Les deux jeunes hommes, après une après-midi consacrée essentiellement à une grande promenade - avec visite obligatoire de plusieurs vignes familiales - prirent le temps d'une petite douche à deux, avant de rejoindre Pierre pour une dégustation de ses meilleurs crus. Celui-ci avait prévu de faire goûter à Thomas l'ensemble de la production du domaine, et le jeune homme qui n'avait pas l'habitude de boire autant de vin, commençait à ressentir les effets de l'alcool.

– Celui-ci est particulier, mais je pense que tu devrais aimer. Il est vieilli en fût de Chêne, ce qui lui donne un petit côté boisé, mais sans exagération.

Théo fit le service, et chacun goûta religieusement le vin proposé.

– Alors Thomas ? Tu dirais quoi cette fois ? demanda ensuite le sommelier, à son petit ami.

– Vanille ?... et Litchi ?

– Ok pour la vanille, par contre c'est plutôt les agrumes qu'on a en bouche.

– Chéri, je crois qu'il va falloir y aller ! La réservation pour le restaurant était pour vingt heures, et il est déjà et quart. Je crois bien que ce soir c'est moi qui vais devoir conduire, conclut Stéphanie, qui s'était contentée de deux petits fonds de verre pour accompagner les hommes dans la dégustation.

Ce fut seulement une heure plus tard et après avoir dégusté l'entrée, que le sujet de la conversation revint sur le vin, plus précisément sur l'exploitation familiale.

– Dans une petite dizaine d'années, Théo devrait nous rejoindre pour travailler sur le domaine, afin de faire la transition, pour pouvoir en assurer ensuite tout seul la gestion. Ça te plairait Thomas de vivre au milieu des vignes ? demanda Stéphanie.

– Maman ! Je ne crois pas que nous en soyons à nous poser ce genre de question.

– C'est pourtant essentiel, sauf si tu as changé d'idée. Lorsque j'ai rencontré ton père...

– Maman !

– Tu sais ta mère a raison, ce n'est pas anodin de vivre ici au milieu des vignes, on est loin de la vie Lyonnaise, mais en même temps vous avez bien le temps avant de discuter de tout ça.

Thomas avait suivi attentivement la conversation, et peut-être était-ce dû à l'alcool mais cet échange le rendit mal à l'aise. Il ne savait pas s'il était contrarié par la question de la maman de Théo, ou par l'intervention de ce dernier, qui semblait ne pas avoir envie de réfléchir à leur relation sur du long terme. Il finit par faire profiter à tout le monde de ses réflexions sur le sujet.

– Si Théo ne pense pas que ça soit utile qu'on en parle, alors il n'y a pas de question à se poser.

– Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire mon cœur. Je voulais juste...

– J'ai compris, ne t'embête pas avec des explications.

Le reste du repas se déroula dans une ambiance légèrement refroidie que Stéphanie, se sentant fautive, essaya pourtant plusieurs fois d'alléger en abordant des sujets plus consensuels.

Ce n'est que plus tard dans la soirée, lorsque les deux garçons se retrouvèrent seuls dans leur chambre, que Théo relança la discussion.

– Tu sais, je ne voulais pas dire qu'on ne serait plus ensemble dans quelques années.

– Finalement, ce n'était sans doute pas une très bonne idée ce week-end.

– C'est juste qu'on se connait à peine et que...

– Oui, tu as raison. Tout va un peu trop vite.

– C'est pas ça non plus, c'est juste qu'on pourrait en parler plus tard, non ?

– Oui peut-être. Bonne nuit, conclut Thomas qui s'était déshabillé pendant leur échange, et qui à présent s'allongeait sous les couvertures.

Il était fatigué et perturbé par cette fin de soirée. Il avait accepté de venir ici sur un coup de tête, et c'était sans doute prématuré, il s'en rendait compte maintenant. Evidemment, il appréciait la compagnie de Théo mais il ne connaissait pas grand-chose de lui, et la rapidité avec laquelle leur relation semblait évoluer lui faisait un peu peur.

Théo de son côté était triste et en voulait à sa mère, même si celle-ci s'était ensuite excusée auprès de lui à la sortie du restaurant. Bien sûr qu'il était beaucoup trop tôt pour parler de tout ça, et à l'instant la seule chose dont il était certain, s'était qu'il était tombé amoureux du beau garçon allongé à côté de lui. Serait-il pour autant prêt à renoncer à son avenir ici, si Thomas n'en voulait pas ?

Les deux jeunes gens mirent très longtemps avant de s'endormir, sans pour autant reprendre la conversation, préférant réfléchir chacun de leur côté, et surtout ne sachant ni l'un ni l'autre comment renouer le dialogue.