JE NE ME SOUVIENS DE RIEN. Qu'est-ce que je fais dans cette pièce qui est remplie de baies vitrées qui font que les rayons de soleil m'agresse comme un Kamehameha de la part de Son Goku, donc m'aveugle ? Bien sûr ne parlons pas de ma gueule de bois...

Peut-être que je devrais paniquer ne serait-ce qu'un peu, non ? Je suis ... Je ne sais pas où, et je ne porte pas les habits que je portais hier car ils sont remplacés par un ensemble de pyjama rayé bleu et blanc un peu trop grand pour moi....

Ok... Je commence à paniquer là, intérieurement certes, mais je panique quand même !

Est-ce qu'il faut que je sorte de ce lit, qu'on peut dire extrêmement douillet, ou attendre que quelqu'un rentre dans cette chambre ?

Le cliquetis de la porte atteint mes oreilles et donc par réflexe je fais semblant de dormir avec les yeux à peine entrouverts. C'est une femme ramenant un plateau rempli d'une assiette alléchante de pancakes couvert de sirop d'érable, un verre de lait et une bouteille d'eau accompagné de cachets. Du fait que je me mette en position assise soudainement, elle sursaute tout en ayant une maîtrise pour ne pas faire tomber le plateau. J'essaie de lui parler mais ma gorge est enrouée et il ne sort que des bruits ressemblant à un étouffement de truie, donc je lui fais signe de me passer la bouteille.

Elle me regarde attentivement finir le contenu de la bouteille d'une traite sans un mot ni un battement de cils. Ses cheveux couleur chocolat aux pointes vert d'eau rassemblés dans un chignon décoiffé, avec quelques mèches qui tombent sur ses yeux vairons chocolat et l'autre avec une tache vert d'eau ont l'air d'une flamme au soleil.

-Vous...Euh..Est-ce que vous savez où nous sommes ?

-A mon lieu de travail.

-Oui, certes mais où précisément ?

- Vous vous rappelez de rien ? demande-t-elle en agrandissant son regard

Il n'y a qu'une image qui me vient à l'esprit : le pain rassi dans la boîte à pain et moi ne savant quoi en faire. Elle remarque bien mon regard rempli d'ignorance. Bien sûr j'ai dû faire quelque chose pour être dans ce genre de chambre luxueuse. Peut-être est-ce un hôtel ? Le problème est que si c'est un hôtel pourquoi la femme devant moi disant travailler ici porte une longue jupe et un top blanc en flanelle en plus de ses grosses Docs, sans souligner le manque de badge avec son prénom sur sa poitrine mais un pins de Pacman.

-Ah... Je reviens tout de suite.

J'ai l'impression d'attendre une éternité alors que cela ne fait que deux minutes qu'elle a quitté la chambre, je le sais à cause de l'horloge numérique posée sur la table de nuit. En dépit de rester à regarder chaque seconde s'écouler, je décide de plutôt m'occuper de la vue incroyable de Manhattan qu'on peut avoir depuis cette chambre, le ciel a plusieurs teintes de bleus et a l'air d'être atteint par les grattes-ciel. Il a beau pleuvoir, la ville reste animée et le bruit journalier des klaxons de taxi a l'air de raisonner impeccablement dans mon oreille... Je ne peux plus attendre, c'est pas mon truc de décrire le ciel. Si on me demande ce que je vois en regardant un nuage, je ne peux que leur dire une barbe à papa ou une tonne de CO2 qui ne sert à rien à part gâcher la journée en pleuvant.

Je m'approche donc de la porte, pressée de sortir mais quelqu'un me devance en ouvrant la porte. Il m'examine de haut en bas pendant que je déglutis.

-Vous voilà réveillez.

- Oui..Hmm, me voilà... J-je..

-Donnez lui de quoi s'habiller, dit-il à la femme de tout à l'heure avec le regard dur, on est en retard.

Elle acquiesce puis retourne son attention vers moi ne sachant que faire;

-Je peux sortir comme ça vous savez, ça ne change pas trop à part que le pantalon est trop grand.

