Chapitre 37

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Je reste quelques instants sans bouger, pesant le pour et le contre, réfléchissant intensément à tout ça. Que va-t’on faire, une fois entrés dans la salle ? Que peut-on faire, plutôt ? Seok et Hana ont été pris en flagrant délit, mais on n’a pas le droit de les arrêter. Et, à en croire le comportement de Miya, les gens du Temple du Lotus sont alliés avec les dirigeants, donc on ne peut espérer aucune aide de ce côté-là.

- Entrons. Finissons-en au plus vite.

Je lance un regard à Hyujin puis opine du chef.

- D’accord.

Pourtant, je ne bouge pas et reste figée devant la porte, me demandant si je dois réellement ouvrir. Que se passerait-il si je ne le faisais pas ? Si nous ne dénonçons pas Seok et Hana ?

Hyujin me devance et fait coulisser la cloison, révélant ses parents assis par terre, face à un jeune homme, dont un masque noir pend autour de son cou.

Hana est la première à tourner la tête vers nous. Ébahie, elle nous fixe avec attention, avant de froncer les sourcils et de donner un coup de coude à Seok.

- Hyujin, Aria… lance-t’il, comme si tout allait bien. Que venez-vous faire ici ? J’ai entendu dire que le procès de… Kin – c’est ça ? – avait eu lieu.

- C’est Min, et tu le sais très bien, grince Hyujin.

- Depuis quand êtes-vous là, exactement ?! siffle Hana, les joues rouges.

- Depuis suffisamment longtemps pour savoir ce que vous manigancez, continue Hyujin.

Un sourire se dessine sur les lèvres de sa mère et elle hoche la tête.

- Oui, d’accord. Je ne vois pas ce que ça peut me faire, lance Hana. Nous faisons ce que nous voulons. C’est… c’est comme une guerre.

- Vous n’aviez pas le droit de tuer ma mère ! crié-je.

- Elle serait morte un jour, de toute manière. Si tu comprenais nos motivations, tu ne réagirais pas comme ça. Et, toi, Hyujin, je te signale que tu es mon fils. Tu es censé être de mon côté, me soutenir. Au lieu de ça, tu aides la fille de mes rivaux. Nous avons raté ton éducation, visiblement.

Seok se tourne vers sa femme avant d’acquiescer.

- Ne comprends-tu pas, Hyujin ? Une fois Aria et Seji morts, je t’aurai fait épouser une femme de la cité des Cerisiers pour t’emparer de leur territoire. Tu aurais eu un enfant avec elle qui aurait fait la même chose avec d’autres contrées.

- Je te permets de vivre une vie où tu serais riche, puissant, admiré, continue Hana.

Je fulmine intérieurement. Ces dirigeants m’énervent de plus en plus, et je cherche désespérément un moyen de les faire arrêter. Seulement, ça me semble sans issue.

- Mais je vois que tu as trouvé une solution plus… directe, observe Hana, les yeux rivés sur moi. Je n’y avais pas pensé. Au final, nous t’avons bien élevé. Tu es plus futé que ce que j’imaginais.

- Comment ça ? questionne-t’il.

- Si tu te mariais avec Aria, tu pourrais t’emparer du Temple des Cerisiers plus facilement. Et tu pourrais la tuer une fois que vous seriez époux.

Hana sourit à nouveau.

- C’est une très bonne idée, Hyujin, je te félicite, bien que le plan des fiançailles avec Hiro étaient semblables.

Elle marque une pause avant de froncer les sourcils.

- Tu ne sembles pas du même avis que moi… Ne me dis pas que tu t’es vraiment rapproché d’elle ?

Hyujin répond «si», et sa mère manque de s’étouffer.

- Tu as fait ça, sans aucune arrière pensée ? Je retire tout ce que j’ai dit. Tu sais quoi, on ferait peut-être bien de te déshériter, comme Seok le voulait. (Elle croise les bras sous sa poitrine et fait une moue dédaigneuse.) Je suis tellement déçue de toi.

Seok appelle Miya en criant, et la jeune femme arrive rapidement. Je suppose qu’elle était déjà près d’ici.

