Chapitre 1

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Il n’était pas venu au lac depuis très longtemps. La dernière fois, c’était quand il avait 11 ans, pour l’anniversaire d’un de ses amis. Un des derniers anniversaires auxquels il avait participé. Une grande fête avec des gâteaux et des cadeaux. Beaucoup de ballons aussi si sa mémoire était juste. C’était il y a longtemps. Pourtant, le lac n’était pas si loin, il aurait pu y retourner. Il était toujours rempli de monde surtout le dimanche après-midi quand les familles se réunissaient pour des grands pique-niques.

Il ne savait pas pourquoi ses pieds l’avaient amené jusqu’ici. Il n’y avait pas un bruit, il était seul dans la nuit apercevant à peine son image dans le lac. Il faisait un peu froid, il aurait dû amener un pull, mais il avait quitté sa chambre spontanément pendant que ses parents dormaient. Il avait beaucoup réfléchi. Il avait toujours beaucoup réfléchi. On lui avait dit qu’il pensait trop. Mais il se disait qu’on ne lui avait pas donné un cerveau pour qu’il ne pense pas à des choses. Bienheureux celui qui ne pense pas trop. Évidemment, il n’avait jamais été heureux.

Il avait eu des amis. Mais il pensait, il pensait tellement, il avait fini par créer un monde dans sa tête qui ne correspondait plus à la réalité. C’était fini pour lui, pas de retour en arrière. Ses amis ne comprenaient plus rien, ils réclamaient toujours sa présence dans la réalité, il fallait sortir, parler amour, faire la fête, ... Et ça, il ne pouvait plus, car il vivait dans un autre univers que personne d’autre que lui ne pouvait comprendre. C’était bien pendant un petit moment et puis la solitude a frappé à la porte. C’est à ce moment-là qu’elles sont entrées dans sa vie : les “pensées”. Comme des voix qu’il entendait dans sa tête et qui lui disaient quoi faire. Il y en avait beaucoup. Parfois, elles se disputaient et alors il ne savait plus qui écouter et parfois elles savaient très bien quoi faire. Il avait passé un contrat avec elles le jour où elles sont arrivées. Leur compagnie en échange de son obéissance totale quand ce serait l’heure. Il avait accepté sans se poser aucune question. Il aurait fait n’importe quoi pour que les pensées restent avec lui pour toujours. Et donc le lac. C’était l’heure. Les pensées le lui avaient dit. Il était déjà dans l’eau jusqu’aux genoux. C’était l’heure. Il avait froid. Le lac, même au printemps était glacial. Il avait décidé de ne pas retirer ses vêtements, de toute façon, il ne ressortirait pas. L’eau était claire, il pouvait voir les poissons. Mais c’était plus le moment de penser, car c’était l’heure. Les pensées avaient dit, c’est aujourd’hui que nous disparaissons : toi et nous. Tu ne seras, plus jamais, seul. C’est vrai qu’il avait été seul. Il se demandait toujours ce qu’il avait fait pour qu’après cet anniversaire au lac tous ses amis se retournent contre lui. Il n’avait pourtant rien fait. Mais c’était comme ça. Ça ne servait plus à rien d’y penser, car il était déjà dans le lac jusqu’au cou. Il avait vraiment froid. Alors il plongea la tête. C’est bon, c’est la fin.

« Vous êtes là ? » Il demanda dans sa tête.

« Nous sommes là. Nous sommes là. Nous sommes là. »

Elles avaient continué de répéter ces 3 mots. Sans s’arrêter, sans reprendre leur souffle. Pendant qu’il tremblait de tout son corps. Il ne pouvait plus réfléchir convenablement. Son instinct le poussait à retourner à la surface, mais les pensées avaient dit que c’était l’heure. Et elles étaient avec lui. Donc il continuait de trembler, les mains sur son cou.

« Nous sommes là. Nous sommes là. Nous sommes là. »

Mais il finit par sortir de l’eau. Une force extérieure l’avait retiré du lac. Il prit une grande inspiration. Il n’était pas mort. Mais c’était pire. Il n’y avait qu’une condition. Une seule. Et il ne l’avait pas respectée. Les pensées allaient disparaître et le laisser seul. Seul, seul, seul. Putain, qu’avait-il fait ? Pourquoi était-il sorti de l’eau ? Où étaient-elles ? Les pensées. Avaient-elles disparu ?

« Vous êtes là ? »

Aucune réponse. Aucune putain de réponse. Il était de nouveau seul. Il était seul. Ses tremblements étaient incontrôlables : il allait mourir. Il allait retourner dans ce putain de lac et faire revenir les pensées. Il ne pouvait pas mourir seul.

« Ça va ? »

Une voix qu’il ne connaissait pas. Ce n’étaient pas les pensées. Il avait toujours les yeux fermés et ses tremblements ne s’étaient pas arrêtés. Il vivait toujours dans sa tête. Il attendait le retour des pensées.

« Hey, ça va ? Regarde-moi, ouvre les yeux. »

Mais il ne pouvait pas, il ne pouvait pas, il ne pouvait pas.

« Je m’appelle Minho. Regarde-moi s’il te plaît. »

« Tu n’est pas tout seul, réponds-moi. J’ai besoin de savoir si tu vas bien. »

Alors il ouvrit les yeux. Parce que ça ne servait plus à rien de se voiler la face maintenant. Il avait perdu les pensées. Il était seul.

Il vit qu’il était sur la rive. Complètement trempé. Dans les bras d’un garçon. Lui aussi complètement trempé.

Alors il se mit à rire parce que sa vie était putain de drôle.

« Ça va ? Pourquoi tu rigoles ? T’as failli mourir. Tu sais combien tu m’as fait peur ? »

« Je rigole parce que ma vie est putain de drôle. Et aussi, je rigole parce que je n'ai pas envie de pleurer maintenant. Je pleurerai plus tard quand je réaliserai complètement que tu m’as mis dans une belle merde ».


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