-Ne vous en faites pas, on trouvera bien quelque chose à vous faire porter.

***

J'aurais dû sortir en pyjama.

J'ai l'impression que le vent de cette ville s'attaque à mes jambes dénudées, c'est pourquoi je n'arrête pas de tirer sur la fin de cette robe pull afin de gagner quelques centimètres de longueur. Lui ne se préoccupe pas du fait que cette tenue me dérange, mais je pense qu'il le sait et que ça lui fait plaisir. Il n'a dit mot sur la route, le chauffeur lui avait l'air gêné pour je ne sais quelle raison. Si je ne me souviens de rien c'est que j'ai dû boire comme un trou et cela est plutôt difficile sachant comment je bois. Lui ai-je vomis dessus encore une fois ? Non, je pense qu'il sait qu'il peut s'y attendre à tout moment en étant à côté de moi.

-Bonjour monsieur Stevenson, quelqu'un vous attend dans votre bureau. renseigne Daisy.

Le fait qu'elle ne dise pas qui est présent veut dire que cela ne peut être que sa mère.

Avant qu'on entre, je tire un petit peu sur sa veste ce qui l'arrête instantanément.

- J'entre avec vous habillée comme ça ?

-Vous avez peur de ce que ma mère va dire ?

Est-ce que j'ai peur d'elle ? Un peu je dois l'avouer, c'est une femme qui impose une aura remarquablement froide. Et ça ne doit pas être facile tous les jours de vivre avec ça.

Il n'attend pas ma réponse et entre dans son bureau, bien sûr la première image que je vois est le sourire glacé de sa mère et son regard posé sur mes jambes. Elle détourne son regard sur son fils et j'ai l'impression qu'ils se parlent télépathiquement pendant une seconde.

-Qu'y a-t-il encore ?

- Bonjour mon chéri, oui j'ai passé une excellente journée hier... dit-elle en s'asseyant sur son bureau

Il n'essaie pas de rattraper le coup et attend la réponse de sa mère. De mon côté, j'ai l'impression de faire partie des meubles car je n'ai eu aucun bonjour ni d'elle, ni de lui d'ailleurs.

- La fondation m'ennuie et ne plus t'avoir dans l'entreprise de ton père me manque, je ressens un vide.

- Aasma y travaille, tu ne devrais pas te sentir seul, dit-il en tapant sur son ordinateur, tu devrais comprendre que mon entreprise n'est pas une succursale, une filiale de celle que tu as avec papa. Cette entreprise est la mienne et non la vôtre.

-Je le sais ché-

-Non tu le sais pas sinon tu ne viendrais pas à tout bout de champ à me les casser. J'ai passé une très mauvaise soirée hier soir donc s'il te plaît...

Wow le fils Stevenson est allé à un tout nouveau level de je-m'en-foutiste et tout ça avec un ton calme et robotique.

-Samuel pas devant elle ! grince-t-elle entre les dents

-Qu'est ce que ça change que ce soit devant elle ou quelqu'un d'autre ?

-Ce qui change est que c'est une journaliste et qu'elle peut te donner une mauvaise pub, elle se tourne vers moi et me regarde de haut, comme elle l'a dit elle écrira ce qu'elle voit.

-Tout à fait dis-je en acquiesçant.

-Je ne vous ai jamais demandé de répondre.

Je ferme la bouche instantanément comme si elle m'avait lancé un sort.

Elle a beau essayer de vouloir faire la conversation avec son fils, il feint de ne pas la voir et s'applique dans son travail de manière méticuleuse. L'envie de renvoyer sa mère ne lui manque pas mais il ne le fait pas. Elle ne remarque même pas qu'il fronce les sourcils. Son regard croise le mien et s'y accroche bizarrement. Veut-il me passer un message ?

-Je ne pense pas que ce soit le moment pour te parler, je viendrai te voir demain soir.

-Ne t'en donnes pas la peine.

-A demain soir !

Elle claque la porte brutalement.

-Vous êtes méga aimable envers votre mère, j'ai jamais senti autant d'amour ! dis-je en posant mes mains sur mon cœur et en jouant extrêmement mal, d'où vient cette abondance d'amour ?

