La soirée sera glamour ou ne sera pas

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Debout devant ma petite cahute, nous trinquons au champagne. C’est l’heure des présentations. Béatrice me décrit comme une de ses meilleures amies d’enfance. Pas étonnant : tout le monde est, ou a été, un ou une de ses « meilleurs » amis. Je me demande si elle croit à ses propres affabulations.

Aline et James sont dans l’informatique. Elle est au comité de direction d’une start-up tandis que son mari a monté sa propre boîte. Avant que je n’aie eu le temps de le questionner sur ce qu’il vend, la désormais maîtresse des lieux ouvre sous mes yeux un petit sac de sport et décrète :

  • Je vais m’occuper de toi. On va faire de su-per belles pho-tos ! Tout le monde va nous envier ! Hashtag chic et champêtre ! Hashtag soirée improvisée entre amis. Hashtag retrouvailles. Oh ! Je me réjouis ! Viens. Je vais te faire une beauté.

Ni une, ni deux, elle dégaine son fer à lisser. Je la vois hésiter, s’avancer tout doucement vers ma caravane, puis le brancher du bout des doigts. De l’autre main, elle me tend une petite robe à paillettes.

  • Vas-y ! Enfile ça ! Oh, oh ! ça va être génial ! Je vais te métamorphoser !

Je lui rétorque :

  • Pas besoin de ta robe ! J’en ai justement emporté une au cas où. C’est l’occasion de la mettre.

À la grimace qu’elle fait quand je lui montre le vêtement en question, je comprends que l’on ne joue pas dans la même ligue. Du tac au tac, elle objecte :

  • Elle est jolie, mais un peu simple, non ? Tu la porteras pour aller faire tes courses. Mets celle-là. Ne commence pas à faire la difficile.

Je comprends qu’avec mon torchon, je suis sur le point de ruiner sa soirée dont le but est d’en exhiber de beaux trophées. La soirée sera glamour ou ne sera pas. Elle me fixe, déterminée. Je cède.

Une bonne dizaine de minutes plus tard, je ne me reconnais pas. Je suis coiffée et maquillée comme une star de cinéma. Il faut reconnaître qu’elle a fait du beau boulot, mais c’est trop et totalement incongru dans cet endroit.

  • C’est pour faire ressortir tes yeux et tes lèvres sur les photos ! Tu es magnifique ! Arrête de chipoter !

De toute façon, ai-je le choix ?

Elle n’est pas la seule à avoir bossé. Huitres, crevettes, homards… Un plateau de fruits de mer est apparu sur la table et sincèrement, tout a l’air délicieux. En partant de chez moi ce matin, j’étais loin de m’imaginer un tel room service dans un camping !

Toujours aux commandes, la maîtresse de cérémonie regroupe ses troupes :

  • Venez, on prend une photo ! Tom ? Le banc !
  • Ah, oui. Pardon.

Le mari de notre cheffe d’orchestre sort une dernière nappe oubliée au fond d’un panier. Il en recouvre un des deux bancs qui jouxtent la table. Solennellement, mais non sans une pointe d’ironie, il annonce :

  • Le siège de ces dames est avancé.

Femmes côté douillet, hommes côté rustique, nous nous attablons sans toucher à rien.

  • D’abord les photos ! Cheeeese !

Nous sommes mitraillés sous nos meilleurs angles. Tout doit apparaître. Du Champagne à l’année du Meursault en passant par les homards et nos bouilles en extase, hilares, comme si nous passions déjà la meilleure soirée de nos vies.

Tandis que Béa contrôle les photos avant de les poster, je jette un coup d’œil par-dessus son épaule pour vérifier si je fais une grimace ou si je ferme encore les yeux. C’est à ce moment que je remarque le sourire figé d’Aline. À l’évidence, elle ne s’amuse pas du tout. Pourtant, je peine à croire qu’elle ait été forcée à venir. Au contraire, depuis le début elle acquiesce avec enthousiasme, en rajoute même.

Je l’observe. Elle semble faire de son mieux pour passer une bonne soirée, mais je sens que le cœur n’y est pas totalement. Quelque chose cloche. Difficile de poser la question, mais peut-être que derrière cette tristesse se cache la raison pour laquelle ils avaient tous besoin d’un coup de frais, d’un changement de décor, d’un peu de nouveauté.

C’est à ce moment-là que je me décide à faire équipe avec Béa pour mettre l’ambiance. Pour cette occasion, nous serons deux ex-meilleures amies qui fêtes leurs retrouvailles. Au diable les détails ; le seul but est de passer une belle soirée.

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