu compter sur lui après l’incendie, quand il lui était interdit d’approcher ses enfants de la A.A.
— Ta tension est basse, chuchota Will avec une grimace. Tu fais attention à tes carences en magnésium et en fer ? C’est un mauvais combo tout ça, tu risques un malaise.
Dépitée, Maria avoua à mi-voix qu’elle avait déjà eu de brutales chutes de tension qui l’avaient jetée à genoux à la sortie du lit ou du travail. William en prit note et lui assura de prolonger son arrêt de travail.
Quand Will eut apposé sa signature sur l’ordonnance, il conserva la feuille entre ses mains.
— Will ?
Gorge serrée, il releva les yeux vers Maria et la dévisagea. Elle avait vieilli, maigri. La jeune femme nerveuse et rieuse s’était évanouie avec les années. Tout comme lui. Comme eux tous.
— Maria, reprit-il d’une voix plus assurée, je sais que tu traverses une période très dure. Je suis que ton médecin, mais… j’aimerais t’aider, à mon échelle.
Son interlocutrice plissa les yeux, incertaine. Une mèche de cheveux tombait sur son front. Il se retint de la glisser derrière son oreille et ajouta :
— Est-ce que je peux t’inviter à boire un café ?
Un sourire désemparé amena un peu de lumière sur le visage de Maria. Elle lâcha un petit rire nerveux, chassa d’elle-même la mèche qui lui chatouillait le front puis croisa les jambes pour se donner contenance.
— Écoute, Will, je… je suis une loque. Je ne veux pas te décevoir, mais…
— Maria, c’est… c’est pas ça. Je veux simplement t’aider. Te prêter une oreille attentive si tu as besoin de parler. (Elle l’observa entre ses cils avec un air vulnérable qu’il ne lui connaissait pas.) Je sais que ce n’est absolument pas le moment pour flirter avec toi…
— En effet.
— … alors je voudrais simplement t’aérer la tête quelques heures. Juste un dîner pour discuter. Entre amis. Entre vieilles connaissances.
Elle le fixa pendant quelques secondes interminables. Le cœur de Will s’était mis à frapper ses côtes. On aurait dit un gamin le jour de son premier rencard.
— Alors, on passe d’un café à un dîner ? finit-elle par souffler d’une voix moqueuse, un sourire malicieux aux lèvres.
Soulagé, William ne put s’empêcher de rire. Il passa une main dans sa masse de cheveux noirs ébouriffés puis hocha la tête.
— Désolé, j’ai grillé une étape au fil de la discussion.
Les traits de la femme se détendirent un peu plus. Son corps cessa doucement de tendre à la méfiance pour adopter une posture plus décontractée.
— Va pour un café. (Elle lui adressa un sourire en coin.) Pour le dîner, faudra le mériter.
— Marché conclu.
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