-Elle m'a fait sortir de son ventre si on n'utilise pas les termes techniques. Vous ne voulez pas un cours sur l'accouchement, non ou sur la conception ?

-Non, je pense plutôt que c'est vous qui en aurez besoin dans le futur.

-Pourquoi pas vous ?

-Parce que je sais déjà comment ça se passe et ce n'est pas le fait d'accoucher qui fait qu'on aime son enfant. dis-je en grinçant un peu des dents.

-Ai-je touché une corde sensible ? demande-t-il après quelques secondes de réflexion et un rictus au bout des lèvres

-Ce n'est pas le cas, et c'est moi qui pose les questions et en passant demandez à votre secrétaire de me ramener un jean.

-Ma secrétaire n'est pas votre Personal Shopper, de plus j'ai des questions à vous poser sur ce qui s'est passé hier soir..

Bien sûr moi aussi je m'en pose, comment ai-je pu atterrir chez lui, je ne me souviens de rien alors comment puis-je répondre à ses questions ?

-Votre numéro était digne d'une représentation de cirque par un SDF bourré, qu'avez vous dit déjà ? Oh, que j'aille me faire enculer,que je suis un connard, que vous alliez pourrir ma carrière et bien d'autres, vous aviez perdu le contrôle ! , dit-il en ricanant de plus en plus et parlant de plus en plus vite, vomir sur mes Stefano Marron Patiné de Tradizione, casser un vase en porcelaine chinois d'une estimation de trois millions de dollars, déchirer ma chemise et faire que mon sommeil soit agité !

-Je n'ai que le souvenir d'avoir acheté des bouteilles d'alcool dans le konbini du coin.... Et qui dépense autant d'argent pour un vase ? En plus pourquoi c'est toujours un vase chinois ?

Il tape du poing sur son bureau si puissament que j'ai eu l'impression qu'il avait la force de Saitama pour casser son bureau en deux (la faute au petit cousin de Chris). Une veine danse sur son front pendant qu'il ferme les yeux avant de les ouvrir de nouveau.

-Mademoiselle Fawkes vous ne pouvez plus enlever vos paroles, je vous prend aux mots. Vous allez vivre un enfer avec moi.

***

Vous allez vivre un enfer avec moi

Cette phrase tourne en boucle dans mon cerveau sous plusieurs intonations, d'une voix profonde, d'un murmure, d'une voix...

-Hayden ? Ton café va refroidir et j'ai mangé ta part de tarte à la pomme.

Je le regarde puis la table où en effet, une partie de ma tarte manque, une partie minime mais le reste est intact. Par conséquent je lui donne un coup dans le tibia ce qui le fait grogner de douleur pendant que j'engloutis ma tarte.

-Sorcière...

-Crétin... Où est Miranda ?

-A un vernissage, truc artistique et tout le tralala... Moi ce que je voudrais savoir c'est à quoi tu pensais, ça avait l'air dégoûtant. Tu avais le regard posé sur la tarte, la bouche ouverte puis d'un coup tu t'es redressé en ayant des frissons.

-Je pensais à un écureuil qui à force de vouloir casser une noix avec sa tête ce l'est ouvert, la tête.

Chris me regarde dans les yeux pendant quelques secondes avant de manger un morceau de sa part de tarte aux fraises.

-Cool...

Il avale toujours ce que je lui dit...Ou peut-être je lui ai déjà trop dit de trucs bizarres qu'il ne cherche plus à savoir ce que je pense vraiment. C'est une possibilité.

-Et le boss ?

-Ah ! Ne parlons pas de cet énergumène, cet homme ne mérite pas qu'on parle de lui...

-Alors on parle de ta tenue ?

-T'es devenu Miranda?

-C'est juste que je ne comprends pas ce qui s'est passé dans ta tête ce matin, genre je n'arrive pas à te voir devant ton armoire avec autre chose que tes couleurs habituelles et surtout ne porter qu'une robe.. En mode "ouh la la ça va pas, il faut que je change mon style de merde en style de londonienne ayant eu un one night stand, c'est sûr que c'est mieux. Allez en cabine !". dit-il en m'imitant avec des gestes de petites filles du genre un clin d'œil et un signe de victoire accompagné d'une voix guillerette. A la Nana quoi... No comment sur le comment je connais cet anime.

