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 L’empoisonnement fut la première idée qui lui traversa l'esprit. Elle se souvenait des jours passés chez ses grands-parents, enfermée dans la chambre qu'on lui avait assignée. Sa grand-mère, une femme sûre d'elle et encore très bien conservée pour son grand âge, pestait sans cesse contre son mari à cause des nuisibles, souris, chauve-souris, araignées, rat et toutes autres petites bestioles en tous genres. Il se rendait donc, comme à chaque fois, dans l'épicerie la plus proche et ramenait de petits sachets carrés qui sentait merveilleusement bon aux narines de la petite fille. Pourquoi tuer de si belles créatures, elles ne leur voulaient aucun mal, pourtant. Papy les dispersait tout de même dans toute la maison. Jade, quant à elle, se baladait pour les ramasser et éviter une mort tragique à ces animaux. Les deux vieillards ne voulurent plus la prendre chez eux après ça.

 Non, cette méthode lui rappelait trop de mauvais souvenirs, ça risquerait de tout gâcher. Elle devait trouver le meilleur moyen pour qu'elle prenne le plus son pied possible. L'empoisonner serait beaucoup trop simple, elle n'y prendrait pas de plaisir, mettre deux trois goûtes dans son assiette et attendre patiemment que le produit fasse effet. Non, trop simple, ennuyant, banal. Elle devait voir plus grand, plus haut, plus majestueux.

 Elle se devait d'imaginer le meurtre parfait pour honorer les cultures asiatiques, elle savait qu'un esprit là-haut, bien plus loin que toutes les croyances divines, lui rendrait service un jour ou l'autre. Jade était persuadée que quelqu'un viendrait à son aide, elle devait juste attendre et assouvir sa soif inéluctable de sang.

 — Mais Jade... dit-elle. Avant de savoir comment tuer quelqu'un, ne devrais-tu pas trouver qui tuer ? Où se cachent les rats ?

 Elle acquiesça à sa propre remarque, satisfaite d'elle-même. Chaque année, deux ou trois jours avant l'arrivée de la Saint-Valentin, elle arpentait les rues de son village pour trouver le candidat idéal. L'année dernière, année du coq, elle avait jeté son dévolu sur un jeune homme bien en chair, qui ne faisait que manger et fanfaronner. Égorgé au-dessus de son plat de fast-food, baignant dans une flaque de sang et de graisse.

 Le rat était un petit mammifère très nuisible, qui se cachait généralement dans les endroits les moins entretenus, chez une personne qui ne prenait certainement pas soin d'elle.

 Jade se leva de son tabouret bancal, s'empara de son sac et couru vers sa vieille Polo aussi noire que ses cheveux, aussi détruite que son âme. La voiture roulait à une allure régulière et réduite, lui permettant d'inspecter les lieux. La route était maladroitement goudronnée, laissant apparaître de petites bosses ici et là, faisant rebondir le véhicule qui manquait de se décomposer à chaque secousse. Les rues étaient désertes et très peu entretenues, elle gara sa voiture à cheval sur un trottoir et posa un pied dehors.

 — Oui, c'est ici que je trouverais mon beau rat.

 Ses narines s'emplirent de l'air pollué qui se trouvait autour d'elle, les déjections de fumées et de tout autres produits toxiques se faufilèrent dans ses poumons, la faisant quelque peu tousser. Elle déambulait tranquillement dans les rues, inspectant chaque devanture de boutique, cherchant l'endroit idéal pour trouver son beau prince charmant. Sa curiosité la fit s'arrêter devant un bijoutier, attiré par l'éclat des diamants qui dansaient sous ses yeux. Elle regardait à l'intérieur et y vit une bonne dizaine d'hommes à la recherche du plus beau collier pour la plus belle des personnes.

 — Pas convaincue, Jade, tu peux faire mieux.

 — Maman ! criait la voix insupportable d'un petit garçon à côté d'elle. Maman, je veux le jouet, s'il te plait maman !

 — Non, mon cœur, Maman n'a pas les moyens de te l'offrir.

 La jeune femme soupira suite aux caprices de ce morveux qui semblait pourri gâté, elle devait lui donner une bonne leçon, qu'il arrête à jamais de faire souffrir sa mère. Et par la même occasion, qu'il arrête de gueuler dans les oreilles des toutes ces pauvres personnes qui n'avaient rien demandé. Jade alla se placer devant ce petit garçon mal élevé et lui murmura des choses à l'oreille, des trucs affreux, des choses qu'il risquerait de lui arriver s'il n'était pas un petit garçon obéissant et gentil avec sa maman. L'enfant fut effrayé par tout ce que la jeune femme venait de lui souffler, il s'excusa auprès de sa mère et il partirent, tous deux, à l'assaut de magasins en tous genre. C'était satisfaite et sûre d'elle qu'elle continuait sa quête du parfait Valentin.

 Elle s'arrêta à nouveau devant un vieux bâtiment qui semblait plus vieux que la création du monde, les murs étaient fait en vieille pierre recouverts de mousse. Les plantes grimpantes montaient sur la façade, en cachant presque l'intégralité. La nature essayait tant bien que mal de reprendre possession de ce lieu qui semblait inhabité. La jeune femme haussa les épaules, n'étant pas sûre de trouver son bonheur dans ce trou aussi miteux que son appartement, elle tourna le buste et reprit les recherches. Une lueur attira son attention et la fit immédiatement bifurquer, de la lumière s'échappait des fenêtres de ce lieu abandonné. Un sourire se dessina sur ses fines lèvres, excitée par ce qu'elle allait trouver.

 — Oui ! murmura-t-elle en s'extasiant de sa découverte. C'est ici que je te trouverais, j'arrive déjà à te sentir, ta puanteur, ta négligence et ton manque de confiance. C'est toi.

 Sans s'en rendre compte, elle se retrouva le nez collé contre la vitre, elle se retira rapidement avant d'éveiller les soupçons et profita du reflet qu'elle renvoyait pour se faire une nouvelle beauté. Jade voulait séduire à tous prix ce bel inconnu qui finirait dans une tombe creusée par ses propres soins. Elle attacha sa longue chevelure, à l'aide d'un gros élastique, en un gros chignon décoiffé duquel tombaient plusieurs petites mèches. Elle habilla ses lèvres d'un très beau rouge à lèvre d'un rouge profond et séducteur, poudra ses pommettes d'un fard à joues orangé pour lui donner quelques couleurs. Un mascara vint allonger ses cils, agrandissant son regard, le rendant plus amical. Jade inspecta une dernière fois son image, la jugeant satisfaisante, elle finit par entrer dans cette boutique.

 — Mon bel Apollon, me voici, chuchota-t-elle.

 Elle tapota sur la clochette qui se trouvait sur la table d'accueil, une silhouette frêle se tourna vers elle. Jade sut à cet instant précis qu'il était l'élut.

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