Le bruissement des manteaux s'en vont par la porte. Dehors, le soleil transforme la vie des gens. J'en ai pris ma dose quelques minutes durant, j'ai rechargé mes cellules avec du doré. J'ai fermé les yeux pour sentir le flux de lumière que j'avalais. En même temps, je prêtais l'oreille aux paires de bottes marquant le sol et aux pneus neige qui déroulent un itinéraire sur le goudron. Sans oublier le gloussement des gens heureux qui ont bu trop d'activité solaire. Chez nous, le soleil est si farouche que dés qu'il se présente, il y a urgence à le consommer. Un bruit de grelot discret. C'est un chat qui vient de se réfugier sous une voiture. Autrement, je l'aurais salué. Trois filets de navets soumis au froid à l'arrière d'un pick-up. Un passager de type canin occupe le siège avant. Nous échangeons un regard complice. Son partenaire humanoide discute, poings sur hanches, avec un specimen en tee-shirt. Celui-là doit sortir d'une cuisine fumante.
Ensuite, je suis retournée m'assoir à mes habitudes. Les gens défilent et je trouve toujours une place. Dans ce fauteuil vert luisant, j'entends leurs bavardages mondains et leurs rires exagérés. Ils s'amusent tout de même. Moi aussi. J'aime investir mon moment de délicieuse solitude avec un capuccino et un clavier qui me permet d'ouvrir des univers. J'ai fait frire mes petits problèmes ce matin, recto-verso, à feu doux. Ils s'accrochaient à la poêle. Alors je suis sortie pour les ventiler. Ils ont bien refroidi. C'est agréable, j'ai bien fait. J'ai sauté à pieds joints dans une robe à motifs que j'avais ignorée depuis l'hiver précédent. J'y ai retrouvé deux pierres dans les poches, une fluorite et une autre rouge-orangée. Elles avaient patiemment dormi jusqu'à ce jour. Peut-être que c'est la robe qui m'a choisie, tout compte fait. Les deux jolis cailloux ont voulu voir la première journée ensoleillée qui succède à toutes ces tempètes de neige. En réalité, j'ai du travail. Je dois écrire une dissertation. Cela ne me tente pas plus que ça. J'ai envie d'aller chercher des mots de toutes les couleurs pour composer, au lieu d'aligner des lettres aussi sérieuses que des chiffres. Les types qui rigolent à la table d'à côté ne ne me contrediront pas.