Chapitre 7

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Julien Bonnet

Julien Bonnet venait d’entrer dans un bar encore ouvert, avec trois connaissances retrouvées lors d’un colloque scientifique. Il commençait à se faire tard et le barman avait regardé sa montre quand ils étaient entrés, acceptant de les servir, mais une seule fois. Le repas organisé par le colloque avait été très agréable et généreusement arrosé. Son téléphone avait peut-être vibré quand il s’était assis dans ce bar. Il n’en était pas certain. Cela arrivait parfois, cette sensation de sentir la vibration dans sa poche sans que ce ne soit réel. De toute façon à une heure du matin, cela attendrait le lendemain. D’ailleurs, il était fort probable qu’il rate les premières heures de la deuxième journée comme c’était parti, à son âge on récupérait moins vite.

Au bout de plusieurs de ces vibrations, estimant que ce n’était plus une impression, il extirpa son portable de sa poche de jean. Avisant que le numéro qui sonnait ne faisait pas partie de son répertoire, il laissa passer deux sonneries et l’appel cessa. Un peu surpris, l’affichage indiquait douze appels en absence de ce même numéro.

— Mince ! C’était peut-être important !

Julien recomposa le dernier numéro entrant. Quelqu’un décrocha aussitôt.

— Allo ? Oui, bonjour je euh… je viens de remettre la main sur mon téléphone et je vois que vous essayez de m’appeler…

— Monsieur Bonnet ? Enfin !

Au même moment, quelqu’un entra dans le bar en appelant « Monsieur Julien Bonnet ? ».

Surpris, Julien se signala en levant la main.

— J’ai cru entendre, cela doit être votre taxi ! dit la voix au téléphone.

— Comment ça ? Quel taxi ? répondit Julien. Et Qui êtes-vous ?

— Désolé, monsieur, nous n’avons pas beaucoup de temps. Je pourrais tout vous expliquer une fois que vous serez en mouvement. Sachez que nous sommes les forces armées françaises. Nous avons un besoin urgent d’un spécialiste des météorites et vous semblez correspondre à ce profil ! Vous pouvez confirmer ?

— Eh bien oui, je confirme. Mais nous sommes au milieu de la nuit et j’ai mon colloque…

— Ne vous inquiétez pas pour le colloque, on s’occupe de tout, comme je disais c’est très urgent et… Je pense qu’étudier une météorite, disons peu ordinaire, devrait vous intéresser ?

— Qu’entendez-vous par peu ordinaire ? répondit Julien tout d’un coup beaucoup plus intéressé.

— Justement, nous avons besoin de votre expertise !

L’homme qui était entré arrivait vers Julien.

— Des bagages ?

— Hein ?! Euh non.

— On peut y aller ? demanda le chauffeur du taxi.

— Répondez oui et suivez-le, s’il vous plaît ! dit la voix au téléphone qui de toute évidence avait entendu l’échange.

— Mais où ?

— Dans le taxi… fit le chauffeur un peu décontenancé.

Julien s’excusa rapidement auprès de ses collègues et finit par monter dans le véhicule. Il réussit à obtenir quelques informations pratiques sur le voyage, nourriture, hébergement si besoin, tout serait pris en charge. Concernant l’objet, pas d’information au « téléphone ». Ces militaires étaient vraiment paranos… Il essaya d’obtenir la possibilité de récupérer l’objet : refus ! Juste un morceau de la météorite ? « Vous verrez avec le responsable de la mission ». Traversant Lyon, il demanda au chauffeur.

— Je sais que cela doit vous paraître étrange, ce n’est pas moi qui vous ai fait appeler.

— Oh vous savez, on voit de tout la nuit…

— Et donc vous savez si le trajet va être long ?

— Oh non, on arrive justement !

Julien avait compris qu’une météorite était tombée à environ une heure de Lyon ; or le taxi n’avait pas encore quitté la ville. Regardant par la fenêtre du véhicule, un doute l'assaillit. Cela commençait à ressembler à un traquenard, comment avait-il été aussi naïf !

— Euh, vous êtes certain que c’est ici ?

— Oui monsieur, on m’a demandé de vous conduire au commissariat de police des premiers et quatrièmes arrondissements, c’est juste sur votre droite.

Anomalies temporelles

L’agent qui avait réalisé la cartographie et qui continuait à surveiller l’environnement appela sa responsable sur son canal privé.

