Chapitre 10 - Danse !
Nous sommes arrivés, il y a quinze minutes, maintenant. Le paysage est à couper le souffle. L’esplanade blanche, immaculée, brille sous mes yeux à demi fermés, par la luminosité pétillante. Il me faut cinq longues minutes avant de pouvoir entièrement les ouvrir et découvrir ce qui m’entoure, c’est-à-dire, peu de chose.
Le sol, fait d’une pierre pure appelée quartz, est tantôt rocailleux, tantôt lisse. On peut habilement suivre le passage des hommes et des bêtes.
Abstraction faite du sol atypique, j’aperçois un point d’eau, de la taille d’un petit lagon, quelques mètres devant nous. L’eau luit d’un bleu profond qui dénote sur le blanc omniprésent.
À la droite du lac azuré, comme posé là par la force de la nature, jaillit un titanesque arbre fleuri. Ses fleurs sont du même bleu que l’eau et son tronc, biscornu, est d'un brun terne presque gris.
Tandis que je m’approche, comme envoûté, je distingue des morceaux de quartz mêlés au corps de ce géant. La plante a dû briser la terre pour se frayer un chemin jusqu’à la lumière. Je me demande jusqu’où descendent ses racines démesurées, qui, çà et là, percent le sol minéral.
Il fait bon sous l’arbre. Le paysage est plus simple à regarder, protégé par l’ombre apaisante du géant.
J’observe les alentours. Vīian, qui était derrière moi jusqu’à présent, disparaît derrière une racine proche du tronc. Celle-ci doit faire plus de dix mètres de diamètre.
Deux minutes passent, Vīian ne revient pas. Je me décide donc à le rejoindre. Je me dirige vers la racine et, dès que je la dépasse, je comprends la raison de cette disparition. Face à moi se trouve, entre deux racines, une maisonnette adossée au tronc.
Intéressé, je passe la porte et commence ma visite des lieux, non sans noter le petit sourire satisfait du maître assis dans un fauteuil dans le salon.
Je suis dans une petite pièce qui concentre cuisine et salon, le mobilier est sommaire sans, toutefois, être dénué de charme. L’habitacle respire le bois. Au fond de la pièce, trois portes, deux chambres séparées par une salle de bain étroite.
« Tu as fini de visiter ? J’espère que l’endroit te plaît, car tu y resteras un moment.» me révèle Vīian, alors que je reviens dans la pièce principale.
Je lui réponds que je n’aurais pas rêvé meilleure situation pour apprendre.
Présentement assis sous l’ombre de l’arbre, au bord du lac, le maître m’abreuve d’anecdote sur ce sommet tout en déjeunant. Comme à mon habitude, je bois toutes ces informations qui nourrissent ma soif de connaissances.
Le repas est fini, mon maître saute sur ses pieds et annonce : « Allez, c’est parti. Il est temps de danser.
— Vous avez dit ‘danser’ ?
— L’enfant n’est pas sourd, c’est un bon début » me tanne Vīian.
Constatant que je ne relève pas la pique, il continue.
« Alors, l’entraînement débute aujourd’hui. Ta première tâche sera de danser. Et oui, tu as bien entendu. J’ai réfléchi à ta pierre, cette semaine. Pour que tu entres facilement dans une école, je vais te proposer deux techniques. En deux ans, je pense que tu auras largement le temps de les approcher. Bien sûr, cette Aptitude est tienne, sens-toi libre de suggérer tout ce que tu veux par rapport à ce que tu ressens vraiment, en pratiquant.» élabora Vīian.
« Je préfère ne pas influencer ton ressentit pendant cette première étape d’apprentissage et je vais te demander de me faire confiance.
— N’ai-je pas déjà suivi un inconnu, rencontrer seulement quelques heures, sur une montagne à l’autre bout du pays ?
— Tu marques un point, gamin.» s’amusa le maître. « Première étape, je vais te demander de te tenir immobile, yeux clos, et de ressentir. Je veux que tu éprouves l’air par tous les pores de ta peau. Je veux que tu te laisses porter par la danse des mouvements d’air. Sur le sommet plat que tu vois là-bas, le vent est violent et changeant, tu t’y exerceras. Je serais évidemment là pour te rattraper, tu n’as pas à t’en faire. Ton but est de sentir la force de cet élément et de te laisser porter par sa valse. Ensuite, quand tu parviendras à être transporté aussi aisément qu’une feuille dans la bise, tu ouvriras les yeux. À partir de là, tu devras chercher à contrôler ta direction et dicter ta chorégraphie aux vents du mont. Mais n’allons pas trop vite. Je pense que la première étape te prendra déjà quelques semaines, et c’est bien normal. Ce n’est que le début. Commençons ! »
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