Thomas sortit rapidement de son dernier cours de la journée, il devait prendre le prochain bus pour être à l'heure à l'entrainement des jeunes du club. Il était fatigué, cela faisait deux nuits qu'il dormait mal. Le dimanche chez les parents de Théo s'était déroulé dans la lignée du samedi soir, ces derniers essayant en vain d'alléger une ambiance pesante. Thomas avait hésité à chercher une solution pour rentrer tôt le matin à Lyon, mais s'était résolu, par respect, à rester toute la journée. Ce fut seulement une fois dans le train que les deux jeunes hommes avaient reparlé du week-end, et c'est finalement sur le quai de la gare que la discussion s'était terminée, juste avant qu'ils ne se séparent.

– Je te l'ai dit, Théo, je tiens à toi, mais les choses sont allées trop vite. Tu peux appeler ça comme tu veux, mais moi je te demande juste une petite pause pour qu'on prenne, chacun de notre côté, le temps de réfléchir.

– Comme tu veux. De toute façon, ce n'est pas comme si j'avais le choix ! avait répliqué Théo, qui était ensuite parti les larmes aux yeux, sans rien ajouter de plus.

Le jeune étudiant se changea rapidement et rejoignit les jeunes de son groupe, que le maître-nageur qui surveillait les bassins avait autorisés à entrer dans l'enceinte.

– Bonjour Luc, merci. Désolé pour le retard.

– Bonjour. Y'a pas de quoi, je te les laisse.

Le petit groupe dont s'occupait le jeune nageur se composait d'une dizaine d'adolescents, âgés de quatorze à seize ans. Habituellement plutôt calmes, ils semblaient aujourd'hui lancés dans une conversation animée, qui cessa immédiatement lorsqu'ils aperçurent leur entraîneur.

– Salut ! Tout le monde est en forme ? Je suis désolé de vous avoir fait attendre mais mon prof d'anatomie ne voulait plus nous laisser partir. Quel était donc le sujet de votre discussion ? Le débat m'avait l'air d'être un peu houleux.

Les jeunes gens se regardaient les uns les autres, mais aucun n'osait répondre. Un certain malaise semblait régner au sein du groupe, et Thomas prit quelque secondes pour les observer. La plupart baissaient la tête dès qu'ils croisaient son regard. Finalement, Jérémie le plus âgé du groupe prit la parole.

– C'est Lilian, le frère de Simon... Il t'a vu le week-end dernier au cinéma...

– Oui sans doute, et alors ?

– Euh... tu embrassais un mec.

– Admettons que ça soit vrai, quel était du coup le sujet de votre débat ? Parce que vu l'agitation, vous ne sembliez pas tous partager le même point de vue, non ?

À nouveau, le silence s'était fait au sein du groupe. Thomas essayait de réfléchir, ce n'était vraiment pas le jour pour avoir une discussion sur son homosexualité avec ses jeunes nageurs, mais d'un autre côté il n'allait pas nier, ça ne servirait à rien. Il ne pouvait pas non plus faire comme si de rien était, et attaquer l'entrainement sans parler avec eux.

– Est-ce que vous pensez que je suis un bon entraîneur ?

– Oui, évidemment. On fait pleins truc intéressants.

– Et puis t'es super sympa avec nous !

– Moi, j'ai fait des supers progrès cette année.

– Et donc, si je suis gay, je suis un moins bon entraîneur ? Je suis moins sympa ?

– Ben, non ! Evidemment, ça change rien !

– L'année dernière, c'était Sophie qui entraînait la plupart d'entre vous. Sophie, elle a à peu près mon âge et elle aime les garçons elle aussi, et ça ne vous a pas posé de problème, si ?

– Non, bien sûr mais c'est pas pareil.

C'est Paul, un des plus jeunes qui avait répondu cette fois.

– Si, c'est exactement la même chose. Sophie, elle ne s'intéresse pas aux jeunes gens de votre âge, et moi non plus. Que je sois gay, ne change rien. Maintenant, je peux comprendre que ça puisse poser problème à certains d'entre vous, si c'est le cas, dites le moi tout de suite et je verrais avec Stéphane pour qu'ils vous changent de groupe.

Thomas prit le temps d'observer chacun des nageurs, mais cette fois aucun ne baissa les yeux.

– OK, c'est parfait ! À l'eau maintenant, car je vous rappelle que les juniors ont un meeting ce week-end.