Prisonniers

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- Au début, vous étiez à table en train de manger et de rire à propos de la purée ratée de ta mère. Je te sentais si joyeux et heureux. J'ai eu brusquement un sentiment de froid immense, comme celui que j'ai ressenti plus tard à la forteresse. Mon fantôme a vu une silhouette noire glaciale. C'est elle qui a lancé une attaque sur tes parents. Au même instant, j'ai vu un sorcier de feu à l'aura sombre apparaître aussi et contrer le sort. Il s'est interposé, dégageant une forte chaleur.

Tes parents ont essayé de fuir avec toi. Ils étaient pris entre deux tirs. Le sorcier vous protégeait. Je sentais ta colère et ta volonté d'aider ton père et en même temps, ta peur de voir tes proches ou toi mourir. Tu ne comprenais pas pourquoi une telle bagarre était en cours dans ta maison et tu voyais tes parents, si calme d'habitude, apeurés.

La silhouette froide s'acharnait sur toi et elle a lancé un sort qui transforma la pièce en iceberg. Ton père a fait rempart de son corps pour que toi et ta mère puissiez sortir du salon où une bataille faisait rage. Le glaçon l'as tué sans que le sorcier de feu ne puisse rien faire. Tu étais en train de courir et de pleurer en même temps. Tu étais furieux de ne pas pouvoir agir.

Soudain, la silhouette froide est arrivée devant vous et a poignardé ta mère en riant. Ta colère est devenue fureur. Tu lançais des petites flammes orange et rouge. J'ai eu le sentiment que le sorcier de feu lançait sa magie sur toi pour te renforcer. Mon fantôme a vu un morceau de son aura se détacher et venir en toi, dans ton cœur. Avec l'aide du sorcier, tu t'es mis à produire des flammes noires, bien plus puissantes. Son feu te redonnait force et combativité. La colère et la douleur te submergeaient et contrôlaient ta magie. Tu étais en train de devenir ingérable, de te transformer en sorcier. Ton aura s'assombrissait.

Une chose incroyable s'est produite devant les yeux de mon fantôme. Deux lueurs bleu ciel sont apparues au niveau des corps de tes parents. J'ai vu leurs fantômes. Ils sont entrés en toi, au niveau de ton cœur également, comme l'aura du sorcier de feu. Tu as pensé à eux, à leur amour inconditionnel, à ton ami Gaëtan, et surtout à tout ce que tes parents t'ont enseignée, comme la bonté ou la compassion. Une flamme bleue arriva au niveau de ta poitrine. Tu t'es mis à briller et à étinceler. Un arc-en-ciel de flammes. Une aura immense et multicolore. Tu a produit un brasier bleu et vert, les flammes les plus puissantes.

La silhouette glacée s'est enfuie, tu étais en train de la vaincre. Tu es tombé au sol, évanoui. Le sorcier de feu est resté près de toi, sous une forme invisible, jusqu'à ce que Gaëtan arrive en courant avec ses parents. Le sorcier s'est assuré que tu étais en sécurité avant de disparaître.

Ma vision s'est arrêtée là, sur tout ce que tes parents t'avaient enseigné, tous ces bons sentiments t'empêcheront de devenir un sorcier. À cet instant, j'ai su que c'était impossible. Tu peux être en proie à la colère ou la haine, toutefois, ceux-ci ne te domineront jamais. Tu a trop de bonté, de compassion et de bienveillance pour te transformer. C'était le but de la silhouette froide et elle n'y parviendra jamais. Tu es à jamais un magicien qui protégera le bien de tout son être. Parce que c'est comme ça que tu a été élevé, que tu es au fond de toi.

Mushu me prend la main. Il a compris que j'ai encore des choses à dire, mais que j'ai besoin d'une pause. Mes mots lui font du bien, je le vois sourire bien que ses yeux soient tristes. Il doit repenser à ses parents, aux bons souvenirs. Il me dit qu'il ne se rappelait pas qu'une autre silhouette. Il ne se souvenait que du sorcier et son trouble lui a fait croire que c'était ce sorcier qui avait tout dévasté. Ce que je lui raconte lui a paru étrange au début, cependant, au fur et à mesure que je parlais, son esprit se débloque et il se rappelle maintenant. Tout tel que je l'ai décrit.