— Commandante j’ai repérés plusieurs choses dont je dois vous parler

Toujours assise sur le banc devant la maison, Élise venait de voir la relève des scientifiques passer derrière elle. Deux agents entrèrent et quelques instants plus tard les deux autres sortirent. Elle les observa en passant un bras derrière son dossier. L’un des agents tituba, son collègue le retint par réflexe. Puis les deux retirèrent rapidement leur filtre respiratoire, ainsi que la capuche de leur combinaison. Leurs cheveux étaient humides de condensation. Elle repensa alors à ce que son médecin avait suggéré et pourquoi il n’y avait rien d’alarmant. Deux agents avec un mal de tête léger et passager et à l’instant peut-être un étourdissement. Même avec leur entraînement, respirer à travers des filtres était difficile et pouvait provoquer ce genre de symptômes, particulièrement en cas de stress et d’exercice physique. Malgré leur entraînement, le nombre des « malaises » était toujours statistiquement possible, mais si cela continuait il faudrait peut-être changer d’approche.

— Oui je vous écoute, finit-elle par répondre.

— J’ai des problèmes de synchronisation avec les appareils de mesure près de la cible. Depuis le début, j’ai régulièrement des coupures de quelques secondes dans les lectures. Pour l’instant je ne me l’explique pas.

La commandante fut un peu surprise de la banalité du commentaire, il n’avait pas à l’informer de ce genre de détail.

— Peut-être des parasites, une ligne électrique touchée proche de la maison ? se hasarda-t-elle.

— Non, ce ne peut pas être aussi simple, c’est comme si les buffers ne se vidaient pas assez vite.

— Et en français ?

— Les appareils proches de la cible enregistrent en continu des données, les assemblent en paquets et les transfèrent vers le centre opérationnel. Tout est sécurisé et synchronisé et il me semble que les données venant de l’intérieur mettent plus de temps à transférer leurs paquets que normalement. J’ai vérifié tous les protocoles, tout fonctionne de manière optimale. Le système de transmission compense ces erreurs présentes sur tous les appareils de mesures, mais au bout de deux minutes environ j’avais une coupure de quelques secondes et cela ne fait qu’empirer, maintenant c’est presque vingt secondes, c’est complètement incompréhensible.

Elise ne savait pas quoi dire, elle connaissait les qualités professionnelles de son agent que ses collègues appelaient « Tech », mais elle n’était pas suffisamment aguerrie sur les technologies qu’il utilisait. Elle le croyait, mais ne savait pas quoi faire de cette information. Changeant de sujet, elle lui posa une autre question.

— Avec les surveillances des rythmes cardiaques, pouvez-vous évaluer le niveau de stress des agents proche de la cible ?

Tech, un peu surpris de l’orientation que prenait la conversation n’en laissa rien paraître et répondit.

— Tout va bien de ce côté, je dirais même que cela aurait plutôt un côté calmant, les rythmes cardiaques ralentissant sensiblement en entrant dans la pièce.

Il fit une courte pause et reprit.

— J’avais une autre information ma commandante. Le briefing parlait d’une présence potentielle d’hostiles sur le site. Nous sommes arrivés très vite et il n’y a aucune trace de menace pour le moment. Mais j’ai eu une idée et j’ai repéré une anomalie sur l’autoroute A6, quasiment tous les radars de vitesses se déclenchent les uns à la suite des autres prouvant qu’un véhicule roulant à vive allure aurait quitté la région parisienne en début de soirée et se dirige actuellement dans notre direction. J’essaie actuellement d’obtenir un cliché. Cela n’est peut-être rien et je continue à surveiller, ce comportement n'a peut être aucun rapport avec notre opération, peut-être un "go-fast", une technique utilisée par des trafiquants pour transporter rapidement des marchandises illicites sur de longues distances, mais je voulais quand même vous alerter.

— L’objet est minéral, ce n’est pas un satellite, on a donc peu à craindre du côté d’hostiles potentiels mais continuez votre surveillance, répondit la commandante.

— Très bon travail, ajouta t'elle.

Mettant fin à la discussion, elle se dit qu’elle avait vraiment une équipe formidable. Jamais il ne lui serait venu à l’idée de faire ce genre de vérification.

Deuxième taxi

Au mot « commissariat », Julien se détendit un peu. Et il accepta de descendre du véhicule. Le taxi reparti aussitôt. Effectivement, une rangée de véhicules de la police nationale étaient stationnés devant un bâtiment. Julien se dirigea vers la grosse porte en bois qui donnait sur la rue et, arrivé à quelques mètres, il se rendit compte que c’était l’entrée du bâtiment suivant. Il entreprit de longer les fenêtres barricadées sur sa gauche quand un vrombissement le fit sursauter. Un véhicule muni d’un gyrophare venait d’apparaître au bout de la rue.

Restant sur place, Julien regarda le véhicule s’approcher rapidement. Arrivé à sa hauteur, le chauffeur lui demanda.

— C’est vous le colis ?

— Hein ?!

— C’est vous la personne que je dois emmener ?

Perdant patience en regardant un bout de papier. Il reprit.

— Monsieur Julien Bonnet ?

— Ah oui c’est bien moi !

— Montez derrière !

