Sikheõ me prend la main et ouvre ma porte en gloussant :

-On peut parler, mon Damian ? Juste nous deux...

Mais un bruit lointain me fait me braquer. La porte la plus au fond du couloir c'est ouverte. Celle de Jon.

Je regarde, paniqué le bout du couloir. Jon sort et traverse le couloir, lentement, sans un mot. Au moment de passer près de Sikheõ, qui entre dans ma chambre sans faire attention à Jon, je croise son regard.

La lumière y a disparut. Un vide immense m'engloutit.

Je déglutit et perds mes moyens d'un coup.
Il n'a rien dit. Rien fait. Il m'a juste lancé un regard plein de déception puis plus rien.

Je ne sais pas ce qu'il y a entre Jon et moi. Est ce qu'on...j'arrive pas à croire que je vais demander ça mais : on sort ensemble maintenant ? Je n'en sais rien. Mais il y a une chose dont je suis sûr, c'est que moi, de mon côté, je refuse de dormir avec un autre homme que lui. Malgré nos âge, je suis sûr de moi.

Sikheõ me tirait, mais je me stoppe brutalement. Il se tourne, étonné, et me demande :

-Qu'est ce que tu fais ?

Je plante mon regard dans ses yeux verts et lui répond avec mépris :

-Sikheõ, si tu ne veux pas perdre l'usage de ta main, lâche moi tout de suite.

Une incompréhension se lit dans son regard. Je tire mon bras hors de son emprise et descend les escaliers de l'étage rapidement. Je dois le rattraper, je refuse qu'il souffre !

Et surtout à cause de moi!

Jon est là. A quelques mètres. Il s'est arrêté. Il a dû m'entendre car il tourne la tête.

Son visage semble si triste. Ça me fend le coeur.

Mais la voix du garçon aux cheveux verts résonne dans la cage d'escalier :

-Il en vaut pas la peine, Damian ! Moi chui un homme un vrai !

Jon regarde un instant le haut des escaliers en rougissant.

Mais il peut pas se taire cte enfoiré ??

Puis mon ami tourne les talons, honteux. Je le rattrape immédiatement et m'excuse en essayant de lui prendre le bras :

-Pardon Jon, l'écoute pas, c'est un abrutit !

Il me tient à distance et dit d'une voix froide :

-C'est pour lui que tu es parti ce matin...

Paniqué, je tente de le maintenir près de moi et lui dit droit dans les yeux :

-Non Jon ! Ça n'a rien à voir avec lui !

-Ah bon ?

-Oui ! Je te l'ai déjà dit : je m'en fou de ce gars.

-Alors pourquoi ?

-Parce que...

Je rajoute plus bas :

-...j'avais pas envie de le crier sur tous les toits...

-De quoi ?

Je lâche ses épaules en soupirant. Il veut que je le dise. Il veut que je lui dise que je l'aime et qu'une relation, autre que "mailleur ami", peut exister entre nous.

Je soupire et lui prend les mains.

Je crois que j'ai jamais été aussi rouge de ma vie. Ma bouche se tord. Et comme à son habitude, elle ne laisse rien passer. Aucun mot. Même pas son prénom... J'y arrive pas, Jon ! Je suis désolé ! J'ai trop peur de le dire !
Comme un enfant qui n'arriverais pas à réciter sa leçon, je gémis, les yeux pleins :

-Je...suis désolé...

Mon vis à vis soupire et m'entoure de ses bras. Je hoquète de surprise et le laisse m'enlacer. Il murmure :

-Un jour tu y arrivera...

Puis il se redresse et s'en va, le cœur gros.

Quelle patience. Quel dévouement. C'est...c'est dans doute trop pour ma petite personne en fait.

Mais... Mais je ne peux pas nier tout ce que je ressens aussi. Je ne le laisserai pas tomber ! Et je vais me battre pour qu'il soit heureux !

Je renifle et court lui re prendre la main.

Si je ne peux rien te dire, je peux te montrer.

Je le tire dans l'autre sens et nous remontons les escaliers de quatre en quatre. Il demande choqué :

-Tu fais quoi, Damian ??

Je répond en entrant dans ma chambre :

-On va faire de la moto !

Son visage s'illumine d'un coup. Une fois en haut il me lâche et court pour aller dans sa chambre.