Décidément, Minho et Jisung passaient le plus clair de leur temps dans la voiture. Il faut dire que dans la petite ville où ils habitaient, c’était le seul moyen de déplacement. Les deux garçons avaient toujours vécu dans la ville. Étant petit, Minho avait quelques fois voyagé, mais ses parents avaient arrêté de l’emmener quand ce dernier avait grandi.

La ville était petite et pourtant, personne ne se connaissait vraiment. Pas même de vue. Les gens ne faisaient pas attention. Toujours pressés, toujours occupés, pas un regard échangé avec personne.

Jisung vivait dans sa bulle alors on ne le remarquait pas. C’était tant mieux.

Minho quant à lui était plus visible, plus lumineux. Mais rien ne changeait pour autant. Cette ville était un puits où l’on s’oubliait soi-même.

Alors ils avaient eu de la chance de se rencontrer. Parce qu’ils s’étaient vus.

Jisung avait été celui qui avait proposé de faire un pique-nique au lac. Il avait eu envie de revenir à cet endroit précis où il avait rencontré Minho. La véritable raison était qu’il voulait retrouver les pensées. Peut-être les avait-il oubliées là-bas, dans l’eau claire du lac. Peut-être étaient-elles restées sur la rive. Au fond de lui, Jisung savait qu’elles ne reviendraient peut-être jamais et cela avait créé un grand vide à l’intérieur de lui que Minho arrivait à peu près à combler.

De son côté, Minho n’avait pas questionné Jisung sur le lieu du pique-nique. Mais à l’intérieur de lui, il s’en posait des questions. Jisung lui avait expliqué tellement vaguement ce qu’il traversait que ses pensées restaient un mystère. Pourquoi revenir au lac ? À la place du plus jeune, Minho aurait banni le lac de sa vie et n’y serait jamais retourné. Et si Jisung tente de nouveau de se faire du mal ? Minho ne le laisserait pas faire. Il allait rester avec lui jusqu’à la fin. Il se mit à rire : c’est vrai qu’il lui avait donné sa vie.

« Qu’est-ce qui te fais rire ? » demanda Jisung qui avait détaché son regard du paysage.

« La vie. »

« T’es bizarre. »

Et Jisung rigola, parce que c’est vrai que la vie était drôle. Et que c’était ce qu’il avait dit à Minho la première fois qu’il s’était rencontré. Je rigole parce que la vie est putain de drôle.

Donc le lac. Ils avaient acheté des sandwiches à la supérette au coin de la route et s’étaient allongés dans l’herbe fraîche en face du lac. Minho avait quand même décidé de s’installer à l’opposé de « l’endroit ». Si pour Jisung tout semblait aller bien, ce n’était pas le cas de son côté. Cette soirée avait marqué sa vie et il ne savait pas s’il était capable de l’oublier.

L’herbe était fraîche, il avait sûrement dû pleuvoir pendant la nuit. Le lac était si beau en plein jour. Avec la lumière qui se reflétait sur l’eau douce. Au loin, on pouvait voir des canards et des oies qui volaient au-dessus du lac. C’était beau. Rien à voir avec la dernière fois, où il faisait noir et froid.

Les garçons n’avaient pas apporté de couverture sur laquelle savoir alors ils s’étaient mis à même le sol. Aucun problème, Minho avait dit.

Pendant qu’ils mangeaient, Minho avait raconté des souvenirs d’enfance. Il avait expliqué comment il avait découvert la dance. Les voyages qu’il avait faits. Les activités qu’il avait essayées, mais qui n’avaient pas été son truc du tout.

« La poterie, je te jure comment j’étais nul. Au début, j’ai choisi ça parce qu'il y avait mon crush. Mais bon là, c’est sûr, il ne m'a pas remarqué. J’ai fait trois cours au début de l’année et je suis parti. »

Il avait enchaîné sur une sortie scolaire qu’il avait faite pendant le collège. Jisung écoutait, intervenait parfois. Il était vraiment bien avec Minho. Il lui donnait envie de faire plein de choses. C’est comme s’il avait vécu à travers lui.

