Chapitre 12

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Réapparition des civils

Les Lefèvre étaient assis dans leur canapé, Isabelle et Léo étaient dans la même position qu’ils avaient adoptée de nombreuse fois pour regarder la télé. Mais le temps d’un clignement d’œil, ils réalisèrent que la situation était vraiment très différente. Au milieu du salon, un énorme rocher couvert de nombreuses pointes noires cachait le téléviseur. Isabelle regarda Léo déconcertée. De son côté son fils semblait fasciné par les reflets des cristaux !

— Léo ? demanda-t-elle

— Oui, maman ? fit-il en la regardant.

— Est-ce que ça va ?

— Oui.

Isabelle essayait de se rappeler vainement ce qui s’était passé, ses pensées étaient confuses. S’étaient-ils endormis devant la télé ? Elle avait le vague souvenir d’un polar. Et c’était quoi ce rocher planté chez elle ? Elle s’était levée, les membres un peu ankylosés. Elle avait remarqué que Léo en pyjama était encore pieds nus et avait dit machinalement.

— Léo !! tes chaussons

La lumière était étrange, il faisait à la fois sombre et un vif éclairage provenait de derrière le canapé.

Son fils maintenant debout et équipé de ses chaussons, elle lui saisit instinctivement la main en se levant. Il y avait une bâche devant la porte ? En quelque pas ils se trouvèrent dehors et instantanément, plusieurs hommes virent à leur rencontre en courant.

— Lieutenant Kevin Mercier, fit le premier, qui êtes-vous ?

Toujours dans un état de confusion, Isabelle répondit :

— Isabelle, Isabelle Lefevre et mon fils Léo, que se passe-t-il ici ?

— Pouvez-vous me dire d’où vous venez ?

C’est Léo qui répondit en premier.

— Du canapé !

Le lieutenant un peu agacé reporta son attention sur la femme, attendant plus de précision.

— Euh oui, on était chez nous, dans le canapé. Finit-elle par répondre.

— OK très bien, mais avant cela ? C’est important, faite un effort ?

Devant l’air absent de la mère et de son fils, le lieutenant les fit prendre en charge par leur médecin et retourna dans la maison en appelant sa commandante.

Rallumant sa radio, il annonça :

— Les habitants de la maison viennent d’apparaître, apparemment sur leur canapé, tout simplement. La commandante elle, n’est toujours pas là. Si j’étais face à une prise d’otage, je dirais qu’elle a négocié la liberté des civils. Mais c’est vraiment n’importe quoi.

Deux réponses se mêlèrent ensuite dans la radio. L’une des forces de frappe, l’autre de « Tech », leur spécialiste en surveillance. Automatiquement le groupe force de frappe qui avait toujours la priorité, recommença pendant que Tech patientait.

— Civil en approche derrière l’église, menace faible, il ne semble pas armé.

Quelques secondes passèrent et Tech confirma.

— Effectivement j’ai une signature thermique en approche, arrivée sur site dans environ quatre minutes.

Et revenant à son message initial, il continua :

— Et toujours aucun signe de la commandante de mon côté.

Comment réagir, il savait que ses hommes attendaient ses instructions. Normalement on lui interdirait simplement l’accès mais « À situation désespérée », autant tenter quelque chose d’inhabituel, se dit-il avant d’annoncer.

— À tout le monde, un civil est en train d’approcher. Il va arriver par le même côté que nous, depuis l’arrière de l’église et devrait voir le camp de base dès qu’il approchera. Pour le moment on le laisse faire, je veux connaître sa réaction. On ne se cache pas, mais on ne l’approche pas. Force de frappe, tenez-vous prêt pour l’interception et n’attendez pas si son comportement est dangereux ou s’il a une arme.

Le silence revint. Kevin savait que pendant ce court laps de temps, les deux groupes de force de frappe se coordonnaient. L’analyse stratégique était facile. Il était très probable qu’un groupe soit monté dans le clocher à leur arrivée, il était aussi logique que ce groupe disposant d’une situation idéale pour la surveillance reste en place et que le deuxième groupe se redéployait pour être prêt. Machinalement le lieutenant resta immobile et silencieux, espérant repérer ses experts. Mais il n’entendit aucun signe de mouvement. Ils étaient vraiment très forts, mais ils pouvaient aussi bien être simplement hors de sa perception.

Coïncidences ?

