Le retour à ma petite vie de lycéens, après ce week-end merveilleux n'est vraiment pas évident. Déjà, hier soir je n'avais pas trop le moral, c'était dur de ne plus être avec Arthur dans notre petite bulle de bonheur.

Après avoir passé toute la journée dans son appartement, sans être à plus de deux ou trois mètres l'un de l'autre, il avait fallu se résoudre à retourner chez Julie pour que mon père me récupère. La bonne nouvelle, c'était qu'avec mon air triste j'avais au moins échappé à un interrogatoire trop poussé de mes parents, et j'avais pu aller me coucher aussitôt le repas terminé. Heureusement, les petits textos échangés avec mon amoureux avaient réussi à me remonter un peu le moral, jusqu'à ce matin et la grosse frustration de retrouver Arthur sans pouvoir le prendre dans mes bras ni l'embrasser.

Corentin et Florian, eux étaient en pleine forme, et Coco nous a interpellés pour nous dire que lui et Flo voulaient discuter de choses sérieuses avec nous. Rendez-vous a donc été pris pour la pause de dix heures moins dix, qui ne devrait d'ailleurs pas tarder. Je ne sais pas si c'est en rapport avec leur remarque de la semaine dernière, comme quoi on aimait bien passer du temps ensemble, Arthur et moi, mais en tout cas ils étaient plutôt souriants tous les deux, donc je ne me fais pas trop de souci. On va vite être fixé, la sonnerie retentit et la plupart des élèves sortent déjà de la classe, sans même laisser le temps à Monsieur Rivault de finir sa phrase.

– Bon les gars, c'est quoi alors votre super discussion sérieuse ? questionne immédiatement mon chéri.

– Vous voulez pas plutôt qu'on trouve un coin plus tranquille ?

– Le banc au fond de la cour près de l'entrée du CDI ?

Eh ben, Ils ont préparé leur coup tous les deux, jusqu'à prévoir le lieu où se retrouver pour parler.

– Ok, ça marche.

La traversée de la cour se fait en silence. On s'assoit sur le dossier du banc alors que nos deux camarades restent debout face à nous.

– Bon voilà... on se demandait Flo et moi... si par hasard... tous les deux ?... enfin, vous comprenez ? On se pose des questions... enfin, sans vouloir vous vexer quoi... mais vous voyez où on veut en venir ? demande Coco, légèrement embarrassé.

– Vous sortez ensemble ? Vous êtes gay tous les deux ? enchaine son compère, beaucoup moins embêté que lui visiblement.

Pour le coup, c'est moi qui suis bien gêné et j'avais beau m'attendre un peu à cette question, ce n'est pas pour autant que je sais quoi répondre. OK, ils sont cool tous les deux, en tout cas beaucoup plus que je ne le pensais en début d'année, mais pour autant est-ce qu'on peut entièrement leur faire confiance ? Je me tourne légèrement pour capter le regard d'Arthur, mais il a l'air tout aussi indécis que moi. Je lui adresse finalement un petit hochement de tête pour lui signifier mon accord, après tout on n'a pas à avoir honte. Je mens déjà à mes parents, si on ne le dit jamais à personne ça va devenir ingérable. Je vois que mon petit copain hésite toujours, et je décide de me jeter à l'eau.

– Je ne peux pas parler pour Arthur, mais en ce qui me concerne, c'est oui. Enfin, pour la deuxième question. Oui, je suis gay.

– Ouhaou, c'est dingue ça ! T'es le premier... homo ?... que je connais. J'en connais d'autres bien sûr... mais je veux dire que t'es le premier que je connais vraiment... que j'ai pour ami quoi ! conclu Corentin, décidément pas très à l'aise avec le sujet.

En tout cas, ce qu'il dit me touche. Je ne savais même pas qu'il me considérait comme son ami et le fait que je sois gay ne semble pas le déranger.

– Et du coup, l'autre gros naze qui a perdu sa langue, c'est ton amoureux ou pas ?

Décidément, Florian est beaucoup plus direct, mais sa demande n'est pas du tout agressive. Je crois qu'il connait très bien la réponse, et qu'il se moque juste de son copain qui a plus souvent la bouche ouverte habituellement. Dans tous les cas, ce n'est pas à moi de répondre à cette question, mais ça serait quand même bien qu'il se bouge mon... Ce sont deux lèvres bouillantes qui interrompent soudainement ma réflexion.

– Ça vous va les mecs comme réponse ? demande Arthur, en m'adressant un clin d'œil.