-Hmm... Moi non plus je ne sais pas. Peut-être que je voulais changer ? Et c'est quoi cette histoire de one night stand et ce cliché sur les londoniennes ?

-Ça te ressemble pas...

Tu me connais si bien...

-Ah euh... C'est pas un truc qui va te plaire mais il faut que je te le dise.

Quoi ? Il a enceinté quelqu'un ?

-Je voulais te dire que la prochaine réunion aura lieu après demain...

Je repose ma cuillère doucement à côté de l'assiette contenant plus qu'un quart de ma tarte. Le bruit autour s'est éteint, comme un déclic. Ça aurait été trop facile qu'il laisse l'affaire après une seule séance. J'aurais préféré qu'il engrosse une inconnue en fait.

-Je ne veux pas y aller.

-Hayd...

-J'ai dit que je ne voulais pas ! Laisse-moi vivre comme je l'entends, n'essaie pas de me transformer en celle que j'étais ! Ne contrôle pas ma vie.

-Je fais ça pour toi Hayden ! Est-ce que tu peux comprendre ça ?!

- Va te faire foutre ! dis-je en prenant le manteau qu'on m'a prêté.

Je ne laisse pas le temps à la discussion, pas besoin de discuter. Je reste sur mes positions. Je suis tout à fait normale, qu'est-ce que je ferais avec ces fous, ces pleurnichards, ces... Ces gens qui souffrent ?

***

-Alors vous vous souvenez de tout ?

-Oui, malheureusement...

-Alors on va cohabiter ?

Oh mon dieu, son sourire ressemble à la petite fille qui voit sa maison brûler... Je pense être sérieusement foutu, du moins au niveau de l'humiliation.

-Il semblerait que oui, si je n'ai pas vraiment jeté mes clés dans l'eau...

Je me suis mise dans la gueule du loup, moi qui pensais que ce serait moi qui le mangerais d'abord. Qu'est-ce qui m'a pris ?

-Alors vous aurez des règles à suivre. Je vous fais visiter les lieux en même temps qu'en vous les énonçant.

Des règles ? Ais-je l'air de quelqu'un qui suit les règles ? Ça me fait pouffer de rire.

-Quelque chose ?

-Non rien... Je me disais juste que d'habitude dans les livres les milliardaires n'ont pas le temps pour ce genre de choses et demande à la gouvernante ou à l'un des employés de le faire. Par exemple dans la mélodie du bonheur ou dans les livres harlequins.

-Je n'ai pas le temps mais je préfère avoir le contrôle de la situation surtout si c'est vous.

Moi ?

-Bon, continue-t-il, il y a quatre chambres avec deux salles de bain. La plus grande est la mienne bien sûr vous n'aurez aucune occasion d'y entrer tant que je ne change pas d'avis.

-Ne vous en faites pas, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, je ne tue pas ceux qui remplissent mon portefeuille.

-Oh vous pouvez bien venir pour autre chose mais mademoiselle Fawkes vous n'êtes pas à mon goût.

Ce gars semble trop souvent oublié que j'ai une bombe entre les mains qui peut lui sauter au visage.

-Bien, voici mon bureau, pas la peine de vous dire à quoi il me sert puisque vous le voyez déjà au boulot, ajoute-t-il.

-Je ne sais pas, peut-être vous l'utilisez pour d'autres sortes de choses. dis-je en murmurant mais bien sûr il m'a entendu et se retourne vers moi avec son air stoïque qui semble indélébile de son visage.

-C'est vrai, je fais souvent autre chose dans ce bureau, mais il n'y a pas que dans les bureaux que je fais ce genre de truc.

