Les achever
Mushu arrête son feu immédiatement, mais il est trop tard. Je brûle d'une flamme noire et ardente. Son feu ne me brûle pas, il me renforce. J'ai senti un changement en moi. Comme un verrou qui vient de sauter. Je me sens forte et invincible et surtout, ma mémoire s'est débloquée. Je réalise la part de cauchemars et de réalité qui me taraude depuis des semaines. Mon inconscient se révèle enfin. Je sais qui je suis et ce que j'ai vraiment fait et le vrai lien que je possède avec Léa et la magie.
Mes ongles acérés sont plongés dans le cou du sorcier en face de moi et tous me voient absorber son fluide magique comme un vampire se nourrirait de sang, à la différence près que je me rassasie par les ongles en ce moment. Les cris de douleur de l'homme sont si violents qu'ils couvrent le bruit des combats et alertent les deux camps. Tous aperçoivent le corps du sorcier se recroqueviller et se dessécher comme vidé de l'intérieur. Tous réalisent ma transformation et prennent peur, ouvrant la bouche comme des poissons hors de l'eau. Tous, sauf mes amis, sont terrorisés.
Les combats cessent immédiatement. Je suis à moi seule une tempête noire de glace et de feu qui les immobilisent tous. Les vents qui se sont levés les plaquent tous aux murs ou au sol. Des sorciers m'attaquent, et chacun de leurs sorts est englouti par mon corps et ressort multiplié et noir. J'accumule la magie que l'on m'envoie et je l'amplifie. Ceux qui me touchent finissent par être avalés par mes ongles ou la fumée noire qui m'entoure. Des cadavres desséchés jonchent le sol puis finissent en poussière. Ceux plus éloignés qui sont morts en m'attaquant se font dissoudre par le nuage vaporeux qui se propage dans la pièce.
Eulalie se jette sur moi avec fureur. Je la stoppe planant dans les airs et d'un seul ongle, j'offre en spectacle sa dissolution. Elle hurle ses souvenirs au fur et à mesure qu'elle se décompose. Je m'accapare ses connaissances et son pouvoir de contrôle des objets métalliques. Son discours, parsemé de cris, est brouillon, incompréhensible pour l'assistance sauf moi et les trois derniers ancêtres millénaires.
Lisbeth veut me faire arrêter en entendant le déballage d'Eulalie. Elle lance tous ses sorts contre moi et j'accède enfin à la mémoire de Lisbeth. J'ai la pièce manquante à mon puzzle personnel. Je détiens toute l'histoire, il est temps de montrer à tous qui elle est vraiment. Même si ce que j'apprends me dégoûte un peu, je suis certaine maintenant de détenir toute la vérité et surtout, tous les mensonges de cette femme abominable.
Dans une explosion qui met chaque combattant à terre sauf mes amis, je brise le sort de dissimulation de Lisbeth et montre les auras telles que je les vois. Lisbeth est entouré d'un nuage d'un noir opaque. Elle ressemble à un cadavre aux yeux rouges. Tous voient la plus vieille sorcière existante. Au contraire, Matthieu et Erwan gardent leurs aspects humain, ayant une forte lueur bleue cardiaque. Les auras d'Erwan et Lisbeth sont symétriques, inversées, comme un miroir modifiant les couleurs.
Lisbeth, sentant ses forces diminuer et ayant peur pour la première fois de sa vie, me hurle dessus me demandant qui je suis, elle ne comprend pas comment une telle puissance existe alors que Mickaël et Léa, les enfants d'Erwan sont là devant elle. Elle aussi voit mon aura de plus de cent mètres qui grossit au fur et à mesure de la digestion des cadavres. La plus grande aura existante et jamais vu. Une puissance impossible à anéantir.
- Bonjour Mère. Vous leur dites la vérité ou je m'en charge ? Dis-je d'une voix claire et forte.
- Mère ? Lisbeth est ta mère ? Me demande Matthieu en tombant à genoux au sol. Lisbeth ouvre la bouche et ses yeux s'écarquillent de stupeur. Elle vient de comprendre qui je suis. Elle comprend alors toute l'histoire, grâce à mes suggestions mentales des derniers souvenirs de Philippe. Lisbeth réalise que c'est fini pour elle et que son époux dont elle s'est toujours moquée vient de se venger d'une manière magnifiquement perverse.
