Souvenirs d'école
A l'école Camille ne s'ennuyait pas. La petite école du village était dirigée par Madame Auger, c'était une femme de caractère mais elle aimait enseigner et savait se faire respecter avec bienveillance. Tous les enseignants de l'établissement étaient à son image. Chaque année, les professeurs demandaient à leurs élèves de travailler ardemment durant l'automne et l'hiver afin qu'ils puissent explorer la nature et le charme de leur village au printemps et en été. La plupart des élèves trouvait ce compromis tout à fait acceptable et aucun d'entre eux n'aurait voulu mettre en danger ce "système" en manquant à ses devoirs. Ainsi du mois de septembre au mois d'avril, les enfants de Veules mettaient tout leur cœur au travail. Dès que les beaux jours arrivaient, les professeurs faisaient école dehors. La lecture se faisait sous les arbres des cressonnières, les sciences naturelles les pieds dans la Veules à étudier les petites bêtes d'eau douce ou sur la plage à faire connaissance avec la faune et la flore du littoral haut-normand. Ils se promenaient dans le village, étudiant le mécanisme des moulins, l'histoire du cinéma, parlaient de la seconde guerre mondiale, Veules ayant été occupé par les allemands...
Les classes pique-niquaient, jouaient au football et au volley-ball sur la plage. Le club de tennis prêtait ses cours arborés et chaque classe, l'une après l'autre pouvait en profiter. Quels autres élèves pouvaient se vanter d'avoir vécu une telle scolarité ?
Durant son enfance, rien ne pu troubler le bonheur de Camille.
Mais une étape importante vint chambouler sa petite vie tranquille.
Il était temps pour elle, après toutes ces années, de quitter l'école. Sept kilomètres... Chaque jour elle devrait partir de son village adoré, de son havre de paix. Chaque matin elle prendra le bus qui l'emmènera au collège de Saint Valéry en Caux.
Le vacarme des cours de récréation, les petites phrases malveillantes des autres élèves, qui n'ont pas vécu les joies de leur enfance, lui pesaient. Le plus difficile était de suivre des cours longs, rébarbatifs et théoriques tout au long de l'année. L'école dehors était tellement plus instructive. Avant, le programme entier était terminé au mois d'avril, ils n'avaient pas le temps de s'ennuyer...
Camille avait de la chance. Contrairement à ses camarades, elle pouvait se réfugier, soirs, week-ends et vacances auprès de ses parents, dans leur foyer si chaleureux. Aussi, elle se gavait de livres qui la faisaient voyager au gré de son imagination et trouvait toujours un petit coin de paradis où les dévorer. Elle découvrit ses premiers émois avec Françoise Sagan et Patrick Cauvin, elle s'évadait face à la mer grâce à Rimbaud et Baudelaire rêvant de son ancienne vie d'écolière. Elle n'avait que onze ans et était déjà nostalgique.
Celle-ci se ressourçait chaque fois qu'elle le pouvait en profitant le plus possible de son environnement privilégié. Camille retrouvait en peu de l'ancienne méthode d'étudier en faisant ses devoirs devant la mer ou sur un pont de pierre lorsque le temps le permettait. C'est comme ça qu'elle réussit à passer cette transition douloureuse.
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