Je remarque un clic-clac dans un coin du bureau, qui pour dire ne ressemble presque pas à son bureau à l'entreprise. Le bureau est plus petit en largeur mais grand en longueur. Le vert foncé ajoute une once de chaleur à la structure et la couleur boisé du reste ne donne qu'un effet d'intérieur bien ajusté. Le doré des lampes asymétriques, du dessus des tables basses et du grillage au-dessus du bureau (peut-être un couloir menant à la chambre) rajoute une élégance.

Sans compter ce bureau en bois massif et les chaises matelassées blanches qui l'accompagnent au centre et les baies vitrées laissant entrer les rayons de soleil qui illuminent les plantes, mais qui peuvent être coupés dans leur élan par un immense rideau couleur chocolat. Ce qui ne change pas, à part le meuble, sont les dossiers rangés dans des classeurs noirs.

Il doit se reposer dans son bureau surement quand il a trop de travail... Ou peut-être juste pour être plus confortable quand il fait ses affaires pas trop catholiques. L'étage du haut doit être une chambre où il accueille ses partenaires en affaires intimes. Grand titre : Un satire dans le corps de Samuel Stevenson, milliardaire aux plusieurs conquêtes (d'une nuit ou plus).

Nous entrons dans le salon d’un gris très léger, un côté assez architecture industrielle avec des formes carrés diverses en perspective et du mobilier contemporain. On peut y voir la télé encastrée mais aussi une pièce derrière ces murs donnant un effet de profondeur. Cette pièce doit être la cuisine, vu la table à manger que je peux apercevoir.

-Vous devez vous souvenir de mon salon, là où vous avez fait votre scène... Ne vous excusez pas surtout car je pense que ce n'est que le début du combat, affirme-t-il en approchant petit à petit son visage du mien. Mais il le retire assez vite avant d'ajouter : Je ne veux pas que vous m'infectiez avec l'odeur infecte d'alcool que vous avez dans la bouche.

Il en fait pas un peu trop le Stevenson ? Je me suis quand même brossé les dents.

-Au fait, on a un autre gala ce soir, ce serait bien si vous vous calmez sur la boisson , c'est le monde du journalisme qui est en jeu ! Une robe vous attend dans votre chambre.. Il me regarde de haut en bas avec mépris, à ce moment je me dis qu'il ressemble bien à sa mère. Je me suis dit que vous n'aurez rien d'approprié pour ce genre d'occasion.

En gros je ressemblerai à un thon parmi ces oiseaux majestueux quoi...

-Rendez-vous dans vingt minutes. Vous aurez droit au reste de la visite....Quand j'aurais le temps.

Ce qui veut dire jamais je suppose. Il ne lui faut pas quand même beaucoup de temps pour me montrer la piscine enterrée en dessous des escaliers menant aux chambres et juste à quelques mètres de la fin du salon avec une sorte de véranda noir charbon comme ses meubles et blanche comme ses accessoires, où juste le bleu de la piscine détonne.

Tout de même, il à bien raison je n'ai rien à me mettre pour ce genre d'événement, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il parte m'acheter une robe. Bon, il voulait juste que je ne fasse pas tâche à ses côtés ce qui enlève tout l'amusement du moment. J'ouvre la boîte ne m'attendant pas à grand chose à part quelque chose de simple, mais je suis surprise de voir une robe noire droite au col monté comme un col roulé , accompagnée d’une multitude de détails floraux en rouge velour, qui a l'air de coûter un bras. Sa matière est si douce que j'ai peur de la déchirer juste avec le bout de mes doigts.

La déchirer peut-être risque de l’énerver, mais je m'en voudrais de ne pas d'abord montrer cette robe à Miranda qui me tuerait de ses propres mains si je détruis "cette œuvre". En dessous, dans le carton, se trouve une petite boîte et une enveloppe. A cause du noir intense de l'écrin, je décide de l'ouvrir en premier et y découvre un assortiment de bijoux contenant un collier, une chevalière et une autre bague. Bien sûr, il a choisi une chevalière en forme de serpent qui s’enroule autour du doigt. Est-ce pour m’expliquer que j’ai une langue de vipère ?

Pour ce qui est de l'enveloppe, elle ne contient qu'un vague mot sans importance, juste du blabla du genre "j'espère que cette robe va vous rendre du moins passable au niveau de vos responsabilités de ce soir".