Son regard se pose sur Hyujin. Elle le fixe avec une lueur de tristesse, comme si elle s’en voulait de lui avoir menti alors qu’elle l’a élevé. Je suppose que Miya était au courant des actes de Seok et Hana, sinon elle ne nous aurait pas interdit de rentrer. À moins que ce soit les dirigeants qui lui aient demandé d’interdire l’accès aux personnes, sans révéler ce qu’ils faisaient dans la salle.

- Miya, conduis Hyujin et Aria hors du temple. Et préviens les gardes que je ne veux plus jamais revoir Hyujin ici.

- Mais, Seigneur Seok, c’est tout de même votre fils, dit-elle, sûrement en train de tenter de rattraper son comportement de tout à l’heure.

- Je m’en moque. Hana n’a que vingt-sept ans, elle est encore en mesure de me faire un autre enfant.

La dirigeante hoche la tête.

- Oui, un enfant moins décevant. Nous nous occuperons de l’élever nous-mêmes, au lieu d’engager une gouvernante inutile. On économisera de l’argent, et en plus, nous serons sûrs qu’il sera comme nous.

Miya se mord les lèvres.

- Seigneur Seok, Dame Hana, je suis sûre que l’on peut trouver une autre solution.

- Qui penses-tu être pour contester mon autorité ?! siffle Hana. Je ne veux plus jamais voir Hyujin ici, est-ce que c’est clair ?!

- Je ne peux pas faire ça.

- C’est bien ce que je disais, tu es inutile. Je vais demander à un garde de faire enfermer Hyujin et Aria.

- Pour quel motif, Dame Hana ? s’étonne Miya.

- Je ne sais pas… disons qu’ils sont fous. Ils nous accusent de complot contre le Temple des Cerisiers, continue-t’elle.

J’écarquille les yeux.

- Dame Hana, vous savez aussi bien que moi qu’ils disent la vérité.

- Je n’aurai jamais dû vous mettre dans la confidence, peste la dirigeante. De toute façon, vous ne pouvez rien faire pour nous arrêter.

- Dirigeants ou pas, vous devez vous faire condamner, lance Miya.

Elle se tourne vers Hyujin pour le regarder dans les yeux, mais il détourne le regard.

- Qui t’a permis autant d’insolence ? s’énerve Seok en se levant. Nous devrions t’enfermer, toi aussi.

Je reste sans bouger, perdue dans mes pensées. Il faut vraiment que je trouve un moyen de les faire arrêter, je n’ai plus beaucoup de temps. Miya semble revenir de notre côté, mais j’ai perdu le peu de confiance en elle que j’avais, donc je me méfie. Et Hyujin, est-ce qu’il peut faire quelque chose ?

- Je dois vous faire arrêter, assène Miya. C’est de votre faute, je suis désolée.

- Si nous nous faisons arrêter, toi aussi, crache Hana.

- Soit. Je vais chercher des gardes, alors ?

Seok s’avance vers elle, menaçant, ses yeux brillants de colère.

- Tu es vraiment prête à nous trahir ?

- Ce n’est pas une trahison, c’est la justice, répond-elle, la voix tremblante.

Je peux voir Hyujin lever les yeux au ciel. Dans un accès de rage, Seok se tourne vers lui.

- Tu devrais te ranger de notre côté. Ne te laisse pas influencer par ces idées absurdes.

- Je ne peux pas soutenir ce que vous faites, dit-il calmement.

- Tu es un traître, toi aussi. Un jour, tu regretteras tes choix. Je vais faire plus que te déshériter. Je vais envoyer les hommes te tuer, je vais…

- Vous allez trop loin, Seigneur Seok ! s’écrie Miya. Je vais chercher les gardes d’Aria.

Elle disparaît rapidement.

- Tu avais des gardes ? Donc tu avais déjà prévu de nous faire arrêter ? raille Hana en se tournant vers moi.

- Je… je ne savais pas, murmuré-je.

