Chapitre 6
Vincent le passionné
Et si, malgré toutes les théories c’était bien un OVNI. « Bon sang » , Vincent avait ruminé toute la journée du lundi. Il avait « vu » l’objet ralentir et son maître de stage lui avait dit que cela devait être un groupe de petites météorites se suivant, reliées entre elles par la gravité, que cela ne pouvait pas être autre chose.
Et si, justement, c’était autre chose ? Il en avait rêvé toute sa vie. Il avait vérifié toute la journée, à chaque fois, il y avait eu une « nouvelle » météorite sur la même trajectoire. Lui en était convaincu, c’était un seul objet et celui-ci ralentissait ! Plus cela se confirmait, plus il y avait de chance qu’elle atterrisse en France.
À 17 h 30, il partit rejoindre son petit studio dans la banlieue sud de Paris. Sa décision était prise, il devait aller à ce rendez-vous. Le temps de prendre quelques affaires de rechange et de toilette et de récupérer sa Renault Clio. Il démarrait, s’élançait à l’aventure, tout excité. Vingt minutes plus tard, il déchantait…
— Putain fait chier ! hurla-t-il à de nombreuses reprises dans son véhicule.
Il fut très vite coincé dans les embouteillages. Son téléphone était fixé sur un support, tandis que son ordinateur portable reposait ouvert sur le siège passager. L’appareil était connecté à son smartphone, lui-même relié au réseau du laboratoire, lui permettant ainsi de suivre en temps réel les données du vaisseau. Car oui, il s’agissait bel et bien d’un vaisseau, il en avait la conviction. Peut-être même d'un premier contact ? Cette pensée le faisait enrager d'impatience et de frustration.
Après avoir laissé Paris loin derrière lui et parcouru plusieurs heures de route, Vincent fut contraint de s’arrêter pour faire le plein et recharger ses appareils électroniques. Son vieux téléphone, à la batterie peu endurante, l’avait forcé à cette halte imprévue.
Pendant cette pause interminable dans une aire d’autoroute, il en profita pour consulter les actualités, guettant la moindre information sur sa découverte. Son cœur balançait entre deux sentiments contradictoires : une pointe de déception de ne rien trouver sur le sujet, et un soulagement mêlé d’excitation à l’idée de garder la primeur de cette découverte.
Il avait vu aussi des power-bank en vente dans la station, ces batteries de secours auraient pu lui faire gagner beaucoup de temps. En général, elles étaient chargées au moins à la moitié de leur capacité. Mais il craignait de ne pas en avoir les moyens, les frais d'essence et de péage de l'autoroute aller-retour faisaient de ce voyage non planifié une dépense difficile à assumer. La fin du mois allait être dure et il ne souhaitait pas devoir encore demander de l’aide à ses parents. Ils ne lui refuseraient pas, mais il savait qu’eux aussi devraient faire des sacrifices, il en était hors de question, donc pas de batterie externe. Le téléphone et l’ordinateur rechargés à 50%, il repartit en trombe.
Faisant une nouvelle pause aux alentours de 22 h, principalement pour évacuer le litre et demi de coca qu’il venait de boire, il consulta les dernières estimations de trajectoire.
— Ça y est, il approche !
Il entra les coordonnées GPS et repartit aussi vite qu’il le put. Il était tout près ! Il serait présent pour le premier contact.
Sortie d’autoroute, route départementale… il accéléra en priant pour ne pas se faire verbaliser. Et il arriva sur un petit chemin dans un champ. Il arrêta son véhicule et sortit pour scruter le ciel.
— Allez, allez, où es-tu ?
Après quelques instants, il retourna à son PC, et nota, deux kilomètres plus à l’ouest, quatre minutes !
Sautant dans la Clio, il vérifia où se trouvait l’ouest sur son GPS. Son téléphone, indiquait à peine 20% de batterie.
— Non ! hurla-il de désespoir, je ne pourrais même pas faire une vidéo.
Récupérant un câble USB dans son sac, il brancha le téléphone à l’ordinateur qui lui aussi arrivait proche de sa réserve.
Après deux minutes il arriva dans un petit village. Il se gara et sortit. Il scruta le ciel encore une fois. Mais la pollution lumineuse des lampadaires de la rue n’aidait pas.
Et d’un coup un « boom » retentit ! Il le sentit autant qu’il l’entendit, la terre avait tremblé, c’était tout proche. Il courut en ligne droite en direction du son, passant par les propriétés et enjambant les barrières. Il arriva enfin à l’arrière d’une petite maison d’où de petites tuiles glissaient encore en direction du sol. Repérant une porte, il essaya d’actionner la poignée, la porte n’était pas verrouillée ! Son cœur allait exploser, c’était « LE » moment.
