Chapitre 15
Le Général
À une bonne distance de là, les interrogateurs entrèrent dans un bureau occupé par un général. Après le salut officiel, celui-ci commença.
— Alors ?
— Les discours de tous les interrogés sont cohérents, le lieutenant Mercier est très professionnel. Et toutes les décisions prises pendant la mission sont conformes aux protocoles. Nous n’avons pas trouvé d’erreur ou de faille de sécurité.
— De la drogue ? demanda le haut gradé.
— Les dépistages préliminaires ne donnent rien. Des prélèvements ont été réalisés pendant leurs examens médicaux, les résultats devraient être disponibles… (regardant sa montre) d’ici une heure. Savez-vous quand nous pourrons interroger la commandante Dubois ?
— Oui… c’est-à-dire que cela va être difficile.
— Elle est décédée ?
— Non… ce n’est pas passé loin, mais on ne peut pas en vouloir au médecin qui l’a prise en charge pendant le rapatriement ? C’est compliqué, vous allez voir par vous-même.
Le général commença à ranger ses affaires dans son sac.
— Et concernant l’équipe Beta, avons-nous reçu les enregistrements des appareils ? demanda l’agent
Le général continuant à regrouper différents papiers
— J’ai eu le capitaine Girard il y a quelques minutes. Nous avons perdu tous les enregistrements, tout le matériel à l’intérieur de la maison est foutu et une sorte d’IEM a grillé tous les enregistrements malgré la classe militaire des disques de sauvegarde. Tout est corrompu, ils n’ont pas réussi à exploiter quoi que ce soit. Ils ramènent le tout pour analyse, mais leurs « Rambos à lunettes » ne sont pas très optimistes.
Relevant la tête il continua
— Nous ne saurons peut-être jamais ce qu’il s’est passé dans cette maison. Il semble qu’il reste un léger rayonnement radioactif.
— Il ne nous reste que les témoignages donc !
— Il y a quand même une maison avec un trou dans le toit, les trace d’une explosion sans résidu d’explosif et… vous aller voir… Elle est une sorte de preuve vivante.
Après de longues minutes de marche dans les couloirs, les trois personnes arrivèrent devant le service médical.
Le général se retournant vers les enquêteurs
— Je dois vous laisser ici, j’ai moi aussi un rapport à faire. Le médecin vous expliquera, et si vous en tirez quelque chose, prévenez-moi !
Les enquêteurs firent un rapide salut militaire et entrèrent dans le service de soin.
Revenant sur ces pas le général ajouta
— Un détail de la déclaration du lieutenant Mercier me dérange, avez-vous interrogé ou retrouvé la femme que Vincent a rencontrée au milieu des champs. Une certaine Cassandre, il me semble ?
Pierre répondit un peu gêner.
— Non, monsieur, la voiture a été saisie, et les analyses d’usages ont été faites. Les empreintes digitales n’ont rien donné et aucun document n’a permis de l’identifier. La voiture avait de fausses plaques d’immatriculation. Nous pensons à un trafic de drogue sans relation avec l’affaire, la voiture ayant été flashée sur l’autoroute depuis Paris…
Le général le coupa.
— C’est quand même une sacrée coïncidence, vous ne pensez pas ? Vous ajouterez les empreintes au fichier des personnes « disparues » et voyez avec l’étudiant si un portrait-robot peut être établi.
État médical
Au bureau d’accueil, un infirmier appela aussitôt le médecin-chef qui arriva rapidement.
Il les invita à le suivre dans son bureau et ne commença à parler de sa patiente qu’une fois la porte fermée.
— Bon, le cas est atypique, c’est le moins que l’on puisse dire… Elle a des symptômes pouvant être expliqués par un trauma crânien ou un AVC, mais les examens ne montrent rien e cela… bien au contraire.
— Peut-elle répondre à nos questions ?
— Je n’en suis pas certain, depuis quelques heures il semble que son état s’améliore légèrement, je pense qu’elle aura besoin de temps pour récupérer, si toute fois c’est possible. Je vous autorise…
Le docteur prit quelques secondes pour réfléchir
— Vingt minutes grand maximum avec elle et à l’unique condition de ne pas la brusquer, soyez les plus bienveillants possibles et au moindre signe d’énervement ou de fatigue je vous demande de prendre congé ! Est-ce bien clair ?
— Tout à fait. Nous sommes prêts, pouvez-vous nous conduire à la commandante ?
La chambre était très sécurisée, un garde à l’extérieur, un accès par badge, des caméras couvrant tous les angles.
Le médecin passa son badge devant le lecteur, un « clac » sec confirma le déverrouillage de la porte, il entra suivit des deux enquêteurs.
— Elle est sous perfusion pour l’hydratation, elle ne souffre pas et n’a pas eu d’autre traitement, elle est donc aussi lucide que possible.
S’approchant de la commandante et en parlant très lentement.
— É li se ? Co mment vous sen tez vous ?
