Chapitre 38

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Lorsque nous arrivons au Temple des Cerisiers, je cours rejoindre mon père pour le serrer dans mes bras. Tout n’est pas fini. Je dois désormais discuter plus clairement avec Hyujin de ce qu’il savait – en essayant de ne pas m’énerver – et lui doit passer au pouvoir. Une cérémonie est prévue au Temple du Lotus dans trois jours.

- Père… c’est fini, dis-je quand même. On les a retrouvés… Hana et Seok étaient bien derrière tout ça.

- Je suis fier de toi, Aria… Mais promets-moi de ne plus jamais te mettre en danger ainsi.

- Oui.

Il marque une pause puis me lance un regard plein de compassion.

- Hyujin était dans la manigance ?

Je soupire.

- Non. Je le crois, mais… il savait certaines choses. Je dois en discuter avec lui.

- D’accord. Tant mieux. Il arrivera à passer au pouvoir ?

- Oui, j’ai confiance en lui. Il ne devrait pas avoir trop de difficultés. Enfin… j’espère.

- Bon, très bien. Je te laisse le rejoindre, alors.

- Oui, merci, Père.

Il me sourit et sans un mot, me pousse vers la sortie du pavillon central.

* * *

Hyujin m’attend sous un cerisier, les yeux rivés vers le sol. Quand je m’approche, il relève la tête et me sourit faiblement.

- Il faut qu’on parle, lancé-je.

- Oui.

- Je veux que tu m’expliques tout. Tout ce que tu savais, tout ce que tu soupçonnais. Ne me mens pas, je veux connaître la vérité. N’omets pas de me dire des choses.

Il pousse un soupir et hésite avant d’opiner du chef.

- D’accord.

Pourtant, il ne dit rien. Il continue de regarder le sol comme si sa vie en dépendait.

- Au début… je pensais sincèrement que mes parents n’y étaient pour rien. Je les savais cruels, mais pas à ce point. Et le fait que le couteau était cher pouvait être un indice, tout comme ça pouvait être une fausse piste. Après tout, l’assassin aurait pu le voler. Quand nous sommes allés à la réunion avec Namki… j’ai cru reconnaître la voix de ma mère, mais j’étais persuadé qu’elle n’aurait jamais fait ça, mais j’ai préféré me méfier d’elle. À propos des rumeurs, comme quoi mes parents essayaient de s’emparer de ton temple… ça, je savais que c’était vrai. Mon père m’en avait parlé. Je suis désolé de t’avoir menti. Plus le temps passait, plus je soupçonnais mes parents, mais je ne voulais pas y croire, alors que tout me laissait penser que c’était eux. Je ne t’en ai pas parlé parce que je ne voulais pas te dire des choses fausses.

Je le regarde désormais dans les yeux. Je peux lire dans son regard de la douleur, des regrets mais aussi de la colère.

- En tout cas, je t’assure que je ne t’ai pas trahi et que je ne faisais pas parti de ce groupe.

- Là-dessus, je te crois.

Il mord sa lèvre inférieure.

- Et pour le reste ?

Je le dévisage, me demandant quoi lui répondre. J’observe attentivement le contour de son visage, ses cheveux, ses joues pâles, ses lèvres, ses yeux… Je me perds dans son regard sombre et reviens à la réalité lorsqu’il pose une main sur mon épaule.

- Aria ? Ça va ?

- Oui pardon… Je… je réfléchissais.

Je continue mes réflexions. Je ne vois pas pourquoi il me mentirait, et il a l’air sincère. Ou alors c’est juste une impression.

- C’est bon, je te crois. Je te fais confiance.

Peut-être un peu moins qu’avant, mais ça, je ne lui dis pas.

- On va dire que je te pardonne, tout simplement parce que c’est trop compliqué pour moi d’être en colère contre toi, continué-je.

Il hoche la tête et souffle :

- Merci.

Après quelques minutes de silence, je lui demande enfin :

- Et sinon… tu vas faire quoi, une fois dirigeant ?