Il ne comprend pas pourquoi ce sorcier de feu l'a protégé, ni comment il a pu lui donner une partie de son aura tout comme ses parents adoptifs l'ont fait. C'est maintenant la partie la plus difficile de mon récit. Les découvertes que j'ai faites en effectuant des recherches à la bibliothèque de la forteresse et surtout mes dessins. J'ouvre alors ma sacoche et prends mon carnet de croquis. Je l'ouvre à la date de ma vision, sur l'esquisse du sorcier protecteur. Mushu me regarde et blanchi. Il réalise le problème. Le sorcier qui l'a protégé est Erwan, l'un trois plus puissants et mauvais sorciers au monde. Je verse une larme, ce que j'ai à dire va être difficile à entendre, mais je le dois à mon ami.

- J'ignorais à ce moment-là l'identité du sorcier et quand je l'ai découvert, je n'y ai pas cru non plus. Il semblerait bel et bien que celui qui t'a sauvé la vie soit Erwan et je ne me l'explique pas. La suite est encore plus terrible. Quand j'étais à la forteresse, j'ai découvert qu'un magicien ou sorcier pouvait offrir de sa puissance à un autre sous certaines conditions. La première est que celui ou celle qui reçoit le don, soit à cet instant-là en grave danger, une menace pour sa vie. La seconde est que le donneur ait un lien de sang avec le receveur. Un lien ascendant. Je crois que tes parents adoptifs étaient en réalité tes grands-parents. Je pense qu'Erwan fait également parti de ta famille, un lien de type grand-père ou arrière grand-père sûrement. Je sais, c'est fou, mais c'est la seule explication logique que j'ai...

- Mushu... J'ai encore un truc à te dire. Quand je me faisais attaquer et que tu me réchauffais ou me protéger, j'ai vu les silhouettes de tes parents adoptifs à chaque fois. Quand tu as plongé dans le lac gelé, ils étaient là, à nager avec toi. À chaque fois que je te vois faire un acte de bonté, je les vois. Ils continuent à veiller sur toi. La nuit où je t'ai confiée mes cauchemars, quand j'étais en pleurs dans ma chambre avec toi, j'ai vu ta mère me sourire alors que tu me berçais pour me calmer. Elle m'a murmuré qu'elle était fière de toi. Mushu. Pardon de ne pas te l'avoir dit plus tôt. Tes parents sont toujours là, dans ton cœur. Ce sont eux qui détiennent la clé des flammes bleues.

Mon ami me regarde, étonné. J'ai peur qu'il ne se fâche et au contraire, à ma grande surprise, il me prend dans ses bras et m'embrasse les cheveux. J'entends son cœur battre très fort. Je crois qu'il a reçu trop d'informations et d'émotions différentes d'un seul coup. Je le laisse me câliner le temps que tous les deux nous nous calmions. Les clients du resto nous prennent pour des amoureux, mais qu'importe. Je me sens plus légère d'avoir vidé mon sac et je crois que le feu follet aussi se sent mieux d'avoir entendu cela.

Mushu change de sujet pour qu'on se remette de nos émotions. Il commence à me blaguer sur mon katana et m'interroge sur mes occupations depuis ma fugue. Je lui montre mon journal intime depuis que je les ai quittés, plus exactement le carnet de notes sur les quelques sorciers que j'ai croisé et qui m'ont suivis pour rencontrer mon katana. Mon ami examine les descriptions physiques humaines et les pouvoirs et fait des croisements avec les informations détenues par les magiciens. Il ne s'offense pas de la mort de certains d'entre eux et pense à de la légitime défense d'emblée sans me poser plus de questions si ce n'est pour s'assurer que je ne suis pas blessée. En six mois, j'ai quand même buté six sorciers de moins de cent ans, Mushu me traite de serial-killeuse et de poisseuse pour attirer autant les vilains méchants.