Comme j'ai dit, du blabla.

Le Stevenson rigole pas quand il ne veut pas qu'on lui fasse honte. Sans attendre j'enfile la robe et les talons ouverts avec une sangle autour des chevilles, que j'avais empruntés une fois à Miranda. Elle me va comme un gant ! Le reflet que je vois dans le miroir semble être une toute autre personne que moi, et je ne me suis même pas encore coiffée ou mis le rouge à lèvre retrouvé au fond de l'un de mes sacs. Le seul hic est que je n'arrive pas à atteindre la fermeture. D'autant plus que la femme travaillant pour le milliardaire n'est pas là, il faut que j'arrive à me débrouiller toute seule... Sauf que ça fait dix-huit minutes que j'essaie d'attraper cette foutue fermeture !

- Vous avez fini ?

Je m'arrête net à bouger dans tous les sens au son de sa voix. Il rentre dans la pièce sans même que je lui donne la permission. Son regard se pose sur mon dos nu dû à cette putain de fermeture éclair.

-...On dirait que non.

-Ne vous approchez pas.

-Mais vous semblez avoir besoin d'aide.

-Certes, mais je peux me débrouiller seule.

-Je ne pense pas, je vous entends vous déhancher depuis tout à l'heure.

-Vous écoutez aux portes ? Non là n'est pas le problème, je ne veux pas de votre aide.

-Je vous rebute tant que ça ? J'essaie de faire une trêve là.

Une trêve ? La guerre n'a même pas commencé...

- Je me débrouillerai... dis-je en me retournant face au miroir essayant tant bien que mal de monter cette foutue fermeture éclair. Et sans faire attention je me coupe le bout du doigt, et merde !

Il pose doucement une main sur mon épaule, m'immobilisant dès le toucher du bout des cellules faisant partie de ses doigts qui laissent une brûlure invisible à cet endroit. L'autre main est posée sur la tirette et effleure légèrement ma peau, mais j'ai l'impression qu'un venin s'immisce dans tout mon corps comme pour Bella dans Twilight. Hayden ne perd pas tes moyens, pas devant lui. Le temps passe trop lentement que ça en devient une torture, et quand il arrive à la fin il s'y attarde en sentant mon parfum après avoir débarrasser ma nuque de mes cheveux.

Mais quand son regard rencontre le mien, il recule décontenancé de me voir les yeux remplis de larmes qui ne demandent que de s'échapper. J'ai l'impression de pouvoir respirer quand enfin il s'éloigne de moi.

-Je vous ai dit de ne pas me toucher...

Ma voix n'est plus qu'un murmure devenu même inaudible à mes oreilles. Je lève mes yeux vers lui qui n'ose pas me regarder, et je le laisse sortir après m'avoir vu comme ça. Je n'ai qu'à trouver vite une excuse pour qu'il ne pose pas de questions intrusives. J'essuie d'un revers de main les larmes de frustration, il ne s'est rien passé.

Rien ne s'est passé.

***

-Vous êtes sublime dans cette robe, chez quel couturier l'avez-vous trouvé ?

C'est la quatrième femme à me sortir cette phrase et je ne réponds que par un sourire puis une fuite suite à l'engloutissement d'un verre de champagne, et elle ne va pas être l'exclusion à la règle.

-Cette robe fait de vous une autre personne ma chère, je ne vous aurai pas reconnu dans cette foule et cette queue de cheval plaquée...

-Madame Stevenson...

-Vous n'êtes pas aux basques de mon fils ?

Et vous pour une fois ?

-Non pas cette fois-ci...

-Alors j'espère que vous ne ferez pas de scène comme la dernière fois, c'est peut-être vous qui donnerez une mauvaise réputation à mon fils.

-Ça ne risque pas... ais-je grincé entre mes dents avant de finir un énième verre. Je n'aurai aucune répercussion sur son image car maintenant tout le monde du milieu journalistique sait que je travaille au corps votre fils.

Elle arque un sourcil et je comprends trois secondes plus tard pourquoi.

-Pas dans ce...

