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Noirceur en mouvement. Des spirales sombres, des taches trouent le papier, ici et là. Des puits vers le néant entre les lignes bleu foncé et les mots griffonnés très vite.
Frans, assis à son bureau, a les yeux rivés sur une feuille, double page lacérée de rouge. Sa main trace une nouvelle spirale à l'intérieur. Je me demande s'il la voit tourner comme moi, appeler comme moi. Je ne pense pas. Il trace sans comprendre la profondeur des traits. Il regarde les coups de stylo – méchants, les coups, méchants et précipités – qui le plongent dans un état de transe. C'est à peine si, me penchant près de lui, je l'entends respirer.
Je recule. Scrute sa nuque, son échine courbée au-dessus des feuilles éparpillées, ses épaules figées, étudie l'articulation de ses membres assemblés, leur mobilité, leur immobilité, et suis saisi d'un drôle de sentiment.
Je ne reconnais pas ce dos. La lumière y tombe mal. Elle y tombe mal car l'ombre le noie.
Soubresaut. Les épaules de Frans se délient d'un seul coup, d'un geste incontrôlé, et se figent à nouveau. Il inspire brusquement. Hoquète. Je me penche par-dessus lui. Des larmes glissent sur ses joues. Je les devine brûlantes. Il serre les poings, la copie assassinée dans sa main. À l'intérieur, la spirale est chiffonnée. Il me semble qu'elle ne tourne plus, n'aspire plus, n'appelle plus. Elle reste figée entre ses doigts.
Je me détourne de Frans, déjà las de ses sanglots.
Sur les murs de sa chambre, il y a des posters et des photos que je connais. Des groupes de musique, des tickets de cinéma, des souvenirs et une image, une seule qui ne me dit rien. Noire et blanche, un peu floue. C'est Keira, elle court au milieu d'un parking vide. Bras grands ouverts, parés d'ailes blanches. Pas celles d'un ange ou d'une fée : elles sont plumées et plates, comme chez les oiseaux, elles suivent parfaitement la ligne de ses bras dépliés. Quelque chose fait sens, au fond. Cette image fait sens. Je ne sais pas pourquoi, alors je patiente gauchement derrière Frans. J'attends – tout ce que j'ai jamais fait – que ce moment soit avalé par le cours du temps et remplacé par un autre.
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