64 - Tears of Sorrow

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 Je me retrouve devant la porte de Corentin comme un idiot, à ne pas savoir quoi faire. Est-ce que je sonne ? De toute façon, je ne veux pas revoir Claire et William me tape sur le système…

 Essoufflé, les cheveux en pagaille, je finis par appuyer sur le bouton. La porte s’ouvre quelques secondes plus tard sur un Corentin qui ne semble pas vraiment surpris de me trouver là.

 Je ne sais pas trop comment formuler ma demande. Corentin avise mon sac à dos. J’affiche un maigre sourire.

 – Tu veux entrer ? 

 – Je suis désolé de te déranger.

 – Tu ne me déranges pas.

 Il attrape ma main, m’attire vers lui et referme la porte derrière nous. Ses bras me saisissent alors et m’enserrent longuement tandis qu’il passe sans un mot une main dans mes cheveux. Je résiste, je ne veux pas qu’il pense que je me sers de lui. Mais il tient bon, et finit par me calmer d’un baiser sur le front. Toute la tension se relâche alors. J’abandonne. J’abandonne Claire et ses remarques blessantes, William et sa nonchalance affichée. J’abandonne tout ce qu’on a toujours attendu de moi, que je n’ai jamais sur offrir, en quelques larmes douloureuses qui glissent le long de mes joues.

 – Est-ce que je peux dormir là ce soir ?

 Je reconnais à peine le son de ma voix.

 – Ok.

 – Tu ne me demandes pas pourquoi ?

 – Ça ne change rien. Tu peux rester ici aussi longtemps que tu voudras.

 Sa voix est grave et résonne contre mon oreille. Elle est rassurante, aussi.

 Je finis par me dégager de son étreinte et le fixe de mes yeux humides, un peu surpris.

 – Tu nous as entendus, c’est ça ?

 Je vois bien qu’il est gêné. Il fuit mon regard.

 – Un peu, mais ce n’était pas volontaire, les murs ne sont pas très épais. Et tu peux rester ci aussi longtemps que tu le voudras. Enfin…

 Je sais bien que je ne pourrai pas m’éterniser. Dans quelques mois il ne sera plus là, je me retrouverai face à la réalité. Mais il m’offre un instant de répit, hors du temps et des problèmes, qui me réchauffe le cœur.

 – Je n’ai pas pris de pyjama, rétorqué-je, honteux, en attrapant ses deux mains.

 – Depuis quand t’embarrasses-tu…

 Je me mets à rougir subitement. Oui, depuis quand est-ce que le Maxime qui affronte les foudres de Claire ne parvient même plus à regarder son petit ami dans les yeux ?

 – Et j’ai une petite idée de ce qu’on pourrait faire, les quelques semaines où tu seras là…

 Il se penche dans mon cou et y dépose un baiser des plus suggestifs. Je le repousse doucement.  

 – Tu as un concert à préparer…

 – L’un n’empêche pas l’autre, rétorque-t-il d’un ton taquin.

 Je n’ose pas lui dire que j’ai des plans, moi aussi, mais que je vois mal comment m’y coller si je ne fais que penser à lui. Seulement je n’ai pas envie qu’il pense que je n’y songe pas.

 – On verra, finis-je par murmurer.


 L’après-midi passe lentement. Une pluie glaciale tombe derrière les fenêtres, je me prends à penser que je suis chanceux, au final, d’avoir un voisin si compréhensif. Ou chanceux d’avoir un petit copain qui comprend ma situation. Corentin passe une partie de son temps au piano, à répéter le morceau qu’il travaille avec son prof. Je somnole sur le sofa en l’écoutant, à m’imaginer ce que pourrait être la vie si nous restions ensemble. Est-ce qu’on parviendrait à concilier nos deux carrières ? Est-ce qu’on parviendrait seulement à en vivre ? Lui, probablement. Mais moi ?

 Je me tourne et fixe le plafond, le regard dans le vide, porté par la douce mélodie qui emplie l’appartement. Pourquoi est-ce que je pense au futur, quand le présent est déjà aussi incertain ?