Élise avait le torse relevé, soutenu par deux épais oreillers. Elle portait une de ces horribles blouses de bloc opératoire.
— Je… vais… a ss ez… bien.
Cette phrase lui avait pris presque vingt secondes.
Le médecin prit un stylo posé sur la table de chevet et le fit passer de droite à gauche devant les yeux de sa patiente, très lentement puis en accélérant légèrement.
— C’est mi eux… Je vais ex pli quer à ces mes sieurs ce que vous nous av ez dé jà dit.
Se retournant vers les enquêteurs qui attendaient au bout du lit avec un air d’incompréhension totale.
— Élise trouve que tout va trop vite, comme si nous étions en accélérés.
Désignant un réveil sur la table de chevet, il continua.
— Nous lui avons amené cette horloge pour qu’elle comprenne que, de notre point de vue, c’est elle qui était au « ralenti ».
En reposant le stylo, il continua.
— Elle note sur le calepin combien « nos » secondes semblent durer et cela semble évoluer dans le bon sens. Comprenez bien, ce n’est pas juste son élocution qui est lente, mais bien tout son corps, de ses réflexes oculaires à son cœur et effectivement aussi de ce côté j’ai constaté une amélioration. Mais elle n’est pas encore autorisée à faire des efforts ni même à se lever.
Le médecin fit une petite pause puis reprit.
— Pendant son transport le médecin a constaté une bradycardie sévère. Il ne pouvait pas faire un autre diagnostic. Il pensait que son cœur battait trop lentement, il a suivi la procédure. Elise a reçu des doses fortes d’atropine et d’adrénaline. Pour un effet minime. Si vous me demandez mon avis, je vous dirais qu’elle s’est trop approchée des tombeaux du temps…
Les agents restèrent interloqués un moment puis lui demandèrent de répéter.
— C’est de la science-fiction, « Les Cantos d’Hypérion », vous ne connaissez pas ? Bref. C’est comme si par un phénomène inexpliqué son temps était différent du nôtre. Si ce que je dis semble fou, c’est que son état est fou ! l’atropine est l’adrénaline, sur une personne saine, peuvent provoquer une crise cardiaque et je pense qu’elle n’a survécu que grâce à son excellente forme physique. Si nous n’avions pas constaté avec deux électroencéphalogrammes différents que son cerveau était ralenti, nous l’aurions probablement achevé… Bref, si vous parlez trop vite comme je le fais actuellement, elle ne vous comprendra pas. Des cas de lenteurs dus à une altération du cerveau existent, mais cela n’affecte jamais le corps ni les vitesses des ondes cérébrales, c’est complètement dingue. Nous avons aussi testé ses capacités intellectuelles, elles semblent intactes. Son cas et complètement incroyable, mais je suppose que je n’en connaîtrais jamais la cause n’est-ce pas ?
Avec un petit sourire compatissant, l’un des deux hommes demanda à ce qu’il les laisse seuls
Le médecin sorti sans rien ajouter.
— Commandante Dubois, pouvez-vous nous expliquer où vous aviez disparu ?
Élise se mit à froncer lentement les sourcils.
Reprenant la même phrase, mais très lentement
— Com man dan te.. Du bois.. pou vez.. vous.. nous.. ex p li quer.. où.. vous.. aviez.. di s par ue.. ?
Élise se retourna en direction de sa table de chevet, et au ralenti elle saisit le bloc-notes et le tendit à ses interlocuteurs.
— Je ne vois qu’une série de chiffres. Fit-il a son collègue.
— Tou r nez, fit Elise toujours à son rythme.
Tournant la première page, il découvrit un texte qu’il lut à son collègue.
— Météorite = contact avec être venu d’ailleurs. Non hostile. Reviendra pour nous aider.
Reportant son attention sur Élise l’inspecteur se rendit compte qu’elle s’était assoupie. Il consulta le monitoring, son cœur battait toujours, à peine à vingt pulsations par minute.
— Je sens que le général va adorer…
Rapport final
La commandante Dubois dormie plus de cinquante heures aux termes desquelles son état s’améliora encore sensiblement. Un dialogue quasi normal enfin possible, elle fut interrogée de nombreuses fois. Son récit fut accueilli avec le scepticisme attendu. Elle fut ensuite mise « au repos » dans un centre de convalescence pendant deux mois, le temps qu’elle soit complètement remise. Après, elle devrait passer encore de longs mois pour récupérer physiquement. Et à son âge, cela impliquerait certainement sa retraite du service actif.
Le général en charge de l’expérience de ce service mêlant scientifiques et militaires décida de suspendre l’essai. Tous furent félicités pour leur professionnalisme et officiellement la dissolution n’avait rien à voir avec la dernière mission, mais il savait que personne n’était dupe !
Les civils impliqués n’eurent aucun symptôme, Isabelle et son fils purent même retrouver leur maison. Exceptionnellement, les services de l’état intervinrent auprès des assurances pour que les réparations soient prises en charge. L’aspect très « rêvé » de leur contact avec la soi-disant entité aida à leur réintégration dans leur vie tranquille.