Vincent marchait depuis plus de vingt minutes sur le sentier. Sans éclairage. La lueur du ciel nocturne et l’accommodation de sa vue ne rendaient pas l’exercice spécialement difficile. Il arrivait maintenant aux abords de l’église. Le chemin contournait l’édifice par la droite. Il passa devant la grille d’entrée puis, en contrebas il vit un peu d’agitation dans le terrain d’une maison.

Il continua d’avancer un peu plus lentement. Dans son souvenir, le vaisseau devait avoir atterrit quelques rues derrière, il avait vu l’église en arrivant par l’autre côté. Plusieurs détails attirèrent son attention. Une silhouette sur un banc se tenait de dos, les épaules couvertes d’une couverture. Plus troublant encore, aucun pompier n’était visible sur les lieux, comme on aurait pu s’y attendre en cas d’accident ou de malaise. À la place, sous une imposante tente militaire, s’affairaient des hommes en uniforme qui ressemblaient davantage à des soldats qu’à des secouristes.

Bon sang… que faire, longer la route, continuer comme si de rien n’était et voir s’il pouvait rejoindre le point de rendez-vous cosmique ? L’idée de pouvoir s’infiltrer discrètement lui parut soudain absurde, des militaires ne laisseraient jamais quelqu’un approcher aussi facilement. Et quelle était la probabilité qu’un autre événement nécessitant une intervention militaire se déroule à quelques centaines de mètres de « sa » découverte ? Non, la meilleure stratégie était encore d’opter pour la franchise et de se présenter directement à eux.

Le lieutenant mercier s’approchait lui aussi, derrière le coin de la rue depuis l’autre côté quand il entendit dans sa radio.

— Jeune homme, vingt, vingt-cinq ans, menace faible, après quelques secondes d’hésitations, il s’approche du camp de base maintenant.

Le lieutenant répondit.

— Je m’en occupe, restez en surveillance au cas où.

Kevin avait maintenant dépassé l’angle de la rue et traversait le terrain particulier que son équipe avait réquisitionné. Il vit le jeune homme. Celui-ci lui fit un petit sourire en agitant la main, auquel il répondit par un signe autoritaire lui ordonnant de ne pas bouger. En quelques enjambées, ils se retrouvèrent l’un en face de l’autre.

— Bonsoir, vos Nom et Prénom ? demanda Kevin Mercier.

— Euh, Pesquet Vincent, que se passe-t-il ?

— C’est moi qui pose les questions ici ! Que faites-vous ici au milieu de la nuit ?

Il hésita un instant. Mentir était hors de question, sa tentative quelques minutes plus tôt n’avait pas été très convaincante, et face à des militaires, un nouveau mensonge pourrait avoir des conséquences bien plus graves.

— Je retourne à ma voiture qui devrait être un peu plus bas.

Ce n’était pas un mensonge.

— Cela ne répond pas à ma question ! insistât le fonctionnaire.

Bon, nous y étions… après avoir lentement avalé sa salive, Vincent annonça.

— J’ai essayé de prendre contact avec les aliens et il s’est passé quelque chose de bizarre, je voudrais recommencer. Et c’est MOI qui les ai vus en premier !

Il ne savait pas trop à quoi s’attendre. Le type devant lui le regardait étrangement. Est-ce qu’il le croyait ? Avaient-ils tenté quelque chose et eu plus de chance que lui ? Quelle image donnerait notre civilisation si le premier contact était réalisé par des militaires !

Indiquant un muret bordant l’église, une vingtaine de mètres derrière lui, le militaire lui annonça.

— Allez-vous asseoir là-bas et ne bougez plus, je vous envoie quelqu’un.

Le lieutenant Mercier réfléchissait. Devant une telle déclaration et dans d’autres circonstances que ferait-il ? Et ensuite dans ces circonstances très particulières… Il arrivait sous la tente, la mère et son fils buvaient quelque chose, le médecin les avait auscultés. Il remarqua sur un banc le spécialiste en météorite toujours l’air renfrogné.

S’adressant aux agents présents :

— Vous m’éloignez ce gars ! indiquant d’un léger signe de tête Julien.

Aussitôt un agent se leva pour conduire le docteur Bonnet à bonne distance. Le responsable continua.

— Le nouvel arrivé semble au courant de certaines choses, on commence par un dépistage, alcool et stupéfiants. Ensuite vous l’amenez ici, on l’installe comme les autres, de façon à ce qu’il ne voie pas nos écrans.

