Chapitre 2 - Aōhr

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Nous passons la porte de la ville à l’instant, après quinze bonnes minutes bloqués au barrage d’entrée. Évidemment, nous dénotons parmi les gens des ville, notre accoutrement respire un peu trop la campagne.

Arrivés vers la grand-place où se tient le marché de la semaine, Papi m’interpelle.

« Nous nous retrouverons ici à dix-huit heures. Ne sois pas en retard. Si tu as fini plus tôt, rejoins-moi à notre emplacement réservé. »

J’acquiesce et, après un échange de regards entendus, détale dans la grande rue d’Ivoire. Je ne suis venu dans cette ville qu’une seule fois, j’avais plus ou moins quatre ans. Autant dire que je n’en ai aucun souvenir. Heureusement que Papi m’a rapidement dessiné un plan sur mon EPM*.

Je tourne à droite, boulevard de l’Aurore, et j’aperçois au loin un bâtiment, la Bibliothèque d’Aōhr. Le boulevard est immense et bondé. Je me faufile au milieu de la foule qui déambule, masquée de ce visage blasé propre aux citadins. Je me sens dévisagé, au milieu de ma propre race, je ne me suis jamais senti aussi différent. Un accrochage malencontreux me sort de ma rêverie et tout en me massant l’épaule, j’arrive tant bien que mal au pied de l’immense porte de la Bibliothèque.

Ce bâtiment est époustouflant. Du haut de ses vingt-deux étages, il n’est même pas le plus grand de cette ville. Et pourtant ce sentiment d’insignifiance face à la beauté de cette architecture grandiose est déjà bien présent.

La boule au ventre, je passe les portes et m’approche du guichet vide, il n’y a aucun bruit. Je m’abandonne à profiter de la douce odeur de papier ancien quand une très jolie demoiselle m’interpelle : « Excusez-moi, je me permets. Vous avez laissé tomber votre EPM à l’instant. Le voici. »

Étonné d’être vouvoyé par une enfant de mon âge, j’allais la remercier quand le guichetier, un petit monsieur moustachu et rondouillard, m’interrompt d’une grosse voix : « Jeune homme ? Que fais tu ici ? »

Quel concept a-t-il de la politesse ce bonhomme ?

Troublé par cette interruption, je voudrais l’ignorer et d’abord remercier la jeune fille, mais celle-ci passe déjà son EPM sur les barrières d’entrées de la bibliothèque, et s’éloigne dans ce monde merveilleux.

Agacé, je me tourne vers le bonhomme tout en m’attelant à contrôler ma voix.

« Bonjour, monsieur. »

Je laisse passer quelques secondes, mais visiblement, je n’aurai pas de bonjour en retour.

« Je souhaiterais m’inscrire comme membre de votre bibliothèque » ajouté-je.

Je jurerais avoir vu une esquisse de sourire. Il me déclare : « Le petit monsieur devrait alors passer son chemin, il n’est pas autorisé à pénétrer dans la grande bibliothèque.

— Pourquoi ? » je réponds du tac au tac. C’est absurde. Mon cœur s’emballe. Je vois déjà le refus catégorique s’agencer devant moi.

« Eh bien, seuls les Érudits peuvent étudier dans nos murs », dit-il.

Et alors ? Argumente. Que dis-tu là bonhomme ?

Encore ce sourire en coin. Je laisse quelques secondes passer, mais le personnage ne daigne pas me faciliter la tâche.

« Comment devient-on Érudit ? Faut-il passer un test ?

— Le talent est inné, mon petit monsieur, l’intelligence ne s’acquiert pas. » annonce-t-il.

« Alors, qu’est-ce qui vous fait dire que je n’ai pas ce talent ? » rétorqué-je, avec impatience.

— C’est simple, regardes toi. Tu n'es qu’un de ces sauvages des campagnes. Tu ne possèdes pas de talent. Le talent vient à ceux qui le méritent. »

Que répondre à ça ?

Je suis abasourdi. De nouvelles secondes passent. Je fixe le bonhomme, dérouté.

« Allez, déguerpis maintenant, ton odeur empeste ma bibliothèque. » gronde-t-il.

Lentement, je me détourne. Mon cerveau fuse. Je ne peux pas repartir comme ça. Après toute la joie que je me suis faite à l’idée de venir ici. Finalement, j’atteins la grande porte rapidement et celle-ci se referme brusquement derrière moi.

Je suis dehors. Sur le parvis du bâtiment que je rêvais de visiter. Je ne peux pas rentrer, car je suis ‘sans talent’.

**

*EPM : Écran Portable Multifonctions. Les Anciens le nommaient téléphone.

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