Astrid
Erwan observait la scène depuis les coulisses de son anonymat. Mais son détachement relatif vacilla lorsqu’il croisa les yeux rougis d’Astrid. Sa fille aurait fait une actrice déplorable, parce qu’elle était peut-être la seule ici qui ne jouait pas ou ne savait pas jouer. Astrid qui n’était pas revenue depuis deux ans. Astrid dont il voyait la peine derrière les cernes d’un retour précipité d’Australie. Astrid qui se cramponnait à son ami, probablement son fiancé. Astrid, sa petite fée. Lorsqu’elle était toute jeune, il avait longtemps culpabilisé de la préférer à son frère, mais il n’y pouvait rien : c’est avec elle qu’il avait eu le plus de complicité, même s’il s’était efforcé de le dissimuler. Il s’en voulait de lui infliger ce chagrin, mais la revoir lui réchauffait le cœur.
Fallait-il vraiment que je meure pour que tu me reviennes, Astrid ?
À cet instant, il faillit basculer, enlever sa perruque et ses lunettes pour aller la consoler. Il était si facile d’interrompre toute cette mascarade.
Il sentit sa tête se tourner, son corps pivoter et ses jambes amorcer un pas sur le côté. Il s’en fallut d’un rien, là, au milieu des figurants et des acteurs presque tous en place. Une respiration. Un trait de lumière. Un raclement de gorge. Un bruissement de vêtement. Un clignement de paupière… Son voisin de gauche jeta un œil sur sa montre avec impatience et lui lança un regard curieux. L’avait-il reconnu ?
Erwan demeura immobile. Le moment était passé.
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