Continuant méthodiquement à isoler les problèmes et témoins potentiels.

— Utilisez aussi une maison de la rue pour installer la mère et son fils, il y a beaucoup trop de témoins par ici. Je veux au moins trois personnes pour les surveiller et regardant le médecin, et si ce n’est pas fait, faites tous les tests possibles dont vous disposez en incluant l’enfant.

Ceci fait, il repéra avec une certaine joie, que quelqu’un avait récupéré une cafetière, probablement dans une des habitations proches, en allant se prendre une tasse, il se dit que ce matériel aurait dû faire partie de l’équipement à emmener en déploiement. Le stress de la recherche de la commandante l’avait épuisé et il ne pouvait pas se permettre de se relâcher. Il prit quelques minutes à l’écart pour faire le point et envoyer un rapport partiel au QG ainsi qu’à l’équipe bêta.

Il reçut pendant ce temps un message de l’agent qui avait testé le nouveau venu. Il était « clean », il n’avait pas consommé d’alcool et aucune drogue détectable avec le kit standard.

— Bon, se dit-il, il est temps que nous ayons une conversation.

Il fit venir le jeune homme sous la tente et le fit asseoir.

— Monsieur Pesquet, vous m’avez parlé de votre voiture et d’aliens… pouvez-vous préciser votre pensée ?

Le militaire n’avait ni l’air de rigoler ni l’air de le prendre de haut. La main encore posée sur un petit coton dans le creux de son bras, conséquence de la prise de sang effectué par ce qui devait être un médecin militaire, Vincent essaya d’être le plus précise possible.

— Je suis en stage dans un laboratoire d’astrophysique sur Paris. Ce matin euh ou hier matin ? J’ai découvert une météorite en trajectoire d’impact avec la terre. Malgré mes remarques mon responsable n’a pas eu l’air étonné que cet objet ralentisse, ce qui est impossible ! En quittant le labo, je suis descendu en voiture espérant trouver un ovni.

Il continua en se justifiant.

— Ma voiture est vraiment là, quelque part, pas très loin.

— Continuez…

— J’ai suivi l’arrivée de l’objet avec un logiciel de calcul de trajectoire et j’étais tout près quand il est tombé.

Le lieutenant Mercier le coupant :

— Qui ça « il »

— Et ben l’OVNI ! ça ne peut pas être autre chose ! bref, j’ai entendu un « boom » j’ai couru entre les maisons, je suis entré par une petite porte et dans un salon complètement défoncé ; je l’ai trouvé en premier ! Un genre d’étrange rocher. J’insiste sur le premier.

En indiquant une discrète caméra qui était pointée sur lui.

— Vous enregistrez bien, hein ? C’était moi le premier contact !

La commandante avait perçu des anomalies inquiétantes, et maintenant qu’elle avait disparu, c’était à lui, en tant que responsable opérationnel, de gérer cette situation de plus en plus étrange. Ce civil semblait détenir des informations, en savait-il plus qu’eux sur toute cette affaire ? L’hypothèse extraterrestre, aussi improbable qu’elle eût paru au début, prenait désormais une troublante consistance. La disparition de leur supérieure, suivie de la réapparition inexpliquée de la famille, avait certainement fait germer cette idée dans l’esprit de toute l’équipe, même si personne n’osait encore le formuler à voix haute.

— Oui, oui, tout ceci est enregistré. Continuez.

— Et ben rien. Enfin si, j’ai touché le rocher j’ai entendu « NON » et je me suis retrouvé dans un champ à plusieurs kilomètres d’ici. Je suis revenu le plus vite possible pour retenter le dialogue.

Le lieutenant Mercier était soudain pris d’espoir.

— Avez-vous vu une femme dans le champ ?

— Oui ! Comment vous savez ?

N’y tenant plus, il insista rapidement.

— Elle est en bonne santé, ou est-elle maintenant ?

— Elle est restée dans sa voiture, elle avait peur de marcher dans la nuit.

— Comment ? s’écriât le lieutenant !

Pendant un instant il avait espéré… Le monde s’effondrait de nouveau.

— Oui sa voiture est tombée en panne. Elle est à vingt minutes d’ici.

Accablé, il demanda quand même.

— Et vous connaissez son nom ?

— Oui, Cassandre.

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