Lise
Alcid, c’est un homme charmant. Il est poli. Trop poli. Il est avenant. Trop avenant… et puis il est trop discret, trop calme, trop tendre, trop mesuré. Je suis tombée sous le charme de ce qu’il est mais aussi de ce qu’il n’est pas. Chaque fois que mon cœur bat, c’est parce qu’il attend d’Alcid un mot, un geste déplacé, malpoli, démesuré, extravagant. Parfois, je regarde dans son sourire, étiré au millimètre. Mais en regardant dans ses yeux, je sais qu’en réalité, ce n’est qu’une façade. Alcid est incapable de sourire sincèrement.
Alcid est beau quand il ne fait pas ce qu’il ne doit pas faire, et quand il calcule chacun de ses gestes, chacune de ses paroles. Mais il l’est plus encore lorsque tout dérape et qu’il ne sait pus rien, qu’il n’est plus l’homme parfait qu’il voudrait tant être. Je crois qu’il a vécu un drame, et depuis il est dans sa bulle.
Je ne sais rien de son passé. Il n’a jamais dit le moindre mot dessus, et je ne l’ai jamais obligé à parler. Parfois, il s’enferme dans sa serre. Pendant des heures, il regarde les poissons qu’il a pêchés dans le monde entier. Alcid n’est pas un bavard de nature. Mais je sais qu’il parle à ses poissons, avec les yeux. Pourquoi aime-t-il autant les poissons ? Je n’en sais rien. Tout ce que je fais, c’est l’aimer pour ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. Il sait tout de moi, je n’ai pas besoin de tout savoir de lui pour le connaître comme si je l’avais fait.
Alcid est fragile. Il est maladroit et renfermé, c’est pour cela qu’il paraît si ouvert et avenant. Il est complexe et désordonné, c’est pour cela qu’il semble si simplet et rangé. C’est un oiseau blessé que je m’efforce de regarder. Il ne veut aucune aide. Il ne veut pas être soigné par autre que lui-même. Alcid est un solitaire, et il m’aime pour mes qualités et mes défauts, pour ce que je suis et ce que je ne suis pas. Et je l’aime aussi pour ça.
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