- Et tu crois que je vais te croire ? À cause de toi, le Temple du Lotus va s’effondrer ! Tu détruis ma vie, mes richesses… Et toi, Hyujin, tu as osé l’aider ! Tu as osé aider cette fille à rassembler des preuves contre nous, alors que nous sommes tes parents ! Je t’ai donné la vie, je t’ai offert une enfance parfaite, digne de l’héritier du Lotus ! Et tu gâches tout parce que j’ai essayé de prendre le contrôle de la ville de mes ennemis ! Tu te rends compte de ce que tu as fait, Hyujin ?! Tu t’en rends compte, oui ou non ?! Je te déteste ! Je te déteste depuis ta naissance ! Tu n’as jamais répondu à mes attentes ! Tu es raté, Hyujin ! Tu n’aurais jamais dû naître !

Hana crache ses mots avec colère et intensité. Si ça atteint Hyujin, il ne le montre pas. Il se contente de la fixer avec dédain.

Seok blanchit.

- Les gardes sont là, souffle-t’il à son épouse.

Je tourne la tête vers mes trois protecteurs, prêts à prendre les dirigeants et Miya. Cette dernière est blême, les yeux remplis de larmes.

- Ils ont tout entendu, Hana, on ne peut plus rien dire pour notre défense…

- Je n’en ai rien à faire ! Tout ça, c’est de la faute de Hyujin, et entièrement de la sienne ! Il ne mérite pas d’être l’héritier de ce temple ! Il ne mérite rien du tout ! Je le déteste, et tu devrais aussi, Seok !

- Dame Hana, Seigneur Seok, nous sommes contraints de vous emprisonner, lance un garde, essayant de couvrir la voix aiguë de la dirigeante.

Ils s’avancent tous les trois pour saisir les parents de Hyujin.

- Ça ne peut pas se finir comme ça, aussi facilement ! hurle Hana, en se débattant dans les bras des hommes. Je trouverai toujours un moyen d’avoir ce que je veux !

Je la fixe, le coeur lourd. Ses mots résonnent dans ma tête. Comment peut-on détester son enfant à ce point ? Je ressens tellement de peine pour Hyujin.

Les gardes luttent pour garder Hana et Seok.

- Laissez-nous partir ! s’écrie ce dernier. Vous ne savez pas à qui vous vous attaquez !

- Nous savons très bien à qui nous avons affaire, répond l’un des gardes, la voix ferme. Vos abus de pouvoir prennent fin ici.

Hana tourne la tête vers Hyujin et le fixe avec une lueur sauvage dans les yeux.

- Tu as ruiné tout ce que j’ai construit !

- Non, c’est toi qui l’a fait.

- Oh, Hyujin, je t’en prie, tais-toi ! s’énerve Seok. Tu n’es rien sans nous.

- Emprisonnez-les, ordonne l’un des gardes aux deux autres. Maintenant, nous avons des preuves de leurs crimes.

- Vous ne pouvez pas faire ça ! Je suis le seigneur de ce temple, continue le dirigeant.

- Plus pour longtemps, rétorque Miya.

- Tais-toi, toi aussi ! hurle Hana.

J’observe la scène en silence. Les dirigeants se font emmener vers la sortie du temple et arrêtent de crier une fois dans la rue, sûrement pour garder une once de dignité. Hyujin et moi suivons les gardes jusqu’au bâtiment où se trouvent les prisons.

D’autres hommes s’occupent d’enfermer dans des cellules séparées Seok et Hana, ainsi que Miya, qui se laisse faire.

- Il reste encore trois personnes vivantes dans notre groupe, crache Hana tandis qu’un homme referme sa prison.

- Nous les retrouverons rapidement, assure celui-ci.

- Vous n’avez plus personne pour diriger la cité, continue Seok.

- Vous avez un fils, lance un de mes gardes en désignant Hyujin. Et je suis sûr qu’il s’occupera de la cité du Lotus mieux que vous.

- Ça ne peut pas se finir comme ça, répète Hana.

- J’ai bien peur que si, rétorque Hyujin.

En y repensant, c’est vrai que nous avons trouvé les chefs plus rapidement que ce que je pensais. Mais tant mieux, ça m’évitera de chercher encore quelques semaines, voire quelques mois.

- Partons, me dit Hyujin en attrapant ma main.

- D’accord.

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