Nous rigolons de nos motivations franchement pas catholiques et de nos méthodes plus que douteuses. Moi, je tends un piège en me faisant passer pour une humaine idiote puis je les trucide au katana. Lui fouille les ruelles sombres à la recherche de sorciers voulant tuer de l'humain pour le plaisir ou pour se nourrir pour leur cramer la face. Je tourne à un sorcier buté par mois, lui à deux et des plus puissants que moi. On se surnomme en blaguant les nettoyeurs.

Je passe une soirée des plus agréable à rire et à me remplir le ventre. Mushu me raconte les bêtises de gamins qu'il faisait avec Gaëtan et je comprends mieux leur amitié et pourquoi Léa est la destinée de Gaëtan. Ils se ressemblent énormément tout comme le feu follet me ressemble. Léa a raison, nous avons beaucoup de points communs et si nous dépassions nos sales caractères, nous pourrions être très bons amis lui et moi, mais pour l'instant, nous avons trop de choses à régler l'un et l'autre.

Nous engloutissons notre dessert quand je repère soudain un sorcier assez puissant. Vu la taille de l'aura, il doit avoir deux cents ans. Je reconnais le mélange de couleurs. C'est le type qui a frappé Louis avec la batte de baseball. À voix basse, j'en informe Mushu. L'homme vient chercher une commande à emporter pour trois personnes. Nous décidons de le suivre à bonne distance.

Ce sorcier nous conduit jusqu'à une maison sous un dôme d'invisibilité. L'enchantement couvre une surface relativement petite. Il ne doit pas y avoir beaucoup de monde dans ce lieu. Le meilleur moyen pour les faire sortir est de les attirer par l'odorat. Il nous faut du sang d'humain. Mushu reste en planque tandis que je cours dans un lieu où je sais en trouver. L'hôpital le plus proche où je dérobe une poche.

Je fonce rejoindre Mushu et nous imbibons quelques compresses que nous jetons tel un chemin de cailloux. L'odeur fait sortir un premier sorcier que le feu follet assomme puis que je ligote. Vingt minutes plus tard, c'est le type à la batte qui sort et qui subit le même sort. Au bout d'une demi-heure, et après avoir ré appâté avec du sang frais, c'est Ludovic qui sort. Mon ami et moi ne sommes pas de taille, sauf avec la batte de son collègue. Je sers d'appât et entraîne le frère de Louis vers mon acolyte armé. Nous prenons un malin plaisir à lui faire subir ce qu'il a fait endurer à son jumeau. Mushu a frappé encore plus fort. Le nez de Ludovic est cassé sans aucun doute.

Nous rassemblons les trois types et les ligotons. Le dôme ayant disparu à l'instant où la batte touchait le nez de Ludovic, nous vérifions l'absence d'autres sorciers. Mushu se connecte à Gaëtan et lui indique où trouver nos petits cadeaux. Je me cache et vois débarquer Louis, Marie, Arthur et Gaëtan puis Inès, Gontran et Isabelle qui étaient invisibles, mais dont je voyais l'aura. Ils apparaissent dès qu'ils sont sûrs de la sécurité du lieu. 

Le cadeau du grincheux de service les surprend et son explication foireuse ne les convint pas. Ils repartent avec le trio pour les interroger avant de les remettre aux autres sorciers. Le feu follet se fait remercier de ne pas les avoir tués et en même temps engueuler du risque qu'il a pris. Après une dernière accolade, ils repartent. Seul Arthur jette un œil dans ma direction avec perplexité. Je pense qu'il doit percevoir ma présence sans en être vraiment sûr.

Je suis à distance Mushu vers notre point de rendez-vous et m'assure qu'Inès ou un autre de nos amis ne l'accompagnent pas. Aucun espion, je rejoins mon camarade et tandis que nous discutons de comment finir la soirée, le feu follet me fait une demande inattendue. Il aimerait m'accompagner pour me protéger. Tout le monde recherche une humaine solitaire et un magicien seul, personne ne pensera à chercher un binôme magicien – humaine et encore moi un binôme moi et Mushu, nos engueulades ayant fait le tour des commères magiques. Je n'ai pas le choix, il est aussi têtu que moi et il a de bons arguments. En plus, mais ça je ne lui dirais pas, sa présence me rassure un peu. Nous partons donc ensemble.

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