-J'espère bien ! coupe-t-elle, Ce n'est pas contre vous mais vous risquez d'être une conquête en plus pour mon fils et je voudrai vous évitez ça.

Ouais bien sûr...

En parlant de son fils, je l'évite comme la peste suite au petit incident mais on dirait que je ne suis pas la seule. Quand nos regards se croisent, c'est le premier à éviter le mien. De toute manière je me sens de trop à cette fête, alors vaut mieux que je me cache dans la cabine des toilettes avec mon whisky en espérant ne pas tomber sur des richards en chaleur ou juste personne en chaleur... Il ne faut pas oublier les serveurs.

Heureusement qu'il n'y a personne, et donc pas de bruit.

Malheureusement j'ai mes règles et aucune serviette ou aucun tampon sous la main. Je ne risque pas de sortir avec une ligne de sang coulant tranquillement sur ma jambe ou encore de voir un morceau de.... J'ai besoin d'une serviette mais j'ai beau attendre, personne ne vient pour faire un petit pipi ou une partie de jambe en l'air !

....S'il vous plaît ne faites pas que ce soit ma seule option.

Trop tard, mon index est déjà sur la touche d'appel et le téléphone sonne.

-Mademoiselle Fawkes ?

J'hésite à raccrocher mais qui pourrait m'aider ici ? De plus les tampons c'est pas mon délire, j'ai entendu dire que tu pouvais le perdre dans ton corps quand j'avais quinze ans, aussi il y a quelques années une femme a dû se faire amputer à cause d'un tampon...

-Mademoiselle Fawkes, vous m'entendez ?

-Venez dans les toilettes des femmes, on a un petit problème.

-Je ne peux pas y aller voyons...

-La dernière fois vous avez bien pu.

-Est-ce une menace que j'entends ?

-Juste venez.

Je ne lui laisse pas le temps de répondre et raccroche. Quelques minutes après je l'entends chuchoter mon prénom dans une cabine à côté de la mienne. Pour faire savoir que je suis dans celle d'à côté, je donne un coup sur l'une des parois de ma cabine.

-Mademoiselle Fawkes, quel est le problème ?

-Je ne sais pas trop comment dire ça...

-Vous êtes bloqué à l'intérieur ?

-Non, pire !

-...Je ne vois pas, aussi c'est vrai que vous n'avez pas un derrière si énorme pour que vous puissiez l'y bloquer dans la cuvette.

-Wow vous savez y faire avec la franchise vous ! Si je vous ai appelé c'est parce que je viens de découvrir que j'ai mes règles et que je n'ai rien pour que ça ne puisse pas couler sur mon passage.

Je ne l'entends plus pendant de bonnes secondes, à se demander s'il a détalé suite à ce que je viens dire. C'est sûr que s'il imagine la scène il y a quoi gerber pour un nombre de personnes qui n'a pas de règles abondantes et n'a pas à demander toutes les minutes à ses amies qui ont un problème à peu près similaire de voir discrètement s' il y a eu une fuite.

-Allez demander aux gens, surtout aux filles si elles ont des serviettes. demandé-je, n'étant pas sûre qu'il soit encore là.

-Je ne peux pas faire ça. Ce serait honteux et quelles raisons donnerais-je ?

-... Alors trouver un 7/11 dans le coin, je ne sais pas ! Je ne vais pas rester indéfiniment dans les toilettes.

-Ça ferait quand même une soirée plus calme pour ma mère, elle n'aura pas à épier vos faits et gestes... murmure-t-il

-Ce serait plutôt vous la personne sur laquelle elle doit garder un œil, car je ne trouve pas que votre séance à faire du pied sous la table avec cette fois-ci une femme célibataire certes mais discrètement alors que tout le monde est à table, ne soit une bonne idée.

A ce moment-là, j'aimerai scruter sa réaction derrière cette porte. Voir une mâchoire serré, une gouttelette de sueur ou encore le voir déglutir juste parce que le sujet sera pour lui "inapproprié" et garder une image droite de lui. Mais on ne me cache rien à moi, oh que non..

