Débuts difficiles
Après ses cinq années de fac, Camille a décroché une maîtrise qui l'a amenée à passer le concours de l'IUFM afin de devenir professeure de français. Sa première année fût extrêmement compliquée. De son paradis parisien, elle fût propulsée dans un collège de banlieue parisienne à Chanteloup les vignes. Son statut de jeune femme privilégiée n'était pas pour l'aider. Elle est arrivée dans ce collège remplie de naïveté et n'ayant aucune idée de ce que vivaient ces jeunes des quartiers défavorisés. Camille n'avait alors vécu que dans des cocons.
Les élèves et leur famille lui ont vite ouverts les yeux... Les trois quarts de ses élèves n'avaient jamais ouvert un livre. L'absentéisme était tel, que sur une classe de 30 élèves, elle se retrouvait parfois avec 15 enfants devant elle. De toute façon, ils étaient, pour la plupart, persuadés n'avoir aucun avenir dans la société. Seules quelques filles avaient compris que leur seule échappatoire viendrait de l'école. Les garçons avaient pour exemple des grands frères ou connaissances, vivant du trafic de drogue et d'armes, roulant en voiture de luxe et imposant leurs lois dans les quartiers. Comment donner envie à ces jeunes de s'insérer dans une société qui les rejetait ? Comment les persuader que la vie dont ils rêvaient les mènerait au mieux derrière les barreaux, au pire six pieds sous terre ? Ils préféraient vivre peu mais avec beaucoup d'argent que longtemps et pauvres. Ils avaient vu leurs parents trimer pour rien et être déshonorés par le racisme et les idées reçues.
Le choc avait été tellement brutal... Elle avait été propulsée violemment dans un monde qui n'était pas le sien. Elle ne savait même pas que cela pouvait être réel. Comment accepter ce décalage quand on a la tête pleine de rêves et que l'on a 25 ans ? Le plus difficile pour elle fût ce sentiment d'impuissance. Elle était incapable de faire bouger les choses. Il n'y avait aucun moyen mis à leur disposition pour aider ces jeunes... Elle les aimait tendrement, mais elle était épuisée de se battre sans cesse contre le système. Camille demanda sa mutation.
La jeune femme ne put être mutée en Normandie car les mouvements académiques de la région parisienne à la province étaient réservés aux personnes avec plus d'ancienneté. La vie la conduisit alors à Chambourcy, au collège André Derain toujours dans le département des Yvelines. C'était une ville plutôt huppée, la population camboricienne était composée de cadres et de retraités.
Camille n'était toujours pas à sa place, la plupart de ces jeunes étaient destinés à intégrer des écoles de commerce et d'ingénieurs hors de prix. Leurs parents étaient complètement absents et les laissait maître de leur vie. Ils étaient encore innocents et naïfs les deux premières années de collège mais dès la 4ème, ils commençaient à dérailler. Alcool et drogues pleuvaient à foison chaque week-end, ils se shootaient à la cocaïne qu'ils payaient avec l'argent que papa et maman leur donnait chaque mois afin de pouvoir vivre leur vie tranquillement de leur côté. Camille ne comprenaient pas ces parents. Ils n'avaient eu des enfants que pour la bienséance, parce que c'est ce qu'il fallait faire... Elle qui avait eu des parents exemplaires, toujours présents et aimants.
A cette époque, elle rentrait chaque fin de semaine à Veules. Elle se réfugiait dans le librairie de son enfance et se ressourçait dans les ruelles, flânant en se laissant porter par le courant de la Veules pour s'assoir sur les galets et admirer cette mère douce et sauvage à la fois. Camille respirait à plein poumons pour l'emporter avec elle dans cette vie morose qui la rendait si nostalgique de ces années lumineuses vécues dans son village natal.
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