 La nuit est tombée lorsque je me réveille. On son de casserole et d’eau qui coule me pousse à sortir de ma léthargie. Je mets quelques instants à retrouver mes esprits, à réaliser que je suis chez Corentin, que j’ai planté Claire avec son fils chéri pour m’enfuir comme un lâche.

 Automatiquement, je glisse une main dans ma poche pour en tirer mon portable. Trois appels en absence, cinq messages. Corentin relève la tête en m’entendant grommeler.

 – Tu es réveillé ?

 – Mmm.

 Mes yeux sont gonflés. Une douleur lancinante me vrille le cerveau. Corentin m’apporte un verre d’eau mais je vois bien qu’il se fait du souci. Son visage sérieux s’approche du mien, ses yeux brillent. Il s’assoit à côté de moi et pose une main sur mon épaule :

 – Tu n’es pas obligé de leur répondre maintenant, tu sais ?

 – Si je pouvais, je ne prendrais même pas la peine de leur parler.

 Il hésite et je l’entends presque réfléchir lorsqu’il ajoute :

 – Et je ne me vexerai pas si tu ne prends pas ma défense.

 Mon cœur se crispe soudain. Je reprends mes esprits d’un coup, comme trahis par ce qu’il vient de dire :

 – Donc tu t’en fiches ?

 – Non, mais la situation est compli…

 – Donc ça ne te pose pas de problème si je l’écoute et que je te quitte ? rétorqué-je, sur la défensive.

 Corentin esquisse un mouvement de recul :

 – Tu sais très bien que ce n’est pas ce que j’ai voulu dire.

 – Je pensais au moins que tu me soutiendrais !

 Je me lève du canapé, agacé. Corentin me retient :

 – Max, je te soutiens…

 – Alors comment tu peux t’en foutre ?

 – Je ne m’en fous pas ! Tu crois que j’ai envie de mettre un terme à notre relation ?

 – C’est pas le cas ?

 Il écarquille les yeux, surpris, avant de se ressaisir, une lueur triste dans le regard. 

 – C’est ce que je t’ai laissé penser ? Tu crois franchement que si c’était le cas je t’aurais ouvert ma porte ? Tu crois que c’est dans mes habitudes de proposer mon aide au premier venu ? Tu crois que je ne me pose pas de questions ? Que je ne pense pas à nous ? Aux concerts à venir ?

 Ma bouche se tord, j’ai juste envie de pleurer, de balancer le téléphone, de m’arracher la tête. Ce serait probablement moins douloureux que de devoir faire face à ce qui m’attend. Corentin semble perdu, figé par la détresse qu’il lit en moi.

 Les mots me manquent, ma vision se brouille. Là, tout de suite, j’aimerais juste que tout s’arrête ; rembobiner ces deux jours de ma vie, la reprendre là où j’ai manqué le tournant. Peut-être que je n’aurais pas dû réagir au message de Will, peut-être que j’aurais dû passer sous silence ces deux derniers mois. Oui, peut-être que…

 Ses doigts caressent doucement le creux de ma main, seul réconfort face à la peine que je ressens. Il me cherche des yeux. Je sais que si je croise son regard, je finirai par m’effondrer. Mais je ne veux pas. Je ne veux pas, car il n’a pas à supporter cette partie-là de moi.

 D’une légère pression, il me tire vers lui. Puis voyant que je ne suis pas réceptif, il finit par m’attraper sans ménagement et me serre si fort dans ses bras que je finis par manquer d’air.

 – Ca va aller, Max… Ca va aller.

 Sa voix susurre à mon oreille. Son ton est emplit de compassion. Il ne me promet rien, pas plus qu’il ne cherche à prendre sa défense. Il veut juste que je comprenne qu’il est là. Qu’il sera là. Toujours. Alors seulement, les larmes finissent par couler. D’abord ponctuées de sanglots, puis d’une douce litanie. Je pleure, à la fois triste et impuissant, mais réconforté de sentir sa présence contre moi.

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