Contredécision
Tout se passait pour le mieux. Le recrutement des groupes spécialisés, travaillant dans l’ombre à leur service, fut d’une facilité déconcertante. Il suffisait juste d’employer ceux qui n’avait pas eu la chance inouïe de s'affirmer, ceux de peu de valeur, considérés tels que les moins que rien de leur section. Il fallait simplement déceler leur potentiel, chose qu’on n’avait nullement le temps de faire. Seuls les génies et intellectuels pouvaient s'imposer dans le monde impitoyable de la science.
Pour ces gens, les trois scientifiques représentaient déjà leur ticket gagnant, ceux qui allaient leur permettre d’accéder au rang des plus forts, d’atteindre les lumières. Ces âmes perdues, elles rêvaient toutes de cela, de ce jour de gloire et de reconnaissance. Leur esprit était alors facile à influencer, puis manipuler : un jeu d’enfant ! Ainsi fait, le moment arriva où, leur objectif parcouru de moitié, il était nécessaire d’obtenir l’accord du Conseil. C’était le plus dur à faire avant de pouvoir avancer vers la réussite.
“ Mes chères et fidèles compatriotes, grâce à vous, les expérimentations se déroulent comme nous l’avions tous prévu ! Nous vous assurons que la première phase de notre oeuvre est bientôt achevée. C’est pour cette raison que vous pourrez tous prendre repos, lorsque notre projet sera enfin validé par le Conseil d’éthique. Cependant, nous tous ici présent savons très bien que l’enjeu de cette entreprise s’annoncera difficile. Mettons ainsi toutes les chances de notre côté. Et alors, notre jour de gloire sera enfin arrivé ! ”
Les louanges et applaudissements des apprentis résonnaient à travers toute l’assemblée. Chacun tapait résolument des mains, tout en tenant un sourire radieux aux lèvres en la direction de leur orateur. Les uns hochaient la tête pour s’abreuver de la satisfaction de leur efforts soutenus, tandis que les autres affichaient un regard d’admiration à cette nouvelle ou d’assurance à ce nouveau défis. Ils acclamaient tous à l’unisson Roberto, positionné en toute élévation, au-dessus de ce peuple en effervescence. Les deux autres scientifiques étaient en retrait face à l’auditoire. Ils n’auraient jamais pensé que Roberto puisse un jour tenir un tel discours. Paroles qu’il réprouvait lui-même, il y a quelques mois de cela. Ils ne pouvaient que sourire à ce constat !
Pourtant, le coeur de l’un des deux hommes était déjà épris de jalousie. Car la foule ne prêtait l'oreille qu’à Roberto, n’avait d'yeux que pour sa personne. Elle ne réfléchissait et ne répondait qu’à ses ordres et directives. Il s’était alors imposé comme maître, chef et leader de ce qu’on pouvait appeler maintenant une organisation (secrète). Et ce succès était aussitôt monté à la tête de Roberto. Ce dernier s’était alors mis à pratiquer des expériences cachées à la vue de tous, même de ceux qu’il considérait comme ses amis ! Tout cela mettait l’homme fou de rage, mais il préférait demeurer dans le silence pour l’instant.
Les exclamations de la foule ne faisaient que retentir l’approche certaine d’une nouvelle ère. Néanmoins, les trois scientifiques insufflés d’une mélodie assurée devant la clameur de la jeune masse, pensaient-ils réellement que leur projet allait prendre un autre tournant ? Et cette chorale, annonçait-elle réellement la réussite ou était-elle une complainte ?
Le moment fatidique devait bien se présenter à bon port, mais cela se fit à la mauvaise heure ! Par fuite d’information, le Conseil d’éthique avait déjà eu vent des recherches et observations du petit groupe qui s’était formé. Malheureusement, celui-ci se montrait déjà fermement opposé à ce projet pour le moins scandaleux.
“ Des expérimentations d’une substance non-identifiée sortie de nul part, dont les conséquences et effets secondaires sont encore inconnus, et ce réalisées sur des humains ? Il n’y a pas lieu d’être, nous refusons à l'unanime ! ” fut l’ultime décision du Conseil. Eux tous paraissaient révoltés à cette idée qui dépassait l'entendement.
Les expériences sur les humains étaient interdites par la loi, et condamnables. Le Japon respectait au moins ces valeurs humanistes dans le domaine de la science. De surcroît, le Collège centrale des recherches humaines était sous gouvernance américaine. Le gouvernement ne souhaitait nullement détériorer ses relations avec les États-Unis. Alors, les membres du Conseil préconisèrent, avec insistance auprès du directeur des recherches scientifiques, de prendre des dispositions radicales contre ces hommes voulant pratiquer une science contre nature. Toutefois, ce dernier hésita à prendre une décision dans l'immédiat.
- Je précise que vous ne leur avez pas laissé une seule chance de présenter leur projet. Peut être que_
- Ne discutez plus Monsieur le Directeur ! Appliquez la loi sans partialité et non selon votre bon sens, puissiez-vous ? rétorqua le président.
- Je comprends parfaitement votre point de vue M. le Président, mais accordez-leur un peu de temps avant de leur annoncer le verdict, je vous prie.
- Notre décision a déjà été prise Monsieur le Directeur. Ne remettez plus en cause le conseil et disposez maintenant !
- Cela risque de prendre du temps. On ne peut renvoyer trois scientifiques avérés depuis des années en un claquement de doigt ! Laissez-moi, s’il vous plaît, au moins le temps de le faire.
- Alors, faites vite ! Vous en avez toutes les tripes pour tous les congédier. Sinon quoi, nous prendrons les mesures nécessaires pour que vous soyez renvoyé de même sur le champ. J’espère que vous ne voulez pas subir le même sort ? dit le président, en ajustant ses lunettes au-dessus de son nez. C’était aussi simple que ce qui avait été dit.
L’avertissement était assez clair. Elle était telle une menace, un couteau à la gorge du Directeur qui était alors impuissant. Et le verdict ne tarda pas à tomber.
Les quatre scientifiques voyaient leurs expériences fructifier. Tout fonctionnait jusqu’au détail près ! Mais un jour, ces derniers furent convoqués dans le bureau du Directeur. Sans raison particulière.
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