Chapitre 2
Quand il se réveilla, Jisung était dans un lit inconnu. Quand il se redressa, il aperçut qu’il s’était endormi à côté d’un garçon aux cheveux sombres. C’est alors que tout lui revint en mémoire. La crise de la veille. Et la disparition des pensées.
« Vous êtes là ? »
Aucune réponse.
« Ça va ? »
Le garçon à ses côtés s’était lui aussi réveillé.
« Peut-être que t’as pas envie de m’en parler ou quoi surtout dès le matin. Et puis tu ne me connais pas donc je comprendrais très bien, mais... tu veux bien m’expliquer. S’il te plaît. Apparemment parler ça fait du bien. Je peux peut-être t’aider... Enfin, je ne sais pas. »
« Et m’aider pour combien de temps ? »
Le ton de Jisung était plus dur qu’il le pensait. Ce garçon voulait l’aider.
« Désolé. Pour le moment, je ne sais pas trop si je dois te remercier ou te détester pour m’avoir retiré du lac. Ma psychiatre voudra sûrement te remercier. Peut-être même qu’elle t’offrira des chocolats. T’aimes ça le chocolat ? Elle en a toujours des boîtes pleines dans son bureau. Elle pense que ça va m’aider. »
« Oui. J’aime bien le chocolat. Même si tu n'es pas heureux d’avoir été sauvé, je ne regrette pas ma décision. Je ne m’excuserai pas. »
Un silence. Jisung s’était perdu. Il avait décroché après avoir lancé sa tirade. Il se demandait pourquoi il avait parlé de chocolat. Ou même s’il devait dire merci au garçon. Il pensait trop, mais cette fois-ci, il pensait tout seul.
« Je m’appelle Jisung. J’ai jamais eu beaucoup d’amis et j’ai perdu les seules personnes qui comptaient pour moi. »
Il hésita à en dire plus, mais Minho le regardait sans dire un mot, attendant qu’il en dise plus.
« D’après ma psy, j’ai une dépression, un trouble de la personnalité et un truc complexe de dépersonnalisation. Beaucoup de mots pour rien dire. Tu as fait disparaître les pensées. Du coup, je suis seul. »
C’est alors que le garçon se déplaça pour se mettre juste devant Jisung de façon à le regarder dans les yeux.
« Je m’appelle Minho. Peut-être que tu ne t'en souviens pas. T’es pas tout seul parce que je vais rester avec toi. Tu m’as dit “pour combien de temps” et moi, je te le dis, je resterai le temps qu’il faudra. Je peux te donner des mois, des années, ma vie si besoin. »
Et alors Jisung rigola de nouveau. Minho, il était un peu bizarre à lui offrir sa vie comme ça.
« Ok. J’accepte ta vie !... Minho »
Et ils se mirent à sourire. Tout les deux d’un sourire empli d’espoir et de tristesse.
Jisung se demanda s'il allait être sauvé. S'il n’avait pas attendu quelqu’un comme Minho toute sa vie. Peut-être qu’il allait enfin aller mieux.
Un mouvement du côté de Minho lui fit reprendre ses esprits. Il s’était mis debout et se tenait devant le lit.
« On va aller à ton rythme d’accord. Je peux te prêter des vêtements si tu veux prendre ta douche. »
C’est à ce moment-là que Jisung réalisa qu’il ne portait plus ses affaires mouillées de la veille, mais un pyjama noir qui ne lui appartenait pas.
« Je me suis permis de te mettre un pyjama. Tu étais complètement gelé dans tes affaires. D’ailleurs, tu t’es évanoui sur la rive, j’ai dû te traîner dans ma voiture. »
Jisung se remit à rire. C’était la première fois qu’il rigolait autant.
« Merci beaucoup ! Je vais prendre une douche. J’ai l’impression de sentir l’algue ».
« Et si tu veux après je peux t’amener à manger un petit-déjeuner dans un café. Puis on pourrait aller à la plage. Enfin, si tu veux bien sûr ».
« Ouais carrément ! »
Jisung partit dans la direction que Minho lui avait indiquée comme étant celle de la salle de bain. Quand il sentit l’eau froide sur sa peau, il se permit de repenser à ce qui allait se passer.
