Chapitre 8

7 minutes de lecture

Devant la maison des Lefèvre

Arrivé devant une maison, Julien imita la femme. Il prit une combinaison intégrale de couleur jaune, puis elle lui tendit un masque équipé d’une cartouche filtrante, et lui montra comment l’installer.

Ça va ? lui demanda-t-elle.

— Oui.

— Bien, on entre, vous n’approchez pas à moins de deux mètres, vous observez, vous ne touchez pas ! vous ne parlez pas. On reste cinq minutes maximums, et on ressort. Compris ?

Julien pensant encore a de la paranoïa

— Oui. Euh on entre où ?

En se retournant, Julien s’aperçut de dégâts sur la toiture. Il pensait devoir marcher un peu plus loin dans la rue pour découvrir l’impact. Elle lui avait bien parlé de deux mètres cinquante ?! En estimant vingt kilomètres à la seconde, un type chondrite… même avec beaucoup d’approximation, le quartier aurait dû être rasé ! Et même pas ! La friction de l’entrée dans l’atmosphère, les contraintes thermiques… la roche aurait dû se fragmenter en haute atmosphère ! Un objet plus léger ? Très léger même ? Du jamais vu ! Il lui faudrait absolument obtenir le droit de faire un article, ça en valait un dans la prestigieuse revue « Nature » ce genre de découverte !

— Vous pensez que d’ici quelque temps je pourrais avoir l’autorisation de divulguer cela ?

Ne répondant pas et indiquant des bâches opaques devant l’entrée de la maison, la militaire dit simplement :

— On entre !

Julien n’insista pas.

Élise passa devant lui, écarta la bâche. Julien essaya bien de regarder par une fenêtre donnant sur la rue, mais ne vit absolument rien. Il comprit juste après : Les militaires avaient entièrement bâché la pièce, même les fenêtres, ils avaient même fait un sas ! « Mais quelle bande de paranos », se dit-il.

Quelques secondes plus tard, il se tenait devant un objet.

L’objet

Il en avait écrit des livres, les avaient étudiés toute sa vie, il avait même démasqué des arnaqueurs sur les réseaux sociaux. Ceci ne correspondait à rien… Même les arnaqueurs faisaient mieux !

C’était juste un bloc de roche. La partie qui ressortait du sol était légèrement noircie. Impossible de connaître la profondeur à laquelle il avait pu s’enfoncer. Au-dessus, un aspect assez classique, pas du tout noirci. La matière semblait presque fragile, légèrement granuleuse, un peu comme du sable ou un plâtre grossier. Le plancher n’était même pas brûlé. Le canapé ! les fibres synthétiques n’avaient même pas roussi ! Pourquoi mettrait-on autant de moyens pour… lui faire une blague ? Ou alors, c’était plus grand que ça. Ce qu’il vivait n’avait rien d’une plaisanterie créé pour lui jouer un tour ! Peut-être un exercice militaire ? À ce moment seulement il s’aperçut qu’il y avait quelqu’un d’autre dans la pièce. Derrière la lumière d’un projecteur, deux autres militaires le regardaient. Julien devinait même des instruments sophistiqués disposés autour du bloc. Cela ne pouvait être qu’un exercice et lui, avait gâché sa nuit et sa dernière journée de colloque pour ça…

Bravant l’interdit, il s’avança en tendant la main. Aussitôt, une main ferme le saisit par l’épaule et le tira en arrière. En se retournant, il vit la femme lui pointer le sas d’entrée.

— Non, mais attendez ! Fit-il d’un ton assuré qui le surpris lui-même.

La militaire croisait ses bras sur sa poitrine et attendait.

— Je ne sais pas pour qui vous vous prenez pour enlever les gens au milieu de la nuit pour ça. Je devrais porter plainte d’ailleurs.

Elise le coupa aussitôt sur un ton très calme

— Non ! vous ne pouvez pas, vous avez signé !

Après avoir levé les yeux au ciel, Julien reprit

— Oui, je n’ai pas lu toutes les petites lignes, mais l’idée était d’aider mon pays avec mon expertise. Et je ne vois pas en quoi je peux vous aider. C’est soit une plaisanterie, soit un exercice, et ça ce n’était clairement pas dans les papiers que j’ai signés. Vous auriez dû engager un acteur pour mon rôle !

— Monsieur, je vous assure que vous faites erreur, nous avons assisté à la chute de l’objet !

— Mais arrêtez votre numéro ! Une météorite de cette taille aurait rasé le quartier ! Toutes les vitres de la ville auraient volé en éclats probablement ! Ce ne peut être qu’un canular ! Ramenez-moi à mon hôtel.

La militaire ne broncha pas.

— OK, reprit Julien, dans ce cas, permettez-moi de vous le prouver.

Toujours sans réaction, il passa dans ce qui avait été une petite cuisine et ramassa une fourchette.

Il s’approcha du rocher, vérifia que la chef des militaires le laissait faire et poursuivit en pointant la fourchette.

— Ceci, madame, ressemble beaucoup à de la roche sédimentaire, c’est probablement friable et cela n’a pas pu traverser l’atmosphère.

En parlant, il commença à gratter la roche jaune, celle-ci s’effrita rapidement. D’abord satisfait de sa démonstration, il fit rapidement un pas en arrière devant l’avalanche de sable qui suivit. Un petit ruisseau de sable tombant presque à la verticale s’était transformé en torrent. Du trou formé à hauteur d’épaule apparurent des craquelures qui zébrèrent la partie haute. C’était magnifique. Mais, de chaque fissure commençait à s’écouler de nouveaux torrents, provoquant de nouvelles fissures. L’équivalent de dizaines de kilos, peut-être même plus de cent tombèrent au sol.

Julien qui avait finalement reculé jusqu’à avoir le dos au mur entendit quelques jurons et un bruit de chute métallique. Probablement un des instruments qu’il avait aperçus en entrant.

Le mini cataclysme terminé, une étrange structure cristalline restait intacte sur l’objet.

C’était, c’était… un bloc de roche noir compact et massif. La partie qui ressortait du sol montait tel un muret de quatre-vingts centimètres de haut. Au-dessus de ce « socle », des cristaux énormes, de base hexagonale, pointaient vers le ciel. Enfin, vers la bâche qui fermait le trou du toit. Les cristaux étaient légèrement transparents, assez proches du quartz fumé. Tous collés les uns aux autres, s’arrêtant par des pointes pyramidales à différentes hauteurs, avec une tendance à avoir les plus hauts aux centres de la structure et les plus petits en périphérie. On pouvait deviner quelques nuances dans les teintes, certains plus clairs que d’autres. Mais tous semblaient strictement verticaux.

La pièce était sublime. Et l’effet d’avalanche du sable avait vraiment été saisissant, du grand spectacle ! Des cristaux de cette taille même pour du simple quartz fumé devaient valoir une fortune. Mais encore une fois pourquoi toute cette mascarade ?!

La commandante regardait de minces filets de sables retardataires qui s’écoulaient, serpentant autour des cristaux. Elle regarda ses scientifiques. Ceux-ci s’affairaient autour de leurs instruments. De toute façon ils n’oseraient pas parler tant que Mr Bonnet serait là.

Toujours armé de sa fourchette, il semblait médusé. Passé un certain temps, il s’avança pour toucher un des cristaux. Elise l’intercepta et lui fit signe de sortir. Malgré la buée qui commençait à recouvrir sa visière, Julien sut que cette fois ce n’était pas négociable.

Après un soupir que personne n’entendit, il obtempéra. Élise lui ouvrit le sas d’un bras et le laissa passer devant.

Disparition inquiétante

En sortant de la maison, il arracha en toute hâte le masque respiratoire. On étouffait là-dedans. Et aussitôt, il commença son discours.

Julien finissait de retirer sa combinaison de protection quand du bruit dans le sas le fit se retourner. S’attendant à voir la femme qui lui avait semblé être la responsable de l’opération, il fut déçu de ne voir qu’un des agents qu’il avait vu dans la pièce.

— C’est votre chef, la femme n’est-ce pas ?

Personne ne répondit. Mais l’agent qui était en train d’enlever son masque hocha la tête.

— Appeler là j’ai deux mots à lui dire !

Le Lieutenant Kevin regardait l’homme qui venait de sortir. Les deux hommes se regardèrent ainsi quelques longues secondes. Quand le lieutenant dit.

— S’il vous plaît ? pouvez-vous dire à la Commandante Dubois de revenir, nous avons des choses à éclaircir !

L’agent fixa son lieutenant un instant, il fronça les sourcils.

— Mais je ne sais pas où elle est monsieur ?! Je viens de sortir moi !

— Mais !! Que dites-vous ?! Elle était avec vous !

— Mais pas du tout ! Elle vient de sortir en suivant le civil !

Oubliant toutes les règles de sécurités, Kevin fonça vers l’intérieur, elle avait dû faire un malaise, elle était peut-être tombée, le sas était très sombre. Rien dans le sas… En entrant dans la pièce, il resta choqué devant la nouvelle apparence de l’objet de leur mission.

Avisant le deuxième agent de garde qui semblait s’énerver à régler un instrument de mesure, il demanda.

— La commandante ?

— Vous venez de la rater, elle est sortie, il n’y a pas deux minutes, vous avez dû vous croiser !

— Non ! J’étais devant, elle n’est jamais sortie ! Vous l’avez vu passer par le sas ?

— Oui, tout à fait ! d’ailleurs mon duo la suivit, il ne se sentait pas très bien.

— Ah ?! Et que disent les relevés maintenant ?

— Il y a eu un pique de radiation pendant la chute du sable, à peine plus haut que la normale depuis cela s’est restabilisé. Mais on a perdu la caméra et le spectromètre, je n’arrive pas…

Le Lieutenant qui venait juste de remarquer tout le sable au sol le coupa et lui dit.

— Installez rapidement une nouvelle caméra, plus éloignée, disons proche des fenêtres, ensuite ne revenez pas.

La mission était vraiment étrange et tout partait en vrille. Basculant sur sa radio sur le canal général.

— La commandante a disparu, je veux tout le monde sur le coup. L’objet a changé d’apparence, c’est toujours minéral, mais ce sont des cristaux maintenant. Je veux un contrôle de tout le périmètre, on installe un projecteur devant le sas et on ouvre la première bâche. Interdiction de rester dans la pièce plus de quelques minutes. On fouille le reste de la maison et les terrains autour. Que dit la surveillance aérienne ?

Après quelques longues secondes, le responsable des drones répondit sur un rythme prouvant son stress.

— Rien d’anormal à signaler, j’ai enregistré : entrée du civil, entrée de la commandante, sortie du civil, sortie de l’agent 048 et votre entrée. Rien de plus. L’émetteur de la commandante n’est pas visible, pour moi elle est encore dans la maison.

Suivant son collègue qui sortait chercher une autre caméra, le lieutenant continua.

— La commandante aurait disparu dans le sas, c’est complètement incompréhensible, si quelqu’un à une idée je suis preneur.

Après vingt minutes de fouille, après avoir vérifié les écrans tactiques, les enregistrements des drones, le verdict était tombé même si personne ne l’acceptait. En une fraction de seconde, entre les deux bâches qui formaient le sas, la commandante Élise Dubois avait disparu !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire KaTextil ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0