-Ce n'est pas le sujet... Vous avez une marque préférée ?

Je souris malgré moi, il évite le sujet comme je l'avais prédit.

- Always, pour la nuit.

Suite à ça, j'entends le battement de la porte pour sortir des toilettes. Il est parti sans dire mot. Peut-être il a eu peur que je cherche plus profondément ces vices qui ne sont pour l'admettre, pas si bien cachés que ça. En tout cas, je peux être sûre depuis la dernière fois que le Stevenson tout propre n'est qu'une façade.

Mais je fais quoi en attendant qu'il arrive? Je n'ai plus aucune goutte d'alcool dans ma flasque...

***

-Vous êtes toujours là ?

-Comment j'aurais pu bouger de là sérieusement...

Il balance le paquet au-dessus de ma porte, bien sûr je rattrape le paquet sans dommage. C'est ironique, je me suis cogné la tête contre la paroi.

-Qu'est-ce qu'il y a ?

-Rien, dis-je en essayant de moins geindre.

Après avoir fait ce que je devais faire, je suis surprise de le voir encore là.

-Vous ne sortez pas ?

-Je vous attendais.

- Vous n'aurez pas dû, qui suis-je pour faire attendre Mr Stevenson ?

-Personne, et Mr Stevenson c'est mon père. C'était bien la marque que vous vouliez, le bon format ?

Je ne fais que hocher la tête en attendant qu'il se décale pour que je puisse atteindre le lavabo.

-Vous devriez sortir, on est un peu à l'étroit ici.

- Je sais mais je me suis dit que c'est le seul endroit où vous ne pouvez pas fuir.

Je me retourne plus vite que je le voulais vers lui.

-Moi, fuir ? Euh, c-c'est n'importe quoi, ah ! dis-je avec un rire faux comme le manteau en fourrure de la vieille qui passe avec son cadis dans ma rue chaque matin.

La porte s'ouvre sans s'y attendre, comment ne pas s'y attendre que quelqu'un ait besoin de pisser aux toilettes ?

On reste là à éviter nos regards toutes les deux secondes, attendant que cette femme aux cheveux courts sorte mais bien sûr elle ne le fait pas et reste bloquée dans la cabine. Peut-être nous la dérangeons et donc l'empêchons à se laisser aller.

J'en profite pour sortir suivi de Stevenson derrière, mais qui se fait happé par une femme un peu plus âgée que lui. Bien sûr il a fallu qu'il m'appelle à le joindre pour me présenter cette inconnue... Bon c'est plutôt moi l'inconnue ici.

-Mademoiselle Fawkes, je vous présente quelqu'un qui a une partie intégrante dans ma vie.

Je regarde la femme à la couleur chocolat au lait et aux cheveux de jais aussi lisse et brillant. Sa couleur mocha montre son origine indienne.

-C'est ma sœur, Ayanna Aasma Johnson. Elle fait partie de l'entreprise de mon père, ajoute-t-il. Ayanna je te présente la journaliste qui doit me coller au cul durant ces six prochains mois.

Je reste bloquée sur le mot "soeur". Ce n'est pas la différence de couleur qui ne passe pas mais le manque d'information sur une possible soeur ou fille dans la famille Stevenson qui me fait tiquer. Pourquoi n'a-t-elle jamais été mentionnée ?

Je tends ma main sans trop de conviction vers la sienne. Elle a une poigne de fer, celle de quelqu'un ayant travaillé de ses propres mains.

-Cela doit être dur de rester au côté d'un idiot pareil, n'est-ce pas ?

-Oui...euh je veux dire non. On se fait à la personne, l'énergie qu'il met au travail, son cynisme...

Au loin, la mère Stevenson nous regarde d'un œil strict, droit tout en étant fuyant.

Je pense que je ne vais pas parler seulement de mon sujet mais de toute la famille. Un père absent, une mère collante mais fuyante envers sa fille ou celle de son mari, et un fils qui semble étrange à mes yeux avec l'agissement d'un étranger envers sa mère.

Je me disais bien qu'un jour je jouerai les détectives. Sherlock, Conan ou Columbo ?