Il rigolait beaucoup pour quelqu’un qui allait bientôt mourir. Parce que oui, sans l’avoir dit à Minho. Les pensées le lui avaient demandé et c’était la seule solution pour les entendre à nouveau. Il n’allait pas prévenir ses parents. Pas pour le moment en tout cas. Il rentrerait ce soir et dirait qu’il était chez un ami. Peu convaincant, mais il n’avait pas envie de tout expliquer.
« Ça va ? »
Il entendit la voix de Minho derrière la porte. Décidément, ce garçon n’allait pas le laisser seul une minute. En réalité, ça le rassurait de savoir que quelqu’un s’inquiétait pour lui. Il se dépêcha de sortir de la douche et s’habilla des vêtements un peu trop grands de Minho.
Il était là. Derrière la porte. L’attendant.
Maintenant, qu’il le voyait dans la lumière, il était vraiment beau. Comment quelqu’un comme Minho avait-il le temps de rester avec quelqu’un comme lui ? Ils allaient sûrement dans le même lycée, car la ville était petite. Mais de toutes façons Jisung de l’aurait jamais remarqué car il était toujours perdu dans son monde.
« On va manger ? »
Jisung acquiesça en silence toujours en train de se demander s’il avait déjà vu Minho quelque part.
Les deux garçons montèrent dans la voiture du plus grand en silence. Jisung remarqua qu’il n’avait pas croisé les parents de Minho. Peut-être qu’ils étaient déjà partis travailler.
Minho fut le premier à briser le silence.
« Tu vas au même lycée que moi n’est ce pas. Je t’y ai déjà vu, je crois. Si tu te poses la question, je vis seul dans la maison, car les parents sont en voyage d’affaires. »
« Hum...Ok. »
Jisung acquiesça, se demandant comment Minho pouvait lire dans ses pensées.
« On est arrivé ! Le meilleur café de la ville, ils font des crêpes super bonnes, tu vas voir ! »
C’était vrai. Les crêpes étaient vraiment super bonnes.
« Je venais souvent ici avec mes amis avant. Mais maintenant on se parle plus trop alors je viens plus beaucoup. »
« Pourquoi vous vous parlez plus ? »
Jisung s’y connaissait en solitude, mais il savait que tout le monde ressentait la solitude de façon différente.
« J’ai été pris dans une rumeur qu’ils ont préféré croire plutôt que moi. »
« J’ai entendu aucune rumeur. » commença Jisung. « Mais après, je n'ai personne pour me les raconter donc bon... Tu n'es pas obligé de me la raconter de toute façon. »
« Je vais être honnête avec toi Jisung. C’était une affaire du drogue un peu compliquée. Mais je te promets que j’y ai jamais touché à cette drogue. Jamais, jamais. »
« Ok t’inquiète je te crois. De toute façon, tu parles à quelqu’un qui se balade avec des boites de Xanax pleins les poches. »
« Oh... Je suis désolé. Je parle de mes problèmes, mais t’en a des tellement plus important que les miens... »
« Écoute-moi bien Minho. Parce que sinon je préfère encore rester seul. Toute douleur est égale. Bien sûr, pour un regard extérieur, on peut penser que certaines douleurs sont supérieures aux autres. Mais personne ne sait ce que tu ressens à l’intérieur de toi. Si sur une échelle de 1 à 10, tu dis que t’es à 10. Et moi aussi, je suis à 10. Et bien, on est à 10 tous les deux. C’est tout. »
Et c’est là que Minho se mit à pleurer.
« Oh putain... Je suis désolé... J’ai dit un truc qu’il ne fallait pas ? »
C’était la première fois que Jisung voyait quelqu’un pleurer comme ça.
« Non, t’inquiètes, c’est juste que ce n'est pas courant un dépressif qui te rassure sur le sens de la vie ».
Et alors Jisung rigola pour la quatrième fois. Ce Minho, il l’aimait bien. Il en avait presque oublié les pensées.
Il voulait profiter de sa journée. Aller à la plage et manger des glaces. L’heure de mourir pouvait être décalée d’un jour ou deux.
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