- Je dois restaurer la cité du Lotus. Les habitants ne font plus d’enfant, et les personnes âgées meurent. Si on continue comme ça, il n’y aura plus de gens, un jour. Donc il faut que je m’occupe de ça aussi.

J’acquiesce silencieusement. Mon passage au pouvoir ne se fera que dans deux ans, alors la situation du Temple des Cerisiers aura le temps de changer, à moins que je me marie, ce qui ne me donne pas envie. J’imagine que je vais aider mon père à diriger en attendant, comme il m’avait demandé de le faire.

- Et toi, tu dois te marier ?

Hyujin tourne la tête vers moi et me sonde quelques instants.

- Normalement oui. C’est dans la loi. Mais je pourrais changer cette règle quand je serai dirigeant.

- Et tu feras comment, quand tu mourras, si tu n’as pas d’enfant ?

Il hausse les épaules.

- Je ne mourrai pas maintenant. J’ai toute la vie devant moi pour y réfléchir.

J’esquisse un léger sourire.

* * *

Les journées s’écoulent doucement. On reçoit la visite des autorités de la cité du Lotus, qui nous informent que les trois derniers criminels se sont fait arrêter. Ils nous préviennent que Seok s’est suicidé et que, suite à ça, Hana a tenté de s’échapper de prison. Elle a échoué et a changé de cellule. Désormais, elle se trouve dans une prison au sous-sol, enfermée par plusieurs portes blindées et sans aucune fenêtre.

Quant à Sunhee, il paraît qu’elle pleure tous les jours. Je donnerai tout pour la revoir au moins une dernière fois. Hyujin n’est visiblement pas du même avis que moi, car quand je demande si c’est possible de lui rendre visite, il lève les yeux au ciel.

Le garde hésite quelques instants.

- Demoiselle Aria, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. C’est une criminelle qui a essayé de vous tuer.

- Elle n’a jamais essayé de me tuer, riposté-je. Et c’est mon amie. Les visites sont-elles autorisées ?

- Oui, mais…

- Alors j’irai la voir.

Il me fixe, soucieux.

- Vous en êtes certaine ?

- Oui. J’irai lui rendre visite demain.

Le garde se tourne vers Hyujin.

- Et vous, Seigneur Hyujin, vous y irez ?

Il acquiesce.

- Oui. De toute façon, je dois retourner à la cité du Lotus.

- Bien, soupire le garde. Je préviendrai la prisonnière de votre visite.

- Merci, réponds-je.

Les autorités repartent, et je me dirige dans le pavillon sud pour retrouver mon père. Je m’approche de lui et jette un coup d’oeil à ce qu’il fait. Il lit des papiers et fait quelques calculs. Il s’occupe des impôts des habitants, constaté-je en voyant le nom de l’un d’eux, ainsi que la somme qu’il doit nous verser.

- Père, demain, je pars à la cité du Lotus.

Il lève les yeux de ses papiers pour me regarder.

- Pourquoi ?

- Je vais voir Sunhee.

Déconcerté, il cligne quelques fois des yeux.

- Ah… bon, d’accord.

Je lui souris et le remercie. Après, je reste quelques instants avec lui pour l’observer travailler, histoire de savoir le faire correctement quand je passerai au pouvoir. Je ne suis pas très forte en calcul, il va falloir que je m’entraîne.

- Au fait, Père… Vous savez, pour que je puisse devenir dirigeante dans deux ans, il faut que vous soyez à nouveau marié, n’est-ce pas ?

- Non. Je n’avais pas envie d’épouser une autre femme après Mei, alors j’ai fait ce qui aurait dû être fait depuis longtemps : j’ai supprimé cette loi.

- Vous pouvez supprimer des règles aussi facilement ?

Il secoue négativement la tête.

- J’ai dû faire quelques démarches administratives, expliquer pourquoi je faisais supprimer cette loi et signer une multitude de papiers.

J’acquiesce.

Ça me rassure de savoir que mon père ne devra pas épouser une femme juste pour que je puisse devenir dirigeante. Je n’ai pas envie d’avoir une autre mère. Surtout qu’avec les événements passés, on aurait pu tomber sur une nouvelle personne cherchant à s’emparer de notre pouvoir.

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