Chapitre 10

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Discussion interdimensionelle

— OK… je vous propose de nous poser une question à tour de rôle, fit Elise.

— Acceptons ! Les entités de votre dimensionnalité sont-elles liées ?

— Je ne comprends pas « liées » ?

— Les deux entités précédentes ont affirmé être liées, mais il n’y avait pas de lien mental entre elles !

— Nous sommes des entités indépendantes les unes des autres. Nos liens se font par interactions physiques et par la communication. Nous avons les liens familiaux, amicaux, professionnels… nous pouvons aussi communiquer sur de grande distance… enfin à l’échelle de notre planète, grâce à la technologie.

— Plusieurs concepts ne sont pas clairs.

— D’accord, dans ce cas, expliquez-moi comment fonctionne votre espèce. Et je pourrais peut-être mieux vous expliquer la nôtre.

— Nous sommes un, nous ne sommes pas de votre dimensionnalité, nous retournons les lieux non… nous replions les espaces pour découvrir le tout.

Élise Attendait une suite qui n’arrivait pas, coupa le silence.

— Euh, plusieurs concepts ne sont pas clairs.

— Expliquer « terre » et « famille », reprit l’entité

— La terre et le nom que nous donnons à notre planète, le sol sur lequel nous nous déplaçons. Et la famille (qui au passage est une deuxième question, pensa-t-elle) est l’ensemble des liens sociaux qui unissent les personnes de la même…

Élise se rendant compte que son explication allait tourner en rond se reprit

— Notre espèce est faite d’êtres individuels qui se reproduisent par accouplement d’un mâle et d’une femelle. De cet accouplement apparaît un nouvel être indépendant, mâle ou femelle. Des liens sociaux forts existent entre les êtres issus des couples et sur plusieurs générations. C’est ce qu’on appelle famille.

— Votre terre est pour nous un puits, c’est un affaissement de votre dimensionnalité qui vous emprisonne. Votre « famille » est intéressante, vos explications me permettent de comprendre des concepts abordés avec les deux entités précédentes, je vous remercie. À vous, que désirez-vous comme information ?

— Merci. Vous dites être « un ». Est-ce que cela signifie que vous être plusieurs êtres réunissant vos esprits ?

— Vos explications de « famille » me permettent maintenant de comprendre. Je parle maintenant avec « je », car cela est plus juste. Je ne suis pas plusieurs êtres, mais j’existe en plusieurs lieux. Les replis de l’espace me permettent d’être en plusieurs temps et dimensionnalité. Je suis… comme fractionné en plusieurs parties. À chaque fois que je me déplace, dans un repli de l’espace, une partie de moi reste dans l’espace précédent. Mais je suis toujours « moi ». Je continue d’être un seul, partageant la même pensée, quel que soit le lieu, le temps, la dimensionnalité. Est-ce plus clair ?

Élise faisait preuve de toute la diplomatie possible et elle était déjà fière de la façon dont elle avait pu orienter la « discussion » et faire libérer les civils. Elle savait qu’elle vivait quelque chose d’unique et voulait tirer un maximum d’informations de cet être venu d’une autre « dimensionnalité ». Même si l’idée d’un gaz incapacitant ou d’une hallucination était toujours présent à son esprit d’ailleurs, une légère migraine commençait et la crainte d’une altération de son esprit refit surface.

— Pourquoi venir nous voir dans notre puits ? Avez-vous besoin de ressources ?

— Mon but est d’accumuler du savoir en voyageant. Je viens de trouver le moyen de sonder votre espace. Et c’est encore plus récemment que j’ai découvert votre façon d’exister dans ce « plan ». Et enfin, j’ai découvert votre forme « d’esprit ». Je n’ai pas besoin de ressources de votre « plan » d’existence. J’utilise et transforme de l’énergie. L’énergie est grande dans les replis. Je dispose déjà de toutes les ressources nécessaires. Ma nouvelle question : Dans votre puits-prison, vous êtes vraiment de très nombreuses entités indépendantes. Vous utilisez de nombreuses ressources qui sont pourtant limitées, vous allez donc disparaître. Le savez-vous ?

— Oui… nous sommes presque huit milliards sur terre, notre nombre et notre civilisation ont commencé à changer notre climat. Il est donc admis que notre société vive des temps difficiles dans un avenir assez proche. Ma question : Qu’elle est votre origine ? Dans le sens, comment avez-vous commencé votre existence et depuis quand ?

— Je suis né d’un premier repli, je ne sais pas si j’avais une existence primitive à votre façon avant ça ou si ce repli initial a créé ma conscience. Instantanément, j’ai eu accès à l’énergie qui m’a permis d’investir d’autres dimensionnalités, ce que j’ai aussi appelé « plans » d’existence un peu plus tôt. Dans ces plans, il existe parfois d’autres replis, certains débouchant sur d’autres de ces plans plus ou moins complexes. Certains sont trop petits pour être explorés, mais ils sont pleins d’énergie. Je me suis développé dans ce réseau d’une complexité quasiment infinie. Le temps n’a pas de signification dans les interstices, même s’il me semble avoir un début, je suis et je serai, contrairement à vous. Je comprends votre façon de compter et votre chiffre de huit milliards n’est pas correct. Je… ressens plus du double de « consciences », pouvez-vous me dire d’où vient cette différence ?