Il entra.
Un couloir sombre s’ouvrait devant lui, il chercha son téléphone pour se servir de la fonction lampe torche, tâtant sa poche droite, puis la gauche, il comprit qu’il l’avait laissé à charger. Il étouffa un juron, hors de question de faire demi-tour. Il progressa lentement, tendant l’oreille, il arriva devant une porte à peine visible.
Une faible lueur passant par un toit démoli éclairait la pièce, un énorme rocher, partiellement noirci, trônait en son centre.
Mince, cela ressemblait quand même beaucoup à une météorite. Mais il avait fait les calculs de sa chute, ce n’était pas cohérent, il s’avança prudemment, cela ne ressemblait pas à quoi il s’attendait, mais après tout ? Pourquoi pas ? La base était sombre, mais pas le haut d’une couleur sable.
— Bonjour, dit-il.
Quelques secondes de silences s'écoulèrent.
— Je viens en paix… Il y a quelqu’un ?
Sans réponse, il avança sa main et toucha l’objet. Sous sa paume une craquelure apparut.
Mauvais pressentiment
La commandante Dubois venait tout juste de rengainer son arme, ses hommes qui avaient éteint la lumière, le silence pesant qui avait suivi, le halo lumineux produit par l’objet, son stress était passé à un autre niveau.
— Commandante ?
Après cet épisode angoissant, l’appel du négociateur fit l’effet d’un coup de canon dans les haut-parleurs intégrés. Elle se félicita d’avoir rengainé son arme à temps.
— Oui.
Répondit-elle plus fort que nécessaire. Elle vit à leurs réactions qu’elle avait provoqué chez les scientifiques le même sursaut qu’elle venait de vivre. Elle mit la main à son oreille informant par ce geste qu’elle s’adressait à quelqu’un d’autre, puis elle sortit précipitamment.
— J’ai la confirmation, il y avait la mère et son fils dans la maison en début de soirée, c’est confirmé par plusieurs témoins.
— Merci. Euh Lieutenant ? demanda-t-elle sur le canal général
— Je vous écoute ! répondit le Lieutenant Mercier
— Trouvez-moi un spécialiste des météorites !
Sa mauvaise impression lui revint. Remettant sa capuche et son masque, elle entra à nouveau dans le séjour.
Elle se dirigea vers l’évier de la cuisine. L’eau ne coulait plus. Elle actionna le robinet, il était toujours ouvert. Les débris, dont plusieurs pierres d’une bonne taille, étaient tombées dans l’évier et avaient pu le faire tourner. Continuant dans sa lancée, elle passa les bâches isolant la pièce des autres parties de la demeure jusqu’à trouver la porte du garage. Il n’y avait pas de voiture devant la maison. Mais, dans les petites villes de province où la place ne manquait pas, les garages étaient utilisés à leur véritable usage, comme garage pour voitures. Un Scénic rouge était bien là !
Une porte au bout de couloir donnant sur l’arrière du domicile était ouverte. Ouvrant la communication avec toute l’équipe.
— Est-ce que la porte arrière de la maison était ouverte ?
Pendant les quelques secondes d’attente pour la réponse, le scénario de la famille s’enfuyant par l’arrière la rassura.
— Affirmatif, cette porte était ouverte quand nous sommes arrivés.
Encore une chose, le petit détail qu’elle avait vu sans y prêter attention. Elle revint en courant dans la pièce protégée. Deux petits chaussons étaient posés devant le canapé, faisant face à cette chose tombée de l’espace. Il fallait lever se doute !
— Docteur ! Équipez-vous et amenez du luminol !
Cette demande dut faire peur au reste de son équipe. Ce produit était utilisé pour rendre visibles les traces de liquides biologiques, dont le sang.
Elle n’avait pas remarqué de traces, mais dans ce capharnaüm, tout était possible. La mère et son fils avaient-ils pu se trouver debout entre le canapé et le téléviseur pile au moment de l’impact ?
Disparus
Le médecin du groupe était venu et après avoir inspecté méticuleusement le sol et les murs, il n’avait pas souhaité utiliser le produit chimique. Le risque de contamination de la météorite l’inquiétait.
— Ma commandante, nous sommes arrivés en moins de vingt minutes et personne n’a été vu quittant la maison, de plus, nettoyer des traces de sang s'avère long et difficile. J’ai regardé avec une grande attention, je n’ai pas vu la moindre gouttelette. S’ils avaient vraiment été écrasés…
Il ne finit pas sa phrase.
En pleine réflexion avec son médecin devant la maison, la commandante continua.