Julien s’exécuta. À peine la porte fut fermée que le véhicule démarra en trombe. Installant rapidement sa ceinture de sécurité, il essaya de prendre quelques informations auprès du fonctionnaire. Tout ce qu’il apprit c’est que, quelles que soit ses relations « Il était inadmissible d’utiliser les moyens publics pour des voyages personnels », et quand il essaya d’argumenter : « Qu’il ne faut pas parler au pilote ! »

Le véhicule allait très vite, les rues étaient vides, mais quand même ! Le gyrophare envoyait des reflets sur les façades, mais cela ne suffirait pas à prévenir une collision. Julien essaya de renouer le contact avec son « pilote », il entendit vaguement « … en un seul morceau » couvert par le rugissement d’une accélération.

Julien se sentait très fatigué, mais il éprouvait pour la première fois de sa vie la sensation d’être collé au siège d’un véhicule. Lyon une fois quitté, la situation ne s’améliora pas, le véhicule dépassant les deux cents kilomètres à l’heure.

La peur, peur de la vitesse, peur de l’accident, avait eu deux effets sur Julien. Il n’avait plus du tout sommeil. Il savait qu’il n’avait pas bu à s’en rendre malade, mais maintenant il se sentait très nauséeux !

Le voyage ne dura que quarante minutes, mais sembla beaucoup plus long. Il y eut un barrage que le fonctionnaire passa en montrant son badge. Il freina brusquement, lui demanda de sortir et repartit en faisant crisser les pneus.

— Oui, merci à vous ! fit Julien ironiquement, le véhicule déjà loin.

Il respira l’air frais nocturne, la nausée commençait déjà à passer, mais il lui faudrait encore un bon moment pour récupérer totalement. Reprenant ses esprits, il inspecta la rue.

Rencontre avec Julien

Une belle femme encadrée de deux hommes marchait d’un pas déterminé dans sa direction. Machinalement Julien rentra le ventre et se redressa. Se tenant droit, il commença à se diriger vers son comité d’accueil.

Élise fut prévenue qu’un agent en voiture venait de passer le barrage filtrant et qu’il amenait un certain Julien Bonnet. Elle se mit aussitôt en chemin pour ne pas perdre une minute. Après quelques mètres elle fut rejointe par le lieutenant Mercier et un de ses agents. L’homme avançant dans sa direction était assez banal, la cinquantaine bedonnante, une calvitie bien installée, un physique correspondant à un travail sédentaire.

Arrivé à quelques mètres, le militaire qui accompagnait les deux responsables leva la main pour demander l’arrêt du civil.

— Papier d’identité !

— Euh oui, bien sûr, fit Julien en cherchant dans ses poches.

Cette formalité passée, le militaire lui tendit deux feuilles. Les deux autres militaires étaient immobiles et silencieux. Lisant le document, Julien se refit la même réflexion qu’un peu plus tôt, « des grands paranos ». Lui faire signer un document de non-divulgation, secret militaire blablabla avec toute une liste des sanctions possibles… Un peu exagéré tout ça. Arrivant à la fin de sa lecture, le planton lui tendit un stylo. Il signa sans commentaire. Rendit le document, et la femme s’adressa enfin à lui.

— Vous êtes sous emprise ?

— Que ? que voulez-vous dire ?

— Avez-vous bu de l’alcool ? Ou pris d’autres substances ?

— Je passais une bonne soirée avant que vous veniez me chercher, j’ai effectivement un peu bu, mais je suis resté raisonnable, vous m’avez empêché d’aller trop loin.

La commandante suspicieuse ajouta

— Vous êtes pâle !

— La faute probablement à votre taxi !!

— Très bien accompagnez nous.

Le groupe avança en direction de la maison des Lefèvre. Élise lui faisant un résumé de la situation.

— Il y a environ cinq heures, un objet est tombé du ciel. Il a traversé le toit d’une maison. Son aspect est… inattendu. Sa température est entre trente-cinq et quarante degrés, il fait deux mètres cinquante de haut. Il est légèrement radioactif, mais largement en dessous des doses dangereuses, nous n’avons détecté aucun danger, mais nous allons tout de même nous équiper d’une tenue de protection. Il y a eu pas mal de poussière et… des personnes qui le surveillaient ont eu de léger mal de tête et une a été prise d’étourdissement…

Julien à ce moment était à la fois excité, intéressé et stressé, ce qui maintenait son état nauséeux à un niveau encore trop élevé. Découvrir une météorite était déjà rarissime, mais être sur un site d’impact, d’un objet ni trop petit ni trop gros et en si peu de temps c’était tellement improbable que cela devait être une première fois. Il fallait absolument qu’il tente d’obtenir la levée du secret pour publier une étude sur ce cas. De plus, les militaires lui avaient fait miroiter quelque chose d’inattendu !!

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