Après avoir terminé leur déjeuné, Jisung sorti du papier et des stylos de son sac.

« Est ce que ça te dirais d’écrire une lettre puis on en fait un bateau en papier et on la jette à l’eau ? »

Minho avait accepté en ajoutant un, mais où tu les trouves tes idées bizarres ? Jisung avait répondu par un regard qui devait être mystérieux, mais qui les avait fait rire tous les deux.

Jisung avait fini, il était déjà en train de plier son papier. Mais Minho était encore en train d’écrire, écrire, il écrivait un roman.

Pour Jisung, il n’y avait pas à réfléchir beaucoup. Peut-être aurait-il dû écrire un peu plus...

Merci de m’avoir prêté ta vie le temps que je retrouve la mienne.

Voilà ce qu’il avait écrit. Ce n'était peut-être pas beaucoup, mais pour lui ça voulait tout dire. Il avait espoir d’un jour s’en sortir, et cela, grâce à Minho.

Il avait fini son bateau. Minho était toujours en train d’écrire.

« Bon, tu te dépêches ! J’aimerais envoyer nos bateaux. »

« Arg tu as fait s'envoler mon âme de poète. Si je n’ai plus aucun avenir, c’est de ta faute. » dit Minho avec un air dramatique.

Mais il arrêta d’écrire et commença à plier sa feuille.

Quand les deux bateaux furent prêts à être envoyés dans l’eau, les deux garçons se regardèrent. Ils avaient un sourire enfantin sur le visage. Il faisait beau, le soleil faisait scintiller les cheveux sombres de Minho. Il faisait beau, il était beau.

Et les bateaux partirent sur le lac. Contrairement au a priori, les bateaux n’ont pas flotté longtemps avant de couler. C’était tant mieux, personne ne lira ce qu’ils avaient écrit.

Il était déjà 16 h, ils avaient passé 3 heures dans le parc, a observer les canards et les nuages.

Dans un murmure, toujours allongé sur le dos Minho dit:

« Jisung... Il faut que j’aille à la danse... »

Le deuxième garçon se redressa avec un sursaut. Il était déjà sur ses pieds. Aucune trace du Jisung à moitié endormi.

« Ok lets go ! J’ai tellement hâte de te voir danser ! Enfin... Mieux qu’à la plage »

Retour dans la voiture. Le siège passager de Jisung avait pris la forme de son corps. Il faisait désormais partie intégrante de cette voiture. Comme s’il avait toujours été là.

Le studio de danse de Minho se situait à l’extérieur de la ville et il fallait au moins 30 min pour y accéder. Comme pour tout les trajets, ils avaient mis de la musique et s’étaient mis à chanter. Il faisait encore beau, et les deux garçons avaient ouvert leurs fenêtres pour profiter de l’air frais.

Arrivé au cours de danse, Jisung s’était assis dans un coin de la salle pour regarder son ami, qui s’était changé avec un short et un t-shirt rangés dans la voiture. Il y avait d’autres garçons dans le cours. Mais ils n’avaient aucune importance, car les yeux de Jisung suivaient les mouvements de Minho, et Minho seulement. Il était tellement beau quand il dansait. Il connaissait la chorégraphie sur le bout des doigts et ses mouvements étaient souples et gracieux. De là où il était, Jisung pouvait voir les muscles de son dos et son visage dans le miroir. Bientôt, la danse devenait plus puissante et brutale. Minho avait les cheveux trempés, mais à aucun moment, il ne s’était arrêté dans la chorégraphie pour reprendre son souffle. Les 4 min de chorégraphie semblaient durer une éternité. Et puis quand la musique s’arrêta, une autre s’enchaîna et la danse repris.

Jisung ne se sentait pas de trop. Il ne se sentait pas oublié. Il dansait à travers Minho, qui l’avait laissé entrer dans sa vie. Minho, quand il dansait, il était vivant et Jisung l’était à travers lui.