— Ils ne se sont pas évaporés quand même ? Leur voiture est là, l’eau de l’évier coulait encore et le petit a laissé ses chaussons !
Le médecin fit un haussement d’épaules. Son expertise inutile, il s’éloigna puis revint sur ses pas.
— Commandante, pour l’instant je… le site est sûr, aucun risque n’a pu être identifié, il est encore trop tôt pour avoir des réponses sur les cultures bactériologiques, mais… deux personnes m’ont fait remonter de légères céphalées pendant qu’ils étaient proches de la météorite. Je recommande de faire un roulement.
— Le roulement risque d’exposer plus d’agents, non ?
— Oui peut-être, mais actuellement ils sont quatre à l’intérieur, je recommande qu’il ne reste qu’à deux et qu’ils se relaient toutes les demi-heures. Deux personnes avec un léger mal de tête qui disparaît rapidement, cela ne représente pas un risque statistique. Mais je recommande la prudence.
— Très bien, faites passer la consigne et prévenez-moi en cas d’évolution des cas.
Il repartit pour rejoindre le quartier général temporaire, une tente d’une dizaine de mètres de longueur, montée rapidement sur une pelouse d’une des habitations proches. Le protocole voulait que cette structure ne soit pas en vue directe d’un site potentiellement dangereux. Dans ce cas, un risque initial d’explosion et il ne devait pas être situé à moins de cinq minutes de distance au pas de course, dans ce quartier, Le QG se trouvait à peine à deux minutes de marche.
Perdue dans ses pensées, Élise refaisait le point. L’équipe d’intervention était arrivée très vite. Il y avait très peu de chance que quelqu’un d’autre soit arrivé avant. Et même si… quel était l’intérêt d’enlever deux civils et de laisser la météorite en place. La mère et son fils auraient vu une chose qui aurait aussi disparu avant notre arrivée ? Ça ne collait pas. Le plus évident était qu’ayant eu peur, la mère ait attrapé son fils sur le canapé, qu’il était pied nu, peut-être même en pyjama ? Et elle aurait fui la maison. La porte avant avait été défoncée en arrivant, fermée donc. La porte arrière était restée ouverte, mais pourquoi contourner l’objet, surtout avec tous les débris autour, pour s’enfuir et enfin pourquoi ne les avait-on pas retrouvés ?
La météorite intriguait tous ceux qui l'avaient observée. Parmi les agents présents, seul l'un des scientifiques avait osé exprimer son étonnement. Lorsqu'Élise lui avait demandé si une météorite pouvait avoir une telle apparence, il était resté sans voix. L'objet avait été minutieusement documenté : des photographies avaient été prises sous tous les angles possibles, et un scan 3D avait même été réalisé. Toutes ces données étaient désormais accessibles via la tablette d'Élise, directement connectée aux appareils de mesure.
Réactivant son communicateur.
— OK à tout le monde. J’ai besoin de cinq personnes au centre de rassemblement des personnes évacuées, impliquez le maire aussi, je souhaite avoir un recensement de tout le monde. Le but est de retrouver les habitants de la maison. Si vous les trouvez, prévenez-moi aussitôt. Sinon il nous faut au moins un signalement précis pour émettre un avis de recherche… non… oubliez ! Nous avons des photos, vous les passerez aux forces de l’ordre aussitôt, n’attendez pas mon accord. Je veux aussi savoir si quelqu’un d’autre manque dans le périmètre.
Se parlant à elle-même.
— Quoi d’autre ?
— Et voyez aussi avec les voisins si la mère et son fils ont de la famille ou des amis à proximité chez qui ils auraient pu se réfugier. Je retourne à l’intérieur et je vous envoie une copie des photos de famille pour les recherches.
Le Spécialiste
Revenue sur le banc devant la maison, Élise activa la ligne réservée avec son lieutenant.
— Lieutenant ?
— Oui, ma commandante !
— On en est où avec l’expert en météorite ?
— J’ai eu beaucoup de chance, il y a, actuellement, un colloque scientifique en astronomie au centre de Lyon. J’ai identifié un chercheur spécialiste, un homme français, avec deux livres sur le sujet à son actif. Le renseignement a déjà donné son accord. J’ai lancé sa recherche. Ils ont eu un repas commun ce soir, et j’ai confirmation de sa présence. En fin de soirée des petits groupes se sont séparés en ville. Pour l’instant il n’est pas encore rentré à son hôtel et… une seconde… j’ai son numéro de téléphone ! ça y est. J’ai déjà tout organisé pour un transport rapide. Avec un peu de chance, il pourrait être sur site d’ici une heure ! Je vous tiens au courant pour la suite.
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