La version officielle était qu’un élément d’une fusée émettant des gaz toxiques était tombé sur la maison. Les militaires alors en mission à proximité ont réussi à restreindre le risque pour la population et ont réussi à retirer le dangereux objet sans qu’aucune perte ne soit à déplorer.
Le « spécialiste », Mr Julien Bonnet posa lui, de sérieux problèmes, il dû même être menacé puis placé sur écoute pour s’assurer que les consignes du « secret » étaient bien assimilées.
Le dénommé Vincent, mentionné dans le rapport de la commandante Dubois alors qu’elle ne l’avait théoriquement pas rencontré, ne posa pas de problème en comprenant très bien le côté sensible de l’affaire. Après avoir récupéré son véhicule, il fit parvenir un rapport sur la découverte de l’objet qui correspondait aux mesures initiales obtenues par les moyens militaires. Il faut faire part de son désire, sur lequel il insista lourdement d’être mentionné dans les rapports militaires comme le premier humain à avoir tenté le dialogue avec une race extraterrestre. Il jura de garder le secret si, en cas de déclassification, son nom était cité. Ce rapport doit aussi mentionner que l’entité aurait parlé à la commandante de ce Vincent pour lequel elle n’aurait pas été bien « configurée ».
Dans le rapport rédigé par les deux inspecteurs, le terme extraterrestre ne fut pas mentionné, le ton très sceptique n’expliquait cependant pas de trop nombreux fait.
L’objet fut décrit et dessiné d’après les souvenirs des différents témoins, car aucune preuve ne résista à sa « disparition » toujours inexpliquée. Aucune explication ne put être donnée quant à sa forme et sa prétendue fonction.
La transcription donnée par la commandante Élise Dubois fut mise sur le compte d’un stress, mais son état médical ne trouva pas non plus d’explication.
Un document fut inséré après les conclusions incrédules des enquêteurs officiels. Le général ajouta un texte intitulé « Et si… »
Et si tout ceci était vrai ! Aussi incroyable que semble cette histoire, les agents impliqués, dont la commandante Dubois, sont tous de grands professionnels parfaitement crédibles aux états de services remarquables. Aucune forme de drogue ou de manipulation n’ayant été détectée, nous ne pouvons exclure la possibilité qu’absolument tout ceci fût bien réel et que le témoignage de la commandante Dubois soit absolument capital.
Malgré le manque de preuve matérielle, de trop nombreux fait inexpliqué et témoignages confirment le même scénario.
Du point de vue de la sécurité du territoire, il mentionna que les civils « enlevés » avaient potentiellement donné de nombreuses informations sur l’organisation de notre société à un être multidimensionnel curieux, se disant pacifique, mais allergique aux mensonges. Il insista aussi dans sa conclusion que d’après les dires de l’entité, des races intelligentes existaient dans l’univers dont une potentiellement dangereuse par sa capacité à se déplacer parmi les étoiles.
L’information principale extrêmement importante donnée par ce « conscientateur » est qu’il annonçait vouloir revenir pour nous « aider ».
Il termina son texte par le côté très sensible et dangereux que pourrait avoir ce genre de révélation sur le public. Si l’arrivée de quelques objets ou autres entités venus d’ailleurs n’était pas gardée secrète, de grands troubles, principalement religieux, secouraient toute la société.
Quelques mois plus tard, un rapport de l’armée de l’air attira son attention. À sa lecture, le général en eut des sueurs froides !
Interlude
La Terre, infime boule bleue et verte, flotte dans l’immensité d’un univers en perpétuelle expansion. Un grain de sable dans un désert cosmique. Des distances inimaginables encore multipliées à l’infini par les théories des univers parallèles. Sur cette planète insignifiante, un miracle s’est produit : la vie.
Imaginez un architecte cosmique, jetant au hasard des poignées de poussière d’étoiles. Par un coup du sort inouï, ces particules s’assemblent, formant des structures de plus en plus complexes. Des atomes aux molécules, des protéines aux cellules, la vie émerge de ce chaos primordial. Telle une cité improbable s’élevant des décombres, elle défie les lois de la probabilité.
Cette vie naissante, fragile étincelle dans un ouragan de destruction, survit contre toute attente. Face aux cataclysmes qui auraient dû l’anéantir, elle s’adapte, évolue, persiste. Un témoignage de résilience face à l’adversité universelle.
Au fil des millénaires, la complexité s’accroît. Des organismes unicellulaires aux mammifères, l’évolution façonne des créatures de plus en plus sophistiquées. Puis vient l’homme, doté d’un cerveau capable d’imagination, de création, de pensée abstraite. Mais avec cette conscience vient aussi un héritage ancestral : l’instinct de survie.
Paradoxalement, ce même instinct qui a permis à l’espèce de prospérer menace désormais son existence même. L’humanité, divisée, se bat contre elle-même ! La terre est frappée par une maladie auto-immune. Un terrible gâchis, une catastrophe en devenir.
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