- Oui mon cher père. OOOOOOOh, elle ne vous a pas dit. C'est sa dernière crasse, mais Philippe vous a vengé, lui répondis-je.
Matthieu et Erwan blanchissent et ouvrent des yeux exorbités comme le reste de l'assemblée. L'assistance essaye de comprendre sans y parvenir. Je peux réaliser que de voir une fillette comme moi être aussi puissante et en plus le fruit de l'union charnelle de deux sorciers ancestraux qui sont supposés se haïr depuis leur naissance, soit quelque peu dérangeant. Matthieu porte une main à son cœur et semble défaillir. Erwan le soutient et m'observe avec crainte.
Lisbeth déchaîne toute sa colère sur moi sans réaliser que plus elle m'envoie de sorts, plus mon aura grandit et se renforce. Au fur et à mesure qu'elle se vide de sa magie, Lisbeth se désagrège sous leurs yeux et son aura devient de plus en plus faible. Mon sourire machiavélique n'a rien de rassurant et fait croire que je me délecte à achever dans l'épuisement et la douleur Lisbeth. Ce qui est un peu vrai. Une fois que sa réserve de magie est vide, je la fais disparaître en lui arrachant chaque parcelle de peau visible et en lui brisant chaque os, dans une lente agonie, pour qu'elle me supplie de la tuer devant tout le monde. C'est quand elle a perdu ses deux jambes et un bras qu'elle se met à enfin à pleurer, demandant pardon à Erwan et Matthieu, incrédules.
- Mon Cher Matthieu, vous rappelez vous ce drôle de rêve il y a environ vingt ans ? Celui où vous repensiez à votre jeunesse et à l'amour que vous portiez à votre destinée ? Oui, oui, je parle bien de Lisbeth. Ce rêve où vous lui refaisiez l'amour comme avant. Et bien mon cher sachez que c'était un enchantement de sa part et que vous avez bel et bien couché avec elle ce soir-là, mais son but n'était pas amoureux. Elle voulait un enfant pour combattre et tuer le fils d'Erwan, le petit feu follet adoré de son frère.
- Mickaël ? Pourquoi veut-elle le tuer ? Pourquoi elle me refuse le bonheur ? Hurle Erwan
- C'est très simple. Elle veut être la plus puissante. Elle ne peut tuer son destiné, Matthieu. Elle ne peut tuer son frère, Erwan. Elle ne peut tuer son neveu, puisqu'il possède le sang de son père, mais aussi la puissance magique de son père et de sa mère et ainsi, il peut vous tuer tous les trois. Elle voulut le pervertir, mais échoua, le cœur de Mickaël étant profondément bon. Ce que Lisbeth ignorait aussi, c'est que sa nièce avait survécu, notre douce Léa. Lisbeth ne savait pas que son neveu est protégé du mal par l'amour de ses grands-parents et de sa sœur jumelle dont la bonté veille sur son frère et le garde des maléfices.
- Si Mickaël possède ma puissance, alors toi ? Ta puissance vient de Lisbeth ? Demande Erwan
- J'ai la puissance de ma mère et son don pour m'approprier les souvenirs. Je suis capable de voir et d'effacer tout ce que je veux. J'ai la puissance de mon père et son don d'emmagasiner la magie des autres, sauf que lui, c'est temporaire et moi définitif. J'ai aussi le don de ma grand-mère maternelle pour dupliquer un pouvoir et tout comme pour Matthieu, c'était temporaire chez elle, c'est définitif chez moi. Je peux aussi augmenter mes pouvoirs et les supprimer chez mes victimes comme le faisait mon grand-père paternel, feu le roi Charles, seulement je peux augmenter à l'infini tant que je trouve une source de magie et la suppression est également définitive.
- Que vas-tu faire ? Interroge Matthieu en fermant les yeux.
- Tuer les âmes noircis en commençant par ma famille ou plus précisément mes parents et mon oncle puis tous ceux qui s'opposeront à moi. Je deviendrais alors la plus puissante vivante et ayant existé et la seule détentrice de la vérité. Mère n'est presque plus qu'un tas de cendres noires. Je commence par qui ? Tonton ou Papa ?
- Montreras-tu toute la vérité aux autres ? Je veux dire ce que Lisbeth nous a fait ? Ce que nous avons fait ? Chuchote Matthieu
- Bien sûr. Ils ont le droit de savoir pourquoi autant de magiciens sont morts et se sont battus inutilement.
- Qui nous dit que tu ne tueras pas tout le monde pour être la seule à posséder de la magie ? Crie Erwan
- Absolument rien. Va falloir me croire sur parole. Surtout que j'ai absorbé la magie de pas mal de monde ces derniers temps dont trois sorciers millénaires. Attention tout le monde instant révélation : je suis APOCALICIA, dis-je dans un rire macabre.
- Moi, je sais que tu ne tueras que les âmes noires, chuchote Léa en s'avançant vers moi.
Erwan s'interpose par peur pour sa fille. Je pose ma main sur son visage et il se fait absorber très vite et sans douleur. Il s'évapore dans un nuage, en jetant un dernier regard plein d'amour à ses deux enfants et en pleurant doucement. Avant de le faire partir, je lui dévoile mentalement toute la vérité, pour qu'il s'en aille en sachant combien sa sœur était un monstre et combien ses enfants sont bons et bienveillants, combien ils ont grandis dans l'amour et la joie et sont heureux.
Tous les magiciens présents crient à Léa de se méfier, je suis la sorcière noire la plus puissante qui n'est jamais existé après tout. Tous sauf Mushu qui me regarde la tête penchée en souriant et mes amis qui n'arrivent pas à réfléchir. J'aperçois mon reflet dans les lunettes de soleil du feu follet. J'ai les cheveux noirs corbeau avec des reflets bleutés, des yeux noirs ensorcelants et ma manucure est devenue de vrais griffes acérées et effilées. J'ai les lèvres parfaitement dessinées couleur sang avec des longues canines. Ma peau est pâle mais parfaite. Je suis vêtue d'une robe longue sirène épousant mes formes et très décolleté devant et derrière hyper sexy un peu à la façon de Morticia Addams. On dirait un vampire croisé avec Wolverine. Waouh, je suis canon moi aussi dans mon genre.
Matthieu s'avance vers moi sans montrer la moindre hostilité. Je le vois poser ses lèvres sur le front de Léa en lui disant que son père et sa mère était des gens biens. Il se tourne vers Mushu et lui demande pardon de ne pas avoir su protéger Erwan. Il supplie toutes les personnes présentes de pardonner sa faiblesse et ses erreurs.
Puis il s'approche de moi et me demande également pardon pour le mal qu'il a pu faire. Il s'excuse de n'avoir compris plus tôt qu'il avait une fille et que j'étais son enfant. Il me supplie de montrer à Léa et Mickaël qui était vraiment leur père, de révéler la vérité à tout le monde. Quand j'acquiesce en révélant mes canines, il pose sa main sur mon bras et s'évanouit en vapeur en souriant. L'assistance reste immobile et tétanisée.
Malgré le danger, Léa s'approche de moi jusqu'à me tenir la main. Elle ne cesse de me regarder droit dans les yeux, insouciante de mon apparence. Elle me sourit, en toute confiance. Elle n'utilise pas son don pour m'envoyer de bons sentiments, elle a juste besoin de son regard. Léa n'a pas peur de moi. Nous nous connaissons trop bien pour savoir que jamais nous ne pourrons nous faire de mal. Elle espère me faire entendre raison juste avec ses yeux bleu océan dans lequel je noie si souvent mes pensées.
Néanmoins, malgré les suppliques oculaires de ma Coccola chérie, je reste sous mon apparence macabre. Peu importe pour elle. Elle me fait un immense sourire et saisit mon autre main pour m'attirer à elle et me faire une bise sur la joue. Elle me fait un câlin de sœur, sourde aux cris d'effroi de l'assemblée.
Non seulement son aura ne diminue pas, mais à mon contact, Léa se renforce et développe son pouvoir en quelques secondes. Elle ne disparaît pas en vapeur et reste en chair et en os, ne subissant aucune douleur. Son aura prend toute son ampleur et atteint un rayon d'environ vingt mètres. Mes ongles ou mon corps ne la blesse pas. Ma fumée noire devient multicolore à son contact. Ma magie ne fait aucun mal à Léa, au contraire, elle lui donne des forces et de la puissance.
Je prends la parole. J'ai une promesse à tenir. Tous doivent savoir, qu'il est important qu'ils sachent tout ce que j'ai vu, les souvenirs de Philippe, Eulalie, Erwan, Matthieu et surtout ceux de Lisbeth.
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