L’homme devant elle parlait de façon étrange, c’était surtout le manque d’expressions faciales qui était perturbant, comme un automate, mais avec une diction parfaite.

— Je crois comprendre, vous devez ressentir les êtres relativement évolués. Probablement ce que nous appelons les mammifères. Ici vous êtes en contact avec l’espèce « humaine », qui est le mammifère le plus évolué de la terre.

Elise fit une pose après cette phrase. Devant un être d’une complexité sans limite qui demandait des informations sur son espèce, elle venait de lui annoncer qu’elle faisait partie de l’espèce la plus évoluée de la planète. Mais au regard de quoi ? D’un point de vue de la civilisation, les fourmis savaient cultiver des champignons, faire de l’élevage et vivaient de façon probablement plus harmonieuse que les humains. Un léger malaise la prit, l’image devant elle ne représentait rien et peut être qu’un œil de la taille d’une galaxie était braqué sur elle comme l’œil d’un curieux observant une bactérie dans un microscope. Se reprenant partiellement, elle reprit.

— Il y a des milliers d’autres espèces de mammifères et nous avons encore d’autres espèces, les poissons et les insectes ayant des cerveaux plus primitifs.

En espérant intérieurement ; « ne nous comparez pas aux fourmis… »

— Et pour approfondir un peu il existe aussi sur notre terre des espèces vivantes sans « esprits » comme les végétaux et des êtres très petits donc trop simples comme des bactéries.

Continuant avec le jeu des questions-réponses Élise reprit

— Utilisez-vous une forme de technologie, des outils pour vous maintenir en vie et vous déplacer ?

— Je déjà expliqua, manipulons et consommergie des interstices et des replis. Je ne dépendons pas d’outils pour le faire. Je ne savons pas comment jessom apparus la technologie a peut-être aidé. Maintenant je créons outilogique pour contact.

Élise ressentait de plus en plus un mal de tête et la compréhension de l’être virtuellement en face d’elle devenait vraiment plus laborieuse.

— Quelles êtres toseractions avec autammifères ?

— J’ai… des… douleurs à la tête, des… difficultés à vous comprendre et je pense que c’est lié. Je ne sais pas combien de temps je pourrai… continuer notre échange ! dit-elle difficilement en faisant la grimace.

La compréhension s’améliora.

— Je suis désolé de votre altération désagréable, je vais tenter de limiter la… force. Est-ce mieux ?

Sentant aussi immédiatement un soulagement la commandante, après quelques secondes, reprit :

— Merci, oui c’est mieux ! Se souvenant de la question sur les autres espèces, elle enchaîna. Les autres mammifères sont de deux types. Il y a les espèces dites « sauvages » qui vivent à distance de notre propre espèce et il y a les espèces domestiquées, que notre espèce a sélectionnées pour nous aider et nous nourrir.

Élise se rendit compte que son interlocuteur risquait de réagir face à cette explication, elle s’empressa de continuer.

— Nous avons besoin de consommer certaines espèces. Comme vous avez besoin d’énergie. Les animaux sauvages entre eux fonctionnent de la même façon. Ceci est lié à notre biologie.

Un peu inquiète, elle attendit la réaction de la conscience. Ce n’était pas vraiment un mensonge même si de plus en plus de personnes ne consommaient plus de viande.

— Je comprends. Avez-vous une autre question ?

— Oh oui, bien sûr ! Avez-vous rencontré d’autres espèces intelligentes dans notre univers ?

— Vous avez été la première que j’ai ressentie dans cet univers. Grâce à notre expérience, j’ai pu me concentrer sur votre « façon d’exister » si différente et j’ai depuis découvert quatorze mille cinq cent vingt et un puits abritant la vie, dont quarante-trois comportant des espèces correspondant à votre critère d’intelligence. Je suis en train de créer d’autres conscientateurs pour les déplier vers leur puits. Ma question : Les autres espèces mammifères savent-elles qu’elles seront aussi détruites ?

— Toutes les espèces connues de la terre ont une durée d’existence naturelle limitée. Nous savons que certaines espèces, tout comme la nôtre, comprennent la mort, la fin de vie, et éprouvent de la tristesse à la mort, perte ou destruction d’un être de leur famille ou ami. Si vous parlez de la modification du climat, à notre connaissance, aucune autre espèce de la terre ne peut le comprendre. Mais je suis d’accord, de nombreuses espèces vont disparaître avant la nôtre. Certaines ont malheureusement déjà disparues. A mon tour : Avez-vous la connaissance pour nous aider à réguler les changements rapides de notre climat ?

— Votre dimensionnalité est très différente de tout ce que je connaissais jusque-là. Mes interactions en dépliants des « outils » dans votre plan sont très limitées pour ne pas risquer de déchirer l’espace. Je n’ai pas encore parfaitement compris les fluctuations du temps et des durées de votre plan. Je commence seulement à comprendre comment votre espèce a modifié votre monde jusqu’à créer le déséquilibre thermique. Pour moi, la température n’est qu’énergie alors que pour vous la moindre variation peut être mortelle. Ma question : Comment les autres mammifères ou autres espèces conscientes de votre monde réagissent-ils s’ils ne comprennent pas ce changement ? Je veux dire, est-ce que vous les tenez dans l’ignorance ? Est-ce que vous leur mentez ?

Élise se rendit compte, une fois encore, que le mensonge semblait vraiment poser un gros problème à l’entité. Celle-ci avait déjà dit comprendre l’utilisation d’armes et semblait donc aussi comprendre la compétition pour la survie, et ce, sans poser de jugement. Mais le mensonge semblait être vraiment quelque chose de grave.

— Nous ne mentons pas aux autres espèces ! Pas plus que nous ne les tenons dans l’ignorance. Pour que vous compreniez, je dois vous dire que nous ne savons pas vraiment communiquer avec les autres espèces de mammifères, nous pouvons, à force d’observations, comprendre leur comportement, et ce n’est que très récemment que nous avons réussi à établir un début de dialogue primitif. Certains mammifères très proches de nous ont réussi à apprendre un langage par signes, nous commençons aussi à comprendre quelques sons de mammifères marins. Une autre question maintenant : Les autres espèces intelligentes que vous avez découvertes dans notre univers, peuvent-elles être nos ennemies ? Où peuvent-elles devenir nos amies ?

Agent ennemi

Émilie avait roulé très vite, assez pour arriver aux alentours de Sainte-Marie au milieu de la nuit. La sortie d’autoroute était à quelques kilomètres de la petite ville. Elle s’était un peu rapprochée puis s’était garée sur le bas-côté. Dans une zone calme et non éclairée.

Vitres baissées, contact coupé. Elle écoutait, en alerte. Elle avait vérifié son deuxième téléphone, celui qui était caché dans son appartement. Mais aucun autre message ne lui était parvenu depuis son départ en trombe de la région parisienne. « Emergency, mission monitoring near Sainte-Marie » suivit des coordonnées GPS de la ville. C’était très vague. Ce n’était pas une mission de surveillance, mais bien une surveillance d’une mission. Le gouvernement pour lequel elle travaillait avait eu une information qu’une mission, probablement « spéciale » était en cours dans la zone. Mais sans nouvelle indication, c’était chercher une aiguille dans une meule de foin…

Après quelques minutes vaines, elle approcha sa main du contact pour rallumer le moteur, quand elle se figea. Un lointain vrombissement provenait de la route qu’elle venait de suivre. Se ravisant, elle vérifia son rétroviseur pour surveiller. Après quelques instants des phares apparurent, elle s’enfonça dans son siège.

Une voiture la dépassa à très grande vitesse.

— Oula toi mon bonhomme, tu sais où tu vas ! se dit-elle, et ici, à cette heure-ci, ce doit être pour la même raison que moi !

Elle démarra en trombe pour essayer de ne pas perdre son guide inattendu de vue. Heureusement pour elle, la voiture qu’elle filait dut rapidement ralentir en entrant dans l’agglomération. Son intuition se confirma quand le véhicule s’arrêta à un barrage filtrant. Grâce à d’excellents réflexes, Émilie bifurqua aussitôt dans une petite rue avant d’avoir attiré l’attention des gardes. Elle sortit en courant pour rejoindre à pied le carrefour qu’elle venait de quitter. L’angle était malheureusement bien éclairé, mais elle n’avait pas le choix si elle souhaitait pouvoir obtenir des informations. Elle se jeta à plat ventre contre le bâtiment ne laissant visible d’elle qu’une partie de sa tête, au ras du sol, et un appareil d’agrandissement optique, sorte de jumelles pour un seul œil.

Dans sa position elle vit le planton tendre des documents au conducteur du véhicule et indiquer à l’aide de grands gestes du bras, le chemin que celui-ci devait suivre pour atteindre son objectif.

Regagnant sa voiture, elle avait des sentiments partagés. Le véhicule était de la gendarmerie et se rendait certainement sur le lieu qu’elle-même devait surveiller. Mais les autorités en charge avaient déjà fait établir des barrages filtrants ! Impossible d’approcher par ce côté. Vérifiant la carte des lieux à l’aide de son GPS, elle constata que la direction indiquée par le garde désignait une sorte de petit village proche de cette ville. Peut-être qu’en ressortant et contournant l’agglomération… elle repéra de toutes petites lignes bien différentes des indications des routes ; des chemins de campagne ! avec un peu de chance elle pouvait échapper aux barrages, mais avec le gros désavantage d